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Minutieusement, je lace mes patins.

Cette nuit, je me suis encore entraînée, et j'ai pourtant j'ai encore hâte de retourner sur la glace, malgré ma fatigue.

Quelqu'un s'assoit à coté de moi pour chausser ses patins aussi. Devinez qui ? Matteo.

Comme je me retourne vers lui, il croise mon regard et m'adresse un salut. C'est dingue, mais il n'a pas l'air de m'en vouloir alors que je ne suis pas très... sympa. En fait, il me sourit et commence à discuter, enfin, monologuer puisque je lui réponds à peine. Il sourit tout le temps, lui. Mais... Si ça se trouve, il pense « elle sourit jamais, elle ». En tout cas, il n'a pas l'air d'en être embêté.

Puis nous allons sur la glace et nous nous séparons pour rejoindre nos groupes respectifs.

Jeanne commence à nous donner des exercices. Je trouve que ce qu'elle nous demande est d'une simplicité enfantine, mais comme je ne peux pas me permettre de lui demander un truc plus dur, je m'efforce de le faire à la perfection, en rajoutant des ports de bras gracieux.

Mais Jeanne revient vers moi.

-Nathalie, viens ! Tu vas rejoindre l'autre groupe, ok ? Parce que tu es très bien capable de faire leur exercice.

Et c'est comme ça que je me retrouve dans le groupe des forts.

Du coup, je me sens rejetée a un niveau plus faible. Mais Jeanne avait raison de me changer de groupe, car même si je n'y arrive pas très bien, cet exercice est plus à mon niveau.

Matteo me rejoint. Aïe, j'avais oublié qu'il était là...

Mais finalement... Ce n'est pas si dérangeant. Il me dérangeait parce qu'il était complètement mon opposé, avec son aisance et sa chaleur, mais il a l'air tellement agréable comme garçon ! D'un coté, il m'horripile parce que je le trouve crâneur et il est plus à l'aise que je ne le serai jamais. Mais d'un autre coté, il est avenant et chaleureux et je ne peux pas lui en vouloir pour ça, au contraire, ça le rend... attirant.

Pendant que j'étais perdue dans mes pensées, je continuais de travailler. Et ça a porté ses fruits : je commence à réussir l'exercice avec aisance.

Hélas, la séance se termine rapidement. Au moment de sortir du bâtiment, mes patins à l'abri dans mon sac, je suis interpellée par Matteo :

-Hey, Nath !

-Ne m'appelle pas Nath !

Il s'arrête brusquement, choqué par mon ton. Je me rends compte que j'ai presque crié, d'une voix cassante et sèche. Une voix qui choquerait n'importe qui qui ne s'y attendrait pas.

-Je... Tu aimerais que je t'appelle Matt, moi ?

-Ben, oui, tu peux m'appeler Matt...

Je lutte pour ne pas perdre contenance.

-Eh bien moi je ne veux pas que tu m'appelle Nath, compris ? Mon prénom c'est Na-tha-lie. Nathalie ! Pas Nath. Et je dois rentrer chez moi.

Le laissant bras ballants devant la patinoire, je m'enfuis en essayant de m'empêcher de trembler. Ma tête tourne et je marche d'un pas rageur pour tenter de me contenir, mais un flot de souvenirs me revient...

-Nath ! Viens !

-Nath... J'ai une surprise pour toi !

-Nath, ma petite princesse, ne pleure pas...

-Nath, papa est là...

Non. Ne pas pleurer, ne pas pleurer... Je suis toujours dans la rue, ne pas pleurer !

Tout ira bien.

Il faut juste que rentre à la maison...

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Maman est toujours au travail. Seule dans la maison, je peux me laisser aller. J'aurais eu envie de mettre une musique, de préférence une musique triste et mélancolique, mais j'ai trop la flemme et je me contente de m'affaler sur mon lit.

Plus rien ne bouge, si ce n'est les tremblements de mon corps. Plus de bruit non plus, à part mes sanglots étouffés par mon oreiller.

Puis, au bout d'un moment, le calme revient. Les larmes ont séchées sur mes joues, et mon esprit s'est vidé.

Un profond sentiment de culpabilité m'envahit. Un sentiment que je n'aurais jamais pensé avoir. Mais je m'en veux d'avoir répondu si méchamment à Matteo. Pourquoi ? Des réponses méchantes, j'en ai distribué un paquet, à un paquet de personnes ! Alors pourquoi je culpabilise pour Matteo ?

Je crois que je sais : Lui, contrairement aux filles du lycée, et contrairement à plein d'autres, je lui ai crié dessus alors qu'il était gentil avec moi. Vraiment, à part mes parents, qui a témoigné d'autant de gentillesse pour moi ? Malgré mes airs revêche, il a continué d'être aimable, avenant, presque affectueux.

Il est resté aussi chaleureux que je suis restée froide.

Mais maintenant... il a dû comprendre que je ne valais rien. La prochaine fois, tout gentil garçon qu'il soit, il ne me parlera plus avec un sourire. Et comment pourrait-on lui en vouloir ? Entre parler avec des filles sympas (il y en a plein) et parler à une fille qui répond toujours méchamment, le choix est vite fait. C'est à moi que j'en veux. Je m'en veux de n'avoir fait aucun effort pour être sociable, je m'en veux de m'être rendue compte trop tard que j'aurais dû prendre Matteo en amitié et non en rogne.

Trop tard.

C'était le dernier cours de patinage avant les vacances de Noël. Quand on reprendra après les vacances, il ne voudra plus être sympa avec moi, c'est sûr.

Mes yeux tombent sur une guirlande dorée où l'on peut lire « Joyeuses fêtes ! ».

Sans parents, sans amis, et pire, avec la promesse d'une amitié gâchée, je sens que je vais passer des fêtes extraordinairement joyeuses...


Cœur de glaceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant