(𝟎𝟐𝟐) : Jules César en Egypte

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votre pire pêché est de vous être détruit et trahi pour rien 
— fiodor dostoïevski




La pluie tambourinait contre les fenêtres de la voiture. Pas assez pour brouiller la vue et les passants, pas assez pour enclencher les essuie-glaces et risquer de se faire repérer, mais suffisamment pour que Yoongi resserre sa veste en cuir autour de ses épaules, en regardant d'un air mauvais les nuages noirs au-dessus de leurs têtes.

On aurait presque dit que Paris était en deuil, et sûrement l'était-elle un peu sûrement, car le coeur de Yoongi saignait tout autant.

À ses côtés, Hoseok tapotait un rythme ennuyé et nerveux sur le volant — et le noiraud n'avait pas la force de lui dire que cela l'énervait, pas au risque de s'embarquer dans une nouvelle dispute, pas au risque de rompre cette complicité si précieuse qu'ils avaient construit au fil des ans et des enquêtes. Complicité à présent sur le fil du rasoir, au rebord du précipice, en équilibre au-dessus de l'abîme, depuis qu'Hoseok l'avait accusé d'être complice de meurtre, depuis que Yoongi lui avait dit de crever.

Tu m'étonnes qu'ils ne se parlaient pas.

Et cette affaire, la même qui avait cristallisé tant de différences et qui creusait un peu plus la brèche entre eux, était justement la raison pour laquelle ils se retrouvaient côte à côte, confinés dans une voiture sans pouvoir en sortir, au risque de faire tout capoter une nouvelle fois. Hervé Balthazar, l'imprimeur, avait contacté leur équipe pour les prévenir d'une nouvelle commande, du même commanditaire que celui des grandes affiches des cadavres accrochées sur le fronton de l'Opéra Garnier. Yoongi se souvenait encore, la façon dont il avait grimpé quatre à quatre les marches, poursuivant leur meurtrier — une simple chimère, en réalité —, découvrant l'énorme S tagué à la peinture voyante sur les pavés plus bas, avant que Jimin ne l'appelle pour le prévenir que Soo-bin s'était cassé le bras. Chaque jour apportait son lot de surprises froides, et le jeune père se languissait du jour où il pourrait enfin fermer les yeux en paix — mais il savait que l'issue de ces meurtres, peu importe laquelle serait-ce, le hanterait encore bien longtemps.

Les consignes de dépôt étaient les mêmes que pour les deux premières bannières : une enveloppe dans la boîte aux lettres à 20h ce soir, et un acompte bancaire. Très peu de traces, rien qui ne les permettrait de remonter jusqu'à l'identité du mandataire, mais Taehyung était quand même sur le coup avec la Brigade Financière, scrutant la moindre opération électronique avec appréhension.

Le flic jeta un coup d'oeil à l'horloge sur le tableau de bord. 19h34. C'était étrange, cette impatience sourde et anxieuse qui grandissait en lui, le prenant aux tripes. Dans quelques minutes tout au plus, ils auraient une nouvelle piste, et Yoongi craignait ce qu'ils découvriraient. Il n'était pas assez dupe pour penser que ce serait le tueur lui-même qui ferait le déplacement, agissant comme un chef d'orchestre, plaçant ses pions sur l'échiquier, tirant les ficelles de ses marionnettes sous ses ordres — mais le quelconque de ses sbires qu'il enverrait à la potence craquerait peut-être sous la pression de leur interrogatoire, qui sait. Savait-il qu'ils l'attendaient, enragés, écorchés vifs, prêts à bondir ?

─ 鲵 𝙎 𝘾𝙊𝙈𝙈𝙀 𝙎𝘼𝙇𝘼𝙈𝘼𝙉𝘿𝙍𝙀 : 𝙔𝙊𝙊𝙉𝙂𝙄Où les histoires vivent. Découvrez maintenant