NE PRENEZ PAS D'AUTO-STOPPEUR LA NUIT ET AUTRES NOUVELLES

I-AUTO-STOP : Ils jouent tous

Ester n'avait pas fermé les yeux. Elle était restée immobile serrant contre elle le jeune homme. Le couple était à l'étage. Elle les entendait marcher. Au bout d'un long moment, les bruits de pas approchèrent, une lumière s'alluma derrière la porte de la cave et Ester pu en deviner l'encadrement.

« -C'est l'heure du repas. Résonna une voix grave derrière la porte.

Ester frémît et se redressa. Elle repoussa Camille avec douceur qui gémît dans son sommeil.

La porte s'ouvrît, Ester songea qu'elle n'était pas fermée à clef. La lumière glissa à l'intérieur de la pièce.

Thomas avança jusque dans la cave et déposa un bol de bouillon au milieu de la pièce. Il releva ensuite les yeux vers Ester.

-Tu peux monter manger avec nous si tu en as envie. Proposa l'homme.

Ester fît non de la tête.

-J'ai pas faim.

-Pour l'instant, siffla Thomas avec un sourire amusé. Là-dessus il tourna les talons et ferma la porte derrière lui, les replongeant dans l'obscurité.

Les pas s'éloignèrent et Ester entendit deux voix indistinctes à l'étage.

-Camille ? Susurra Ester, ça va ?

-Oué... Souffla faiblement le jeune homme. Ça va...

Ester rampa jusqu'au bol de bouillon brûlant, elle l'approcha de Camille avec lenteur.

-Ils ne t'ont jamais empoisonné ? Demanda-t-elle d'une voix douce.

-Drogué seulement, marmonna Camille. Mais c'était il y a longtemps.

Ester retînt un hoquet de terreur.

-Aller, souffla-t-elle, il faut que tu boives. C'est chaud ça va te faire du bien.

Avec une lenteur bienveillante, Ester porta le liquide fumant jusqu'aux lèvres de Camille. Elle l'entendit boire en toussotant.

-Tu as quel âge ? L'interrogea Ester.

-J'avais dix-neuf ans quand ils m'ont eu. Maintenant vingt.

-J'ai vingt trois ans. Déclara Ester.

-Tu sais, il va falloir que tu manges. Si tu ne manges pas tu ne pourras pas gagner.

-De quoi est-ce que tu parles ?

-Ils... Commença Camille, ils organisent un jeu. Ils ont des fusils. Ils comptent et il faut se cacher. Si on gagne, ils nous laissent partir.

-Tu rigoles là ?

-J'ai gagné une fois. Ils m'ont laissé partir après m'avoir fait juré de ne rien dire. J'ai couru jusqu'au commissariat. Il fallait que je libère les autres. Mais ils m'attendaient là-bas.

-Les autres ? Quels autres ?

-Ils jouent tous au jeu ici.

-Qui ça ?! S'inquiéta Ester.

-Les gens du village. Ils jouent presque tous au jeu.

-C'est impossible ! S'insurgea Ester. Et depuis ? Depuis qu'est ce qu'ils t'ont fait ?

-Elle dit que je ne mérite pas de gagner. Répondit Camille a mi-voix.

-Qu'est-ce qu'ils t'ont fait...? Hoqueta Ester alors que ses yeux se remplissaient de larmes. Est-ce que... Ils ont abusé de toi ?

-Parfois... Répondit Camille. Le plus souvent ils se contentent de me battre.

-Je...

Des pas résonnèrent dans l'escalier, et la lumière du couloir s'alluma.

-Méfies toi de lui, dit Camille le souffle court, mais c'est elle qui ne faut contrarier sous aucun prétexte. Lui il pourrait te tuer, mais elle, elle s'arrangerait pour que tu ne meurs pas.

Ester déglutît difficilement et la porte de la cave s'ouvrit.

-Alors ? On fait copain-copine ? Se moqua une voix féminine.

Ester serra les dents, elle remarqua que Safia était changée, elle reconnaissait à peine la femme qu'elle s'était arrêtée prendre sur la route. Ses cheveux blonds étaient toujours détachés, mais il ne lui donnaient plus cet air libre avenant. Non, ils encadraient sévèrement son visage et faisaient ressortir ses yeux vifs maquillées de noir. Safia avait quitté son long manteau et laissait maintenant apparaître sa chemise blanche, impeccablement repassée et rentrée avec soin dans son pantalon en cuir noir.

-Ma soeur va venir me chercher, siffla Ester. Vous devriez nous laisser partir avant que la police arrive.

Un rire triomphant s'échappa de la gorge de Safia.

-Lève-toi. Ordonna-t-elle sévèrement. Ester s'exécuta, elle approcha même de Safia et planta son regard dans le sien.

-Tu vas voir ma belle... Le jeu ne fait que commencer... »