Chapitre 2 : Piège-moi

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Samedi 28 janvier, huit heures, Louis

En entrant dans la boulangerie, encore ruisselant de transpiration, j'enlevai mes écouteurs. Une bouffée d'odeur de viennoiserie vint m'accueillir. J'inspirai profondément, me demandant déjà ce que j'allais prendre. J'avais l'eau à la bouche devant toutes les pâtisseries.

Deux personnes étaient devant moi dans la file, j'avais encore le temps d'y réfléchir. Pourtant, la seule chose qui se frayait un passage dans mon esprit était le corps de la douce créature que j'avais rencontrée cette semaine. Une sirène qui avait réussi à m'hypnotiser, je dirais même m'envouter avec son beau regard.

— Bonjour, je vais vous prendre un pain au raisin et un pain au chocolat s'il vous plaît, dis-je à la nouvelle vendeuse de la boulangerie.

J'avais tant été attiré dans mes propres pensées que, lorsque la douce vendeuse m'avait questionné, j'avais répondu les deux premières choses que j'avais vues. Ce qui était assez drôle sachant que je détestais les pains au raisins. Mais je ne voulais pas paraître pour un homme incertain, un homme qui ne savait pas choisir. Ce n'était pas moi tout cela. J'étais inspecteur de police, j'étais un bel homme sportif. Je prenais cette même commande toutes les semaines sans exception.

La première fois que j'avais rencontré Eléonore, j'avais été tant occupée à la mater que je n'avais pas su quoi répondre et avait demandé les deux première choses devant moi, comme aujourd'hui. La semaine suivante pour ne pas perdre la face, j'avais commandé la même. Désormais, je continuais cette routine, laissant le pain au raisin rassir sur mon îlot, toutes les semaines sans exception.

— Avec ceci ? Me répondit-elle de manière timide.

Elle ne devait pas avoir plus de vingt ans, elle était jolie mais sans plus, sans saveur. Une tresse ramenée sur le côté, des cheveux blonds décolorés, des yeux marron, de légers boutons d'acné. Elle était bien moins belle qu'Éléonore. Elle faisait partie de cette nouvelle génération qui se sentait obligée de changer pour plaire. Je détestais les femmes de cette trempe. Mais je mentirais en disant que ce n'était pas exactement ce genre-là que je ramenais le soir.

Il me fallut quelques instants supplémentaires à la regarder pour comprendre qu'elle m'avait posé une question. Je pris donc un sourire charmeur tandis que je m'appuyais sur la vitrine, gainant mon corps pour faire ressortir mes muscles trempés de transpiration.

— Je souhaiterais rajouter une baguette de pain tradition pas trop cuite, s'il te plait, Marie.

Les yeux légèrement plissé dans l'espoir de pouvoir y lire son nom sur son badge, je vis un sourire timide venir faire rougir ses joues. Tandis qu'elle dût se cambrer et s'étirer pour attraper le pain que je ne voulais absolument pas, mais que je venais de lui demander, je profitais du spectacle. J'avais émis cette demande juste pour pouvoir comparer son cul et sa chute de rein avec celle de sa collègue absente.

La vendeuse revint vers moi, une moue qu'elle voulait séductrice gravée sur son visage. Elle me demanda si je voulais rajouter quelque chose.

— Rien, ce sera tout. Par pure curiosité, où se trouve Eléonore ? Je ne l'ai pas vue.

Eléonore et moi, c'était une histoire de longue date. Lorsque je m'ennuyais et que je ne ramenais personne, je venais la voir. Peu importe l'heure. Et elle m'accueillait toujours avec un sourire espiègle. Je savais très bien qu'elle voulait davantage que cette relation de nuit. Mais elle était consciente que jamais il ne se passerait quelque chose entre nous. Je ne faisais pas partie de ces hommes qui voulaient bâtir une famille. Je prenais ce que la vie avait à m'offrir, en ne regardant les conséquences que bien plus tard. La vie était trop courte, mon travail ne cessait de me le rappeler chaque jour. Travail qui me bouffait bien trop de temps.

Arrache-moi les ailes (Editer)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant