Chapitre 1

43 5 0
                                    

Huit ans ...
Huit ans que je n'ai pas vus cet homme.

—     Le juré a délibéré.

Plus que quelques minutes et tout est fini. Des souvenirs m'envahissent la tête, j'essaie tant bien que mal de les chasser, mais même huit ans après, c'est toujours aussi difficile.
Plus que quelques minutes Cat, quelques minutes et tout est fini.

—     Mesdames et messieurs après délibération, le juré a rendu son verdict veuillez, vous levez pour entendre la sentence.

Tout le monde se lève, j'ai les mains moites, les jambes qui tremblent. Mon souffle est court. Vous ne savez pas comment deux secondes peuvent paraître une éternité dans ces moments.

—     Après l'écoute des témoignages, des témoins et des victimes, Monsieur Giovanni est condamné à quinze ans de prison ferme à effet immédiat.

C'est fini.

Je vois les agents l'escorter jusqu'à la sortie, il est plus vieux, mais toujours le même. Nos regards se croisent deux secondes et mon corps est parcouru d'un frisson. Je devrais être soulagée, mais rien n'a changé, la peur, les angoisses tout est là. Encore et toujours.

Tout est fini mais rien n'a changé.

Des images me reviennent. Elles m'assaillent toujours au pire moment. Elles m'empêchent de respirer, de bouger.

Calme, tout est fini, tu ne le reverras jamais.

J'ai beau me faire des mantras rien de marche, je panique dès lors que je le vois. Je me pensais plus forte après tout, mais rien qu'avec son regard, je me rends compte que j'avais tout faux. Tout, comme il y a 8 ans. Je devrais être plus forte. Ça ne devrait plus m'affecter à ce point.

—     Cat respire ! T'es toute bleue.

Je ne me suis même pas rendu compte que je retenais mon souffle... J'ai la tête qui tourne, le voir m'a chamboulée plus que je ne le pensais.

—     Allez, on y va !

Vi m'aide à me relever avec difficulté. Vittoria Mancini est pour moi encore plus qu'une meilleure amie, je ne fais rien sans elle. Elle est là depuis le début, et m'aide depuis toujours. Elle comprend ma douleur, elle a perdu ses parents et son petit ami dans un tragique accident. Cette fille est forte tandis que moi je suis nulle, je me pensais au-dessus de ça mais le passé revient à la charge.

Je suis nulle, qui voudrait d'une faible comme moi.

—     Arrête avec tes pensées Cat, je sais très bien ce qu'il te passe par la tête, tu penses si fort que je peux t'entendre et juste arrête. Tu es l'une des personnes les plus fortes que je puisse connaître, on a vécu des merdes toutes les deux et on est toujours là. arrête de te dévaloriser, tu es merveilleuse !

Vi et moi sortons de la salle d'audience, je suis crispée, mes parents ne sont pas venus, il fallait si attendre de toute façon. Pourquoi viendraient-ils pour la petite merde de la famille ?
Pendant que nous nous dirigeons vers la sortie du tribunal, je repense à ce qu'un avocat a dit pendant le procès.

« - il ne s'est pas seulement contenté de cela, 3 autres enfants ont été retrouvés à l'hôpital, tous plus amochés les uns que les autres. »

Il a donc continué...

—     Et si on allait se prendre une bonne glace ?

Vi me sort de mes pensées encore une fois, je me rends compte que nous sommes déjà dehors et qu'en cet été milanais, il fait très chaud. La chaleur me pèse, je n'ai qu'une envie : sauter dans une piscine bien fraîche.

—     Va pour la glace !
—     Gelateria Della Musica ?
—     Et comment !

Nous nous dirigeons donc toutes les deux à grand pas chez notre glacier préféré le plus connu dans Milan. Gelateria Della Musica est le meilleur glacier que je connais dans Milan, ses glaces sont à tomber. Comme à notre habitude, je prends goût noisette et Vi goût vanille, et comme toujours nous échangeons nos glaces sous peu.

—     Ça va ? me demande Vittoria.
—     Ça peut aller, que veux - tu, je dois bien m'y faire...
—     Tu sais, j'ai appelé l'annonce de la dernière fois, celle qui propose un appartement à Paris ...
—     Vi on en a déjà parlé, pourquoi partir, Milan est notre ville natale, on a grandi ici.
—     C'est bien ça le problème, on a grandi ici, tous nos souvenirs sont ici ! Les bons comme les mauvais ! Cat , on a plus aucune raison de rester ici, le passé reviendra toujours, mais pourquoi ne pas profiter de la possibilité de pouvoir découvrir une nouvelle ville de nouvelles personnes ? Recommencer nos vies à zéro avec un nouveau départ. J'en ai marre de lire la compassion dans les yeux de toutes les personnes qu'on croise. Que des gens m'arrête pour me présenter leurs condoléances alors qu'ils ne les connaissaient pas. Que des gens me regarde de haut en bas et rigole. Que d'autre m'insulte en me disant que je suis Satan d'être la seule encore vivante, ou sorcière. Je veux changer de ville, disparaître. Ne connaître personnes. Que personne ne connaisse nos histoires. Je veux qu'on arrête de t'insulter quand tu marches dans la rue. Qu'on arrête de te traiter de traiter de pute et de menteuse. Tu n'en as pas marre toi ? De tous ses gens qui se permettent de critiquer alors qu'ils ne savent même pas le quart de l'histoire. Partons d'ici. Partout de tout ce malheur qui nous entoure. De ses mauvaises ondes. On est plus heureuses ici. Plus rien ne nous retient ici.

Nouvelle vie, nouvel entourage, nouvelle moi.

—     Tu as raison ... Tu penses que l'appartement est toujours disponible ?
En me tournant pour entendre la réponse de Vi, je ne suis pas surprise de voir qu'elle s'est mise de la glace de partout sur le visage. Quand on la voit, une grande blonde aux longs cheveux lisses, sûre d'elle et élancée. On ne s'attend surtout pas à la voir pleine de glace sur le visage comme une gamine de 10 ans.

Un petit rire m'échappe.
Merci d'être là !

—     Mon dieu Vittoria, c'est pire que d'habitude ! dis-je morte de rire.
—     Quoi ??? répond-elle surprise.
—     Tu t'es encore mise de la glace de partout. Dis-moi que depuis toutes ses années tu le fais exprès pour me faire rire !!!!! Car autrement, je ne donne pas chère de ta peau quand un mec te verra manger une glace.
—     Oh, c'est bon !!
—     Trêve de plaisanterie, tu m'as convaincu pour l'appartement, mais ... Comment on fera pour le loyer, tu sais très bien que je ne peux pas subvenir à tous les besoins nécessaires, j'ai déjà du mal avec notre appartement, alors, imagine à Paris.
—     T'inquiètes chérie, je gère !
—     Non ! Je ne veux pas te laisser tout payer !!!!
—     J'ai l'argent pour alors pourquoi ne pas l'utiliser ?
—     Parce que c'est l'argent que tes parents t'ont légué quand ils sont morts et je ne veux pas que tu les utilises pour payer tout le loyer.

Je m'apprêtais à répondre mais j'ai vite fermé la bouche.

J'imagine la réponse dans ma tête, j'ai appris à bon escient de toujours tourner sept fois ma langue dans ma bouche car je sais de source sûre que si j'avais prononcé ces mots, j'aurais vu un voile de tristesse passer sur le visage de ma meilleure amie.je ne veux pas lui faire ça, je ne veux pas lui rappeler pour ses parents et son petit ami, je ne veux pas lui rappeler tout ce qu'elle a perdu simplement pour une histoire de loyer. Alors je me tais et ne réponds pas.
Nous arrivons après dix minutes de marche devant notre porte d'immeuble, il n'est pas vieux, la façade a été refaite il y a peu, il fait moderne comparé à l'immeuble plus loin dans la rue.
Notre appartement est petit mais bien, l'entrée donne directement sur le salon qui est ouvert à la cuisine, il ne comporte que quatre pièces (la cuisine donnant sur le salon, deux chambres et une salle de bain) et cela nous va très bien. Mais je m'imagine déjà à Paris. Vittoria court dans le salon récupérer le journal ou est entouré en rouge l'annonce de l'appartement. Le téléphone à la main elle compose le numéro et prend une grosse respiration.

—     Oui bonjour Monsieur Morel, je suis mademoiselle Mancini, je vous ai appelé la semaine dernière pour avoir des informations sur l'appartement que vous louer à Paris, c'était pour savoir s'il était toujours disponible ?

La Breve VitaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant