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Lorsque j'arrive devant la porte de la patinoire, une mauvaise surprise m'attend.

Elle s'appelle Matteo et elle m'attend littéralement. En fait, il me tient la porte pour m'éviter d'avoir à sortir mon propre badge. Je passe à coté de lui sans l'ombre d'un sourire. Je n'ai rien à faire de sa galanterie !

Il continue de tenir la porte pour laisser passer une autre fille, qui, elle, le remercie. Pimbêche, va. Je ne leur accorde plus d'importance mais je suis bien obligée d'entendre leur conversation.

-Ce n'est pas grave si je n'ai pas passé mon badge ? Demande la fille.

-Non, répond Matteo. Le badge, c'est juste pour ouvrir la porte, ça n'enregistre pas ta venue !

Je repense à mon histoire de voleurs. Cela confirme que ce serait très pratique pour s'infiltrer, si il y avait quelques objets précieux dans la patinoire. Heureusement, ce n'est pas le cas.

Soudain, une idée me vient... Non, vraiment, c'est trop bizarre. Je préfère l'oublier. Les voix des deux autres me ramènent à la réalité.

-En fait, mon père travaille ici ! C'est comme ça que je le sais, dit Matteo.

Je lève les yeux au plafond. Mais quel crâneur ! Et l'autre fille, là, qui fait l'intéressée !

-Il fait quoi, ton père ?

-Eh bien, c'est celui qui s'occupe de la machine qui lisse la glace, par exemple. Et il s'occupe de d'autres choses, aussi. En plus, on a déménagé juste à coté de la patinoire, c'est plus pratique !

-Et plus écolo ! Moi, je suis obligée de venir ici en bus...

Je décroche de leur petite conversation en mettant mes patins. Et après, direction la glace !

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Ce soir là, je n'arrive pas à m'endormir. Allongée dans mon lit, j'ai les yeux grands ouverts sur le noir. Plein de pensées tourbillonnent dans ma tête : Le lycée, la patinoire, mes échecs répétés aux cours de patinage, ma médiocrité par rapport à Matteo, Matteo... Non pas Matteo ! Pourquoi je pense à lui ? Mais déjà, mes pensées repartent dans une autre direction, si vives que j'ai l'impression d'être dans un train. Le badge, la porte, les voleurs... Le badge, la porte, la nuit... Le badge, la porte, la patinoire vide qui brille au clair de lune... comme ça doit être beau ! Et agréable !

L'idée folle que j'avais eu un peu plus tôt me revient. Maintenant, je n'ai plus du tout envie de dormir...

Je me lève. Je n'ai jamais fugué, mais de toute façon, ma mère dort, donc elle ne se rendra compte de rien. Alors je commence à échanger mon pyjama contre ma tenue habituelle...

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Quelques lampadaires éclairent la rue, mais personne ne me remarque. Devant la porte, j'hésite encore. Puis, prise d'une soudaine résolution, je passe le badge.

La porte s'ouvre.

Je rentre. Je tremble presque, en attente d'une stridente sonnerie d'alarme, d'un gardien de nuit, quelque chose qui hurle mon intrusion illégale...

Rien.

Aucun bruit, sinon le claquement de mes pieds sur le sol. J'observe la patinoire. Elle ne brille pas au clair de lune en projetant des scintillements partout comme je l'avait imaginé. En fait, il fait très sombre. Mais la glace, blanche, brille un peu, reflétant chaque parcelle de lumière existante.

C'est aussi magnifique que dans mes rêves.

Alors j'enfile mes patins et je m'élance sur cette blancheur immaculée.

Enfin, je peux glisser sans crainte du regard des autres.

Enfin, je peux me mouvoir en prenant toute la place que je veux, de toute la vitesse que je peux.

Enfin, je peux tenter tout ce que je voudrais faire, sans obéir à des consignes, juste en puisant dans ma créativité.

Enfin, je peux faire n'importe quoi, je peux rire, pleurer ou chanter. Je peux glisser, sauter, inventer, tournoyer. Et tant pis si je me trompe, car je recommence, et encore et encore comme si je dansais pour des yeux invisibles.

Enfin, la magie de la glace est revenue, cette magie qui me porte et me pousse, cette magie qui se dégage du sol blanc brillant, comme une aura froide et calme.

Enfin, libre, je glisse.

Non. Je vole.


Cœur de glaceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant