Chapitre 10

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Froid. La nuit fut froide.

Tout ce que l'on entendait était le son que faisaient les sandales claquant contre de la terre humide, portées par des hommes faisant leur ronde en guettant un quelconque danger. L'on pouvait également entendre le crépitement d'un feu de camp non loin de la scène, tout juste suffisamment proche pour éclairer un peu les silhouettes des villageois. La foule qui entourait Gabriel restait quant à elle dans un silence de mort. Puisque la nuit était synonyme de danger et de mauvais présage, le jugement se Gabriel se faisait juste avant l'aube. Laisser les tourments à la nuit afin de laisser le jour porter chance, voici la devise que portait le village.


Attaché par le cou à une lourde pierre taillée et plantée dans le sol, le garçon pouvait sentir le métal glacé sur sa peau alors qu'il n'était vêtu que d'un simple et ample tissu blanc le recouvrant à peine.

Le chef du village s'agenouilla juste devant lui afin d'arriver à son niveau, laissant apparaître ses rides et ses cernes plus que flagrantes.


Sept jours s'étaient écoulés entre le drame et son jugement. La nouvelle s'était répandue dans le village et très vite, la plupart des habitants devinrent hostiles envers le garçon. Le peu qui osaient remettre en question l'accusation de Gabriel subissaient le même sort : un rejet de leur communauté, une haine étouffante. Tous s'étaient ainsi mis d'accord sur le compte de l'enfant : il était un meurtrier qui venait de dévoiler l'étendue de sa cruauté et dont il fallait se débarrasser au plus vite.

De cette façon, le garçon venait tout juste de se faire réveiller et traîner de force à l'extérieur. Il y découvrit avec surprise pratiquement tous les habitants de son village qui s'étaient réunis pour l'attendre. Ceci n'arrivait jamais au vu du couvre-feu instauré depuis des décennies alors pour qu'une telle exception surgisse, le garçon comprit immédiatement que tout allait se jouer ici : il allait enfin découvrir ce qui allait advenir de lui. Malgré ses doutes, son impuissance et sa douleur, il avait encore cet infime espoir au fond de son esprit que quelqu'un l'ait défendu et influencé son sort.

Le garçon jouait nerveusement avec les chaînes qui reliait ses deux poignet, essayant miraculeusement de s'en libérer.


-Après plusieurs jours de réflexion suite au tragique sort d'Adrian, les habitants du village et moi-même avons décrétés, par un système de vote, que tu étais coupable de sa mort. déclara-t-il froidement.


Le jeune garçon senti son cœur s'arrêter durant un court instant. Il avait déjà tant essayé de se défendre depuis, mais tous ces efforts avaient été vains puisque personne n'avait réellement pris la peine de l'écouter.

Depuis l'accident il lui arrivait souvent de se demander comment cela se serait passé s'il s'était plus ouvert aux autres, s'il avait eu des amis et une famille suffisamment aimants pour croire en lui. Peut-être même qu'Adrian aurait toujours été là s'il avait fait les choses autrement.


Il se mit à fixer le sol. Le seul exutoire qu'il possédait était de se plonger au fond de son imaginaire, créant dans sa tête la vie meilleure qu'il aurait pu avoir parmi les siens. Il était encore si jeune et avait encore tant de choses à découvrir de l'immensité de ce monde. Sa vie ne pouvait pas prendre fin ici.


-Pour la terrible faute et le mensonge que tu continues de perpétrer, tu seras puni. Lors des vingt-et-un prochains jours, tu porteras sur ton dos la douleur immense que tu as infligé à cette pauvre fille avant d'être exécuté ici-même.

L'Agneau et le LoupOù les histoires vivent. Découvrez maintenant