-- CHAPITRE 19 --

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Regret ou comment porter un toast


1. Levez-vous et recherchez la personne à qui vous souhaitez rendre hommage.

Liam n'a jamais répondu à ma carte. Alors bien sûr, mon esprit s'est emballé, imaginant les scénarios les plus fous : enlèvement par des extraterrestres, un nouveau voyage impromptu, un désintérêt total pour mes missives. Un soir, je me suis même assise sur le banc dans le parc derrière notre immeuble. J'ai scruté le ciel nocturne, espérant le voir observer les étoiles à mes côtés. Au travail, chaque silhouette ressemblait à la sienne, une illusion éphémère accentuée par ma myopie.

Évidemment, comme j'ai décidé de ne plus être autocentrée, j'ai fini par me remettre en question. Donc, je suis venue à me dire que ma dernière missive était peut-être un peu laide et ne servait en aucun cas le message que j'essayais de véhiculer. Aurais-je dû choisir celle avec le panda roux tirant la langue ? Tout le monde aime les pandas roux.

Non, je plaisante. Ma remise en question a été plus profonde que ça. Je me suis dit que les choses ne peuvent être aussi simples. Liam n'est pas aussi simple. Il mérite bien plus que quelques drôleries sur des cartes postales kitsch. Mon départ précipité ce soir-là me pèse. Blessée par sa réaction, j'ai agi sans réfléchir. Liam vaut plus qu'une relation épistolaire avec une personne instable émotionnellement. Il est digne d'un roman d'amour, d'un polar palpitant à la limite, d'une histoire qui finit bien, loin des clichés et des tragédies. Oui, Liam reste légitime de réclamer qu'à même la rue, on brandisse un radiocassette comme Lloyd Dobler dans Un monde pour nous, que sous son balcon, on lui déclame un poème au clair de la lune, quand bien même de nos jours, ce n'est plus commode d'épier quelqu'un sous sa fenêtre.


2. Répétez d'abord votre discours dans votre tête.

Dès les premiers instants, une connexion inexplicable s'est établie entre nous. Un sentiment de familiarité et d'aisance, comme si nous nous connaissions depuis toujours. Frère ou âme sœur ? Dans certaines contrées reculées, la frontière peut se brouiller... Mais quand il n'y a que dix habitants tous les vingt kilomètres, « aux grands maux, les grands remèdes » j'ai envie de dire.

Était-ce l'œuvre de l'Univers, une oasis surgissant dans le désert de ma vie ? Non, je refuse de corroborer les clichés des téléfilms où l'épanouissement personnel dépend uniquement d'un prince charmant. Ces comédies romantiques dépeignent une vision irréaliste de l'amour, où l'homme sauve la princesse en détresse. Cela dit, l'histoire peut être plaisante quand, en réalité, le « prince » est simplement un homme ordinaire, dénué de toxicité.

Cependant, il ne faut pas ignorer l'impact insidieux de ces films sur notre santé mentale. La comparaison avec ces couples parfaits peut engendrer une baisse d'estime de soi et accentuer le sentiment d'insatisfaction dans nos propres relations. Pire encore, les attentes irréalistes qu'ils créent peuvent causer de l'anxiété chez les personnes à la constitution sensible comme moi. Avec du recul, j'ai l'impression qu'ils m'ont conditionnée à me sentir inférieure, incapable d'atteindre cet idéal fictif.

Loin de moi l'idée de verser dans la complainte amère ! Je reconnais une évolution positive dans les récentes comédies romantiques. L'accent est désormais mis sur l'amour de soi comme condition préalable à l'amour de l'autre. Le protagoniste doit apprendre à se valoriser avant de pouvoir partager son bonheur. Et moi, femme indépendante et accomplie, je suis mon propre Martini.

Mais lui, il est ma Grenadine...

L'ingrédient qui sublime mon cocktail personnel, sans le dénaturer. Une rencontre inattendue qui colore mon existence d'une saveur nouvelle, sans pour autant entacher ma propre valeur.

Martini-GrenadineOù les histoires vivent. Découvrez maintenant