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-Et voila comment je me suis retrouvée ici, dis-je en terminant de narrer mon histoire à Matteo.

Celui ci pousse un petit sifflement de surprise.

-Eh bien...

Je souris. Même si je suis hyper gênée, je me sens bien, et discuter avec lui est un plaisir. Se confier à quelqu'un est tellement soulageant !

-Mais heu... Tu es sûr que personne ne se rendra compte que tu es partit de ta maison ?

-Non, t'inquiète, je te dis qu'il y a plein de monde ! On peut encore discuter, ajoute-t-il avec un sourire engageant.

Alors, nous parlons de plein de choses. Enfin, surtout lui, il est plus bavard que moi. Mais je suis la première surprise en me rendant compte que je parle bien plus qu'habituellement (et avec le sourire!).

Bien sur, le patin a une grande place dans la conversation. Nous nous demandons mutuellement depuis quand nous en faisons. Moi, depuis quatre ans, et lui, six.

-En fait, j'ai commencé par m'inscrire au hockey sur glace, me dit-il. Mais j'ai rapidement compris que les brutes qui tapent sur un palet ce n'était pas trop mon truc. Je voulais plutôt... Je sais qu'on dit que c'est pour les filles, mais moi je voulais plus de grâce, de légèreté. Je voulais glisser librement, comme... un oiseau. Pardon, un oiseau sur la glace, c'est bizarre comme comparaison, mais quand je patine j'ai vraiment l'impression...

-De voler, je complète.

-Oui. Tu vois ce que je veux dire ?

-Parfaitement. Moi aussi, j'ai ressenti ça dans mes meilleurs moments. Voler sur la glace. Et c'est fabuleux.

Un instant de flottement survient, mais pas désagréable. C'est simplement... une respiration. Nous nous regardons dans les yeux, un léger sourire aux lèvres. Je réalise soudain la situation d'un aspect extérieur, comme quand je revois mes souvenirs...

Une jeune fille en tenue de patinage, patins aux pieds, comme si elle sortait d'un compétition. Elle est assise à côté d'un garçon aux cheveux bruns bouclés, habillé d'une chemise de fête et d'un pull de noël. Les deux sont tournés l'un vers l'autre immobiles, yeux dans les yeux. Et la glace derrière, d'un blanc immaculé, comme parsemée de paillettes qui étincellent à la faible lumière de la lune. Cette glace, si magique, si attirante...

Je détache mon regard de Matteo pour me tourner vers la glace. Comme si il comprenait, il se lève.

-Tu voudrais y retourner ?

Je souris.

-Matteo ? Dois-je te rappeler que tu n'as pas de patins, que nous sommes ici illégalement et qu'il est minuit passé ?

Il rigole, d'un rire charmant et joyeux qui résonne dans la grande pièce.

-Hé, tu étais inquiète à l'idée qu'on découvre que je ne sois plus chez moi ? Eh bien je vais retourner chez moi, vérifier que personne n'a besoin de moi, et revenir avec mes patins !

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Je me balance d'un pied sur l'autre.

Reviendra-t-il ? Et si il s'était trompé, que sa famille le cherchait et qu'il ne pouvait pas revenir ?

Un bruit à la porte. Ouf !

Hé ho, non mais j'étais en train de me ronger les sangs dans l'attente d'un garçon ? Mais où est passée la vraie Nathalie Royer ?!

-Hey Nath... alie ! J'ai mes patins.

Je m'immobilise. Il a failli m'appeler Nath. Nath.

Et alors ? Est ce que je dois lui en vouloir, alors qu'il ne sait même pas pourquoi je ne supporte pas qu'on m'appelle comme ça ? Ou bien faut-il que je le laisse m'appeler comme ça par gentillesse ?

Je décide de faire comme si je n'avais pas entendu qu'il voulait « raccourcir » mon prénom. Après tout, il s'est rattrapé en disant le reste, même si il a eu un temps d'hésitation.

-Heu, ça va ? Je ne t'ai pas trop fait attendre, j'espère ?

Je m'aperçois qu'il me dévisage avec angoisse. Je me force à sourire.

-C'est bon t'inquiète. Mais dépêche-toi de mettre tes patins, j'ajoute en m'apprêtant à aller sur la glace sans l'attendre.

-Hé attends Nathalie ! J'ai apporté un truc.

Je m'arrête.

-T'as faim ? J'ai réussi à piquer discrètement deux parts de bûche glacée...

Il regarde l'assiette qu'il a dans les mains.

-Zut, je suis bête, j'aurais pas dû prendre un truc froid !

-Non, c'est super, merci beaucoup ! Mais tu n'aurais pas dû... je vais me sentir redevable.

-Je croyais que tu n'étais pas le genre de personne à faire de cadeaux, dit-il espièglement.

-Je ne fais pas de cadeaux aux gens parce qu'ils ne m'en font pas.

Après cette réponse simple et directe, je monte sur la glace.

-On pourra les manger après ? Si on patine assez, on aura chaud et ça fera du bien de manger !

Matteo s'empresse de lacer ses patins, puis me rejoint. Alors que je comptais que nous nous donnions mutuellement des conseils et appréciations, il m'attrape la main pour patiner à mes côtés.

Je suis d'abord surprise par ce contact, mais je me laisse entraîner. Bientôt, l'air frais fouette mon visage, grâce à la vitesse de notre glisse.

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J'avais raison. On a chaud après avoir patiné. De toute façon, j'ai toujours raison... non ?

Matteo me tend une part de bûche de Noël.

-C'est une bûche esquimau : glace à la vanille et au caramel recouverte de chocolat aux éclats de noisettes.

Je souris. Bien sûr qu'il ne pouvait pas savoir que j'adore les esquimaux. Et pourtant...

-C'est délicieux, dis-je en croquant dedans.

-Ouep. Même si je préfère la bûche aux marrons. Ma mère devait en avoir ras-le-bol d'en faire tout les ans, alors elle a testé une autre recette.

Nous mangeons en silence, jusqu'à ce que Matteo finisse sa part et me dise :

-C'est cool de patiner ici la nuit. Maintenant, je comprends pourquoi tu venais !

Je hoche la tête en silence. Matteo me regarde, et c'est comme si... Je pense que c'est ce genre de regards que dans les livres, on qualifie de « regard brûlant ». Le genre de regard qui fait rougir, à la fois de gêne et de fierté. Ses yeux s'arrêtent sur ma tunique.

-C'est nouveau ça ? Parce que tu devrais la mettre plus souvent, c'est très joli. Enfin, tu es très jolie. Je veux dire, ce n'est pas la tunique qui te rend belle, mais elle est belle quand même. Je veux dire... Rââh, je sais plus parler !

Je rigole. Matteo Lopez qui perd ses moyens, c'est rare !

Il est mignon quand il est gêné. Il se passe la main dans ses cheveux bouclés, histoire de les ébouriffer plus qu'ils ne le sont déjà. J'ai l'impression que par ce geste, il essaye de se donner une contenance.

Je cligne des yeux. Mes paupières se font de plus en plus lourdes, et je me suis affalée plus qu'assise sur la banquette devant la piste. Matteo étouffe un bâillement, mais trop tard, le pouvoir contagieux du bâillement est plus fort : Je baille à mon tour, à m'en décrocher la mâchoire. Ce qui fait rire Matteo à son tour.

-Je crois que toute les bonnes choses ont une fin... On devrait peut être rentrer se coucher, parce que je doute que ce soit une bonne idée de dormir ici...

-D'autant plus que c'est pas confortable.

-Je te raccompagne ?

-Non, merci, je n'habite pas loin, et ça ira.

Soucieux de me laisser mon intimité, il accepte, mais à contre-cœur, je le vois bien.

-Hé, c'est bon. Ça fait plusieurs nuits je fais ça !

-Ok. Alors... à bientôt ?

-À bientôt !


Cœur de glaceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant