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Quand j'ai revu ma mère le lendemain, elle a pensé que mon réveil à 11h et ma tête défoncée étaient dus à un coucher tardif (ce qui, en soit, était vrai, mais elle ne savait pas que c'était parce que j'avais patiné et discuté jusqu'à 2 heures du matin).

En gros, elle ne m'en a pas voulu du tout, ce qui n'aurait pas été le cas si elle avait su que j'étais rentrée par effraction dans la patinoire pour la je-ne-sais-combien-dième fois.

Elle aussi était fatiguée, d'ailleurs, et quand je me suis levée (pardon, traînée) jusqu'à la cuisine, elle m'y attendait avec un bol de thé mais nul doute qu'elle n'était pas levée depuis longtemps.

C'était assez sympa, cette ambiance de après-fêtes-même-si-on-n'a-pas-fait-la-fête. On parlait peu et doucement, en sirotant notre thé. On s'est dit qu'on n'allait pas manger de petit-déjeuner, quand même, vu l'heure.

Quand la théine à commencé à me donner de l'énergie, du moins, assez pour me soulever de ma chaise, je suis allée m'habiller. Pour changer, j'ai choisi une robe longue, de couleur pervenche, avec une ceinture blanche. En voyant ma tête dans le miroir de la salle de bain, j'ai décrété qu'il serait également judicieux de me passer un coup de brosse dans les cheveux.

Bref, le reste de la journée s'est passé, comme on peut s'en douter, très calmement et sans trop de rebondissements ou d'aventure (traduction : visionnage de films vautrée dans le canapé).

Les autres jours de la semaine se sont passés de la même manière, excepté quelques sorties, envoi de lettre de bonne année à des amis, et des ateliers cuisine (ma mère était étonnée que je lui demande de faire une bûche glacée).

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La bûche glacée, bien que très différente de celle m'a fait goûter Matteo, était délicieuse, je songe. Mes cupcakes aussi, et je me suis bien amusée à les faire. Nous sommes le dernier jour de l'année actuelle, et ma mère est déjà partie au boulot. Il ne reste plus une miette de cette bûche glacée, et j'ai franchement la flemme de cuisiner encore. J'ai fini ma série et j'en ai marre de regarder les écrans, donc pas de piste d'anti-ennui de ce côté ci non plus.

Je m'approche de la fenêtre : Le temps est un peu gris, ni soleil, ni pluie, et encore moins de neige. Fichu réchauffement climatique. J'aime trop la neige.

Même si je ne le vois pas par la fenêtre, je devine qu'il fait froid dehors. Alors, que faire pour profiter de ce dernier jour ?

Et non, pour une fois, je n'ai pas envie d'aller à la patinoire. En fait, ce que je voudrais... c'est un ami. Ou une amie.

Dans les histoires, les héros sont toujours entourés d'amis fidèles, avec qui ils passent du bon temps, ils s'entraident, etc.

Moi, les seuls amis que j'ai eu, j'ai rapidement perdu leur contact, et puis de toute façon je n'était pas super amie avec eux. Quand je dis « eux », c'est un petit nombre, hein. Genre cinq personnes durant les 17 années de ma vie. En comptant les gamins de la crèche, ce qui n'est pas très fabuleux.

Du coup, je me décide à ranger ma chambre. Le genre de truc qu'on ne peut faire que quand on s'ennuie vraiment.

Jusqu'à ce que je reçoive un message. Qui donc peut m'envoyer un message ?

Numéro inconnu.

Salut, c'est Matteo ! Tu m'avais dis que tu serais toute seule pour le premier de l'an, alors j'ai demandé à mon père si je pouvais regarder les numéros de téléphone des inscrits de la patinoire, c'est comme ça que je t'ai trouvée. Bon, je ne sais pas si ça te plairait, mais si tu te sens vraiment seule, tu peux venir chez nous !

Je reste un instant sans bouger.

Finalement, si moi je suis assez folle pour entrer dans la patinoire la nuit, Matteo a un niveau assez haut en folie pour regarder les caméras de surveillances et consulter les numéros des inscrits du club de glace... M'étonnerai que n'importe qui se permette ce genre de choses...

En attendant, il faut que je lui réponde. Bon, d'abord, j'enregistre son numéro. Et ensuite, je réfléchis. En vérité... Revoir Matteo, je dois l'admettre, me ferait plaisir. Je n'aurais jamais pensé dire ça un jour !!

Mais en même temps, l'idée même de faire la fête chez lui me donne la nausée. Il ne pouvait pas proposer, je ne sais pas moi, qu'on se retrouve à la patinoire ?

Ok, clairement, je dégénère : je suis en train d'espérer un tête à tête avec Matteo Lopez !

J'ai l'impression qu'une nouvelle personne s'empare de mon corps : une personne qui rêve d'être entourée d'amis, d'être normale, une personne totalement différente de la fille froide et marginale que je suis. Ou peut être que cette personne a toujours existé...

Salut Matteo, c'est sympa que tu aies trouvé mon numéro.

Approche avenante : o.k.

Merci de ta proposition, mais je préfère rester chez moi.

Refus de la proposition sans méchanceté : o.k.

On se reverra bientôt, salut !

Salutation et invitation à se revoir : o.k. Envoyer !

Ouf. C'est pas si compliqué, d'être gentille, quand on s'y met !

Heureuse, je m'allonge sur mon lit en attrapant mon nounours. Oui, j'ai un nounours à 17 ans, et alors ? Je l'avais dit, que j'étais bizarre !

Et puis, ce nounours (un ourson polaire prénommé Toudou), je l'ai depuis longtemps. C'est dur de se détacher de choses qu'on a depuis des années. Surtout quand elles ont une histoire émotionnelle importante...

-Tu veux le garder ?

-Mais oui maman ! Toudou, c'est Toudou, quoi, je le garde ! Pas vrai papa ?

-Bien sur ma chérie, tu peux le garder !

-Oh, Marc, tu dis ça parce que c'est toi qui lui as offert ! Elle est grande maintenant, elle n'a plus besoin d'un doudou !

-Bah oui, c'est papa qui me l'a offert, mais j'ai envie de la garder !

-Coraline, laisse-la garder sa peluche, il n'y a pas d'âge pour ça !

-Bon, d'accord.

Ce souvenir, il est plus récent. Ça s'était passé un jour qu'on faisait du rangement dans la maison, la maison d'avant. Il y avait eu beaucoup de disputes, ce jour là. Comme beaucoup d'autres jours, d'ailleurs...

Je soupire. Il faut vraiment que je sorte ça de ma tête.

Au lieu de ça, je serre plus fort mon nounours et je me mets à lui parler.

-Toi, Toudou, tu connais toute l'histoire, hein ? Et tu es bien le seul à qui je peux en parler... Et je t'aime beaucoup, Toudou, mais parler à un doudou, c'est pas très... Enfin, c'est pas pareil que de se confier à une vraie personne. Je crois que j'aimerais bien avoir un vrai ami pour cette raison, aussi. Un ou une vraie amie, on peut tout lui confier. Il ou elle est toujours là pour te réconforter, te changer les idées... Et hélas, un doudou, ce n'est pas un vrai ami.

Je repose Toudou, la gorge nouée.

Est ce que c'est moi qui repousse les amis ? Pourquoi, si j'ai le droit à une famille détruite, je n'ai pas le droit à un ami de consolation ?


Cœur de glaceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant