Chapitre 4 : Attend-moi

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Jeudi 9 février, dix heures, Louis

Cela faisait une semaine et demie que je travaillais sans relâche sur cette enquête. Onze putains de jour que je tournais en rond comme un foutu lion en cage, à l'affût du moindre indice à côté duquel je serais passé sans rien voir. Mais aucune nouvelle pièce à conviction ne vint s'ajouter sur le mur de cette barbarie. Il fallait appeler ce meurtre par son vrai nom, il ne s'agissait pas d'un braquage qui avait mal tourné, ou d'un règlement de compte entre deux gangs. Non, nous avions à faire à une mise à mort, à une oeuvre d'art.

L'image de la douce boulangère ne cessait de venir me hanter, sa tête trônant tel un centre de table, surplombé de ces deux affreuses cornes. Je revoyais également cette carte qui était un mystère à proprement parler.

Nous avions mené les recherches et étions parvenues à un lien avec la Bible. Le sacrifice d'Isaac par Abraham pour montrer sa foi sans égale. L'histoire racontait que dieu avait demandé à son serviteur de tuer son propre fils comme preuve de son amour envers le tout puissant. L'homme s'était exécuté, et le seigneur avait épargné l'enfant, le remplaçant par un simple mouton.

Désormais nous savions ce que nous cherchions mais c'était équivalent à une aiguille dans une botte de foin. Trouver un fanatique religieux prêt à passer à l'acte n'était pas un chose aisé puisque nous en étions entourés dans cette région. Et celui-là semblait très sûr de lui, aucunes empreintes, aucunes traces de son passage hormis son œuvre.

- Louis ! Réveille-toi, on n'a pas le temps de rêvasser ! On a un taré à coffrer au plus vite.

Je bougonnait en simple réponse. Je me relevais de mon bureau sur lequel j'avais passé la nuit pour le quatrième soir d'affilée. Nous piétinions, nous n'avancions absolument pas, et la seule chose que nous souhaitions était un nouveau meurtre qui pourrait nous mener à ce déglingué.

Je pris la cafetière pour me servir un café pour enchaîner cette journée qui me paraissait déjà interminable quand je me rendis compte qu'elle était vide. Je râlais encore, soupirant et crachant un juron en me déplaçant à travers les couloirs prêts à tout pour ma dose de caféine.

Ce fut en déambulant à travers mes confrères brigadier prenant des dépositions au téléphone que j'entendis ce qu'il me fallait pour réveiller pleinement mon instinct. Au milieu de tout ce bruit incessant je ne cessais de voir les mêmes mots sur les lèvres des agents "cambriolages", "vol de voiture", "vandalisme". Mais quand mon cerveau analysa le morceau de phrase "mise en scène religieuse", je sut qu'il s'agissait d'une pièce pour mon enquête j'en étais convaincu. Il ne pouvait s'agir que de cela.

- Passe-moi le combiné ! Hurlais-je.

- Qu'est ce qui se passe Louis ? Je suis avec une jeune femme qui me décris quelque chose de bizarre.

- Lâche ce foutu téléphone ou je te broie la main !

Je mugissais, et mes yeux devaient transpirer ma fatigue et mon excitation. Car je mentirais en disant que cette enquête ne réveillait pas en moi un instinct de prédateur. Ce meurtre me captivait, j'étais ensorcelé par ce soucis du détail, cette capacité à avoir mis mes empreintes avec semble t-il autant de facilité. Je voulais comprendre, je voulais le trouver, et je voulais lui faire payer. Toujours par trois.

Mais je ressentais surtout le besoin d'aller plus loin, de comprendre jusqu'où il irait, que ce soit dans la perfection de son art comme dans son message. Cet homme n'était pas un simple tueur qui mettait à mort pour le plaisir, non, il était bien au-dessus de ça. Il œuvrait pour quelque chose de plus fort, de plus fou, et de plus puissant.

Actuellement, mon rêve était de l'attraper, mais plus encore de le voir s'accomplir. De comprendre ce qui l'animait. Deux pulsions combattaient en moi : la partie rationnelle du flic qui devait le coffrer. Et la bête, qui était affamée.

Arrache-moi les ailes (Editer)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant