La Chocolaterie Enchantée

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2022

A Paris, il existait une chocolaterie bien spéciale, à l'angle de la rue du "chat qui pêche". La vitrine minuscule et l'extérieur ascétique n'attirait pas le regard. Pourtant, un vent chargé de cacao se soulevait parfois et détournait l'attention des passants.

En pénétrant dans la boutique, on ne pouvait que s'y sentir à l'étroit tant le lieu était petit. Cependant, un nouveau regard et l'endroit pourrait paraître plus cosi qu'il ne l'était au premier abord. C'était le charme des murs en pierre, des étagères remplies d'animaux en chocolat, des coussins duveteux sur les bords de fenêtres et de la devanture aux couleurs chatoyantes. Une nouvelle senteur arrivait de l'arrière de la boutique, et on se sentait déjà chez soi, entouré de poudre d'amande, de pépites de chocolat et de crème chantilly.

Mais ce n'était pas cette partie du lieu qui était le plus spécial. Sur la droite, à peine la porte franchie, l'on pouvait deviner, derrière le fin rideau, des escaliers en colimaçon taillés dans la pierre. Le bâtiment avait gardé son aspect d'autant, pour le plaisir des amateurs de la chocolaterie.

L'endroit, en plus de vendre ses produits, proposait également d'en profiter sur place, dans un espace proche du salon de thé, à l'étage. Là, le charme ne pouvait que plaire. Le sol en bois, chauffé, permettait aux volontaires de prendre leurs commandes en chaussettes. Des chaussons étaient même à disposition. Les grandes fenêtres laissaient entrer dans l'habitacle une belle lumière. De nouveaux coussins étaient disposés sur les rebords, pour tous ceux voulant s'asseoir au soleil. Les rayons se déposaient sur les quelques tables disposées, et leurs chaises apparentées. Elles étaient toutes différentes, et n'étaient pas numérotées. Oh non, ce serait trop banal. Il y avait la table florale, dont la décoration s'approchait d'un beau jardin féerique. Sa voisine était la table étoilée, scintillante sous les rayons du soleil. A côté, il s'agissait de la table d'artisan, dont les finitions au fer forgé attiraient nombre de louanges. La table romantique n'était pas sans admirateurs non plus, avec ses petites bougies, sa douceur et sa blancheur incomparable.

Il n'y avait que quatre tables, mais les convives étaient chouchoutés, pour le plus grand plaisir des habitués. La seule chose qui ne changeait pas étaient les multiples plantes vertes qui parsemaient et coloraient l'espace. Il y avait aussi un second comptoir, où le serveur, maquillé magnifiquement en l'animal du jour, servait les boissons et pâtisseries chocolatées du jour.

Aujourd'hui, c'était le renard. Et alors que les convives prenaient place, il s'approcha de chaque table pour présenter le menu, la spécialité du jour et prendre les commandes. Sa voix suave avait de quoi ravir les jeunes dames, et les achats allaient bon train.

Aussitôt toutes les personnes comblées, il descendait les marches, pour remonter avec les délices. Il s'affairait ensuite à son comptoir, pour préparer les boissons et friandises supplémentaires. Tout était si rondement mené que l'on pourrait le chronométrer. Le renard était le plus professionnel de la bande.

Il y avait aussi l'ours, qui était le plus timide, mais aussi le plus mignon. Le lapin n'était pas sans reste, mais son air coquin s'intéressait davantage aux belles jeunes femmes, de quoi faire grogner les messieurs. Le chat était un gentleman. Il n'était presque jamais là, mais d'après les dires de ses collègues, il gérait mieux l'arrière boutique. Les animaux de la chocolaterie tournaient à tour de rôle.

Le plaisir ne s'arrêtait pas à la vue ou à l'univers du lieu, mais il était aussi gustatif. Selon le serveur, les préparations prenaient un tout autre tournant. Le renard rendait le chocolat musqué, presque pétillant. L'ours laissait fondre les papilles des clients par sa texture douce et moelleuse. Les créations du lapin étaient toutes d'une extraordinaire complexité, il savait jouer de ses doigts de fée. Le chat donnait au chocolat un arrière goût fruité ou floral selon la saison. Chacun rendait la chocolaterie unique en son genre.

Mais jamais encore personne n'avait vu la fabrication des gourmandises. C'était le secret le plus gardé, au point qu'il faisait saliver autant que ce qui se trouvait dans l'assiette. De nombreuses rumeurs tournaient, auxquelles les serveurs répondaient toujours par un petit clin d'œil. Ils disaient tous qu'il ne fallait pas briser le charme. Ce n'était pas pour rien que la boutique s'appelait "La chocolaterie enchantée".

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