-- CHAPITRE 15 --

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Opiniâtreté ou comment arrêter de repousser les gens


1. Ouvrez-vous aux autres.

Ce qui est fascinant chez Camille, c'est son don de trouver l'art partout. Son œil magnifie même un simple grain de poussière. Sa passion pour la peinture, l'aquarelle en particulier, est indéniable et je suis certaine qu'elle finira par se faire connaître du monde entier.

Ce qui obscurcit ce beau tableau, c'est son nouveau copain, Pablo Morin, qu'elle a invité à notre sortie mensuelle au musée. Un dimanche par mois, nous nous retrouvons pour admirer une exposition gratuite ou visiter le musée d'Art moderne de la ville. Bien évidemment, dans les règles tacites de nos sorties mensuelles, il n'a jamais été question d'interdire la présence de notre pire ennemi puisque jusqu'ici, c'était inenvisageable. Mais ce n'est pas grave. Je garde mon sang-froid pour Camille. Elle est en train de vivre sa romance de l'été. Avec un peu de chance, ça ne sera que saisonnier. À la rentrée, il partira pour la capitale ou je ne sais où parce que je m'en fiche, et hop, adiós la sangsue. En revanche, il y a des chances que leur liaison devienne une relation à distance. Mais après tout, s'il lui apporte du bonheur, qui suis-je pour m'opposer à leur union ?

Dès le début, il se montre arrogant et pédant, marquant son entrée dans chaque salle de la même blague insipide.

— Et au cœur du musée, la cuisine.

Bon, la première fois, j'avoue avoir rehaussé un coin de lèvres, mais uniquement par politesse. Mais la quatrième fois, c'est trop ! Tant et si bien que c'est Camille qui intervient la première.

Autre chose à dire, Pablo Morin ? Non, alors ferme-la.

Sa vanité est telle qu'il continue de me bassiner avec ses anecdotes familiales, alors que je ne lui ai rien demandé.

— Vous ne le répétez pas, mais j'ai un oncle qui a hérité d'une grande tante, qui a elle-même hérité...

— Abrège !

Je suis obligée de le couper, sinon c'est interminable. Camille se retourne vers moi et fais la grimace.

— Continue, pardon, corrigé-je en levant les yeux en l'air. Tu disais ?

— Donc je disais, ne le répétez pas, mais j'ai un oncle qui a hérité d'une grande tante, qui a elle-même hérité de sa mère... Non attendez, c'est peut-être bien son père...

La journée va être d'une longueur monotone.

Camille commence à s'impatienter aussi, alors elle l'invite finalement à sauter l'étape sur la généalogie.

— Bref, mon oncle possède une petite collection privée. Et devenez ce qu'il a en sa possession...

Sa petite amie se prête au jeu des devinettes. Quant à moi, je tente d'échafauder un plan pour me débarrasser de lui pour le reste de la journée.

— Ça sera plus facile de trouver l'artiste. Je vous donne un indice : c'est une œuvre d'un peintre français du mouvement impressionniste.

— Renoir ? tente Camille en fronçant les sourcils. Courbet ?

Je pourrais l'enfermer dans les toilettes du musée. Non... Il trouverait le moyen de passer par la fenêtre.

— Caillebotte ? continue la connaisseuse qui a choisi Arts Plastiques comme option au baccalauréat.

Martini-GrenadineOù les histoires vivent. Découvrez maintenant