On reste amis?

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La soirée se rapproche et lentement, les voix qui s'élevaient jusqu'à présent dans toute l'enceinte de l'université commencent à s'atténuer. De nombreux étudiants quittent les lieux en groupe pour poursuivre la fête ailleurs en ville. Les lumières du gymnase allumées il y a plusieurs minutes font danser une foule d'insectes contre les fenêtres et le ciel d'été se colore doucement de teintes orangées et rouges. D'un pas assuré, Céleste se dirige vers l'amphithéâtre et là-bas elle retrouve son compagnon adhérent du club de la photographie.

À cette heure tardive, l'animation est déjà disparue. Quelques élèves rangent le stand en bavardant au sujet des nouvelles recrues. Émilien se trouve à l'atelier portrait, il éteint les lampes d'éclairages et dévisse ensuite les pieds. Céleste parcourt l'estrade et le rejoint près des bâches blanches du studio photo. Elle remarque aussitôt sur son visage une expression belliqueuse.

Tout comme avec Lucile, ils se sont croisés pour la première fois il y a un an dans les couloirs de l'école. Émilien est l'héritier d'une riche famille de la ville et tout semble lui réussir. Il est un homme mince et attirant. Il porte de grosses lunettes rondes qui lui donnent des airs d'homme sérieux. Son physique est typiquement celui que l'on voit représenté dans toutes les publicités. D'ailleurs son oncle qui possède plusieurs marques de vêtements célèbres, lui donne la possibilité de poser de temps en temps comme mannequin.

Il avait montré à sa petite-amie quelques clichés de ses fameuse séances photos. Elle lui avait gentiment dit qu'elle les trouvait incroyables mais en réalité le voir autant retouché par des multiples artifices ne lui plaisait pas vraiment. Il se tenait toujours déhanché, la veste dézippée et sa bouche à demi-ouverte. Il se trouvait beau et cela le rendait heureux. Elle ne voyait pas l'intérêt d'exprimer son mécontentement. Elle se rendait surtout bien compte qu'elle est la seule dérangée par l'image si sexualisée de son copain.

Bien que très différents l'un de l'autre, la relation était passionnée, tous les deux follement amoureux. Il aimait chez elle sa simplicité, sa spontanéité et sa gentillesse. Elle était tombée sous son charme grâce à son esprit cultivé, ses grandes ambitions mais surtout à son élégance.

Mais de plus en plus fréquemment, leur couple est sujet à des disputes.

Pour la journée du recrutement de son club, il avait exposé plusieurs de ses clichés développés en grands formats sur le stand. Il se présente toujours de la même manière : il pose dans la rue, le visage de profil, le tout avec un filtre noir et blanc appliqué pour l'aspect vintage. Mais à ce moment là, il les a déjà débarrassés, jetés brusquement en vrac dans un carton.

Après l'avoir ignoré quelques secondes , il se tourne enfin vers elle :

- Ça été une journée désastreuse.

- T'as pas eu beaucoup de curieux ?

- Ce n'est pas ça. Un professionnel de la photographie est venu ici, alors qu'il n'avait rien à faire là. Et tu sais ce qu'il m'a dit devant tout le monde ? Que mes photos étaient médiocres ! dit-il en pesant ses mots.

Les camarades d'Émilien font mine de ne rien entendre et continuent à ranger le stand sans un mot.

- Je ne sais pas qui était cet homme mais je vais retrouver son nom et lui pourrir sa carrière !

- Il t'a dit quoi exactement ? soupira discrètement Céleste

- Il a critiqué ma façon de cadrer et dit que mes auto-portraits n'avaient aucun intérêts artistiques.