COV

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Un matin ensoleillé, je me promenai à la gare. Je fis arrêter par cinq personnes travaillant pour des associations. Ils me conseillèrent de postuler pour travailler dans leur boîte, à COV. D'après eux, j'avais le profil idéal. Souriante, de bonne humeur, toujours positive, très sociable. J'avais en ce moment-là, des tresses africaines bleu clair, je portais un sarouel avec un t-shirt qui laissait entrevoir un piercing au nombril et un tatouage sur la côte gauche. D'après ces hommes, j'étais plutôt jolie et cela pouvait jouer à mon avantage si je venais à travailler dans leur boîte. Après réflexions et plusieurs questionnements, je tentai le coup. Je n'avais rien à perdre, car sans logement ni revenu en ce temps-là, je ne pouvais que gagner.

Ce fut le 15 septembre 2020, que j'eus mon entretien d'embauche. Après deux semaines de préparation intensives et beaucoup de stress, je le passai avec hâte. Durant cet entretien, je dus amener de faux passants à soutenir une certaine association, que je fis de tout cœur. Ils me firent patienter vingt minutes avant de me donner le verdict. J'avais, au préalable, exprimé que je souhaitais travailler pour des associations soutenant les animaux ainsi que la maltraitance d'êtres humains. Je finis par être prise par une association luttant contre la torture des animaux. Je fus si heureuse à l'idée de donner de mon temps pour une bonne cause que je commençai à travailler dès le lendemain.

Tout se passa à merveille, bien que je dusse sortir fortement de ma zone de confort. Ce dont j'eus du mal à faire, les premiers jours. Les passants pouvaient se montrer si aigris et durs certaines fois, ce qui me fit fondre en larmes à plusieurs reprises. Mais j'aimais parler avec les gens et ainsi, avoir de profondes discussions avec eux, par moments. De plus, l'association que je défendais me touchait et je pus m'y investir pleinement.

Concernant mes collègues, ils venaient tous de France et donc, avaient le droit de loger dans une auberge de jeunesse gratuitement. Malheureusement, je venais de Suisse et malgré le fait que je leur communiquai ma situation (étant sans domicile fixe à ce moment-là), ils ne voulurent pas entrer en vigueur. Je n'eus pas le droit d'être hébergée. C'est alors que je finis sans solutions de logement plusieurs fois par semaine. Malgré mes recherches de solutions, je n'en trouvai que peu. Mes collègues eurent la bonté de me faire passer en douce certains soirs, dans l'auberge de jeunesse, ce qui me permettait de dormir au chaud certains soirs. Mais d'autres soirs, je ne pus profiter de cette "solution" et je me retrouvai ainsi seule, dehors, sans murs ni toits pour passer la nuit.

Il m'arrivait parfois de devoir dormir dans les toilettes publiques de la gare. Il faisait un froid glacial entre cette porte et ces WC.

Seule, je me concentrais sur les points forts de ma journée. Je pleurais très souvent lorsque la solitude me gagnait mais ma Bible rendait ces moments moins pénibles. Lorsque j'ouvrais cette dernière, je me laissais transporter à travers ses pages. Remplie d'amour, ma reconnaissance fut incommensurable. Je passai plusieurs soirées à méditer des paraboles ainsi que des anecdotes écrites à l'intérieur de ce livre. Je me voyais voyager au cœur de l'amour de mon créateur et tout ce qui venait de l'extérieur s'effaçait.

Un mardi soir, je sortis du travail, vers onze heures. Je me dirigeai vers un bar afin de boire un verre pour dire au revoir à l'un de mes collègues qui partait voyager un certain temps. Je pus rencontrer plusieurs personnes travaillant aussi pour des associations, mais dans des entreprises parallèles.

Je fis connaissance avec un certain Simon. C'était un supérieur assez haut placé dans une certaine association qui s'occupait de la famine, en Afrique. Après plusieurs vingtaines de minutes à discuter, son collègue et lui me demandèrent "Entre collègues, on se dit tout. Par hasard, tu ne serais pas à fond dans le sexe toi ? Car tu as vraiment une tête à aimer ça." Prise au dépourvu, j'ignorai cette question déplacée. C'est à ce moment-là que je réalisai avoir loupé le dernier train pour rentrer chez ma mère. Simon me proposa alors de venir à l'hôtel avec lui, qui se trouvait juste à côté et de profiter pour commander des pizzas. J'acceptai par dépit, étant donné que je ne savais où passer la nuit et que mon ventre criait famine.

Sûr cela, nous partîmes quelques minutes plus tard. L'hôtel se trouvait en plein centre-ville, c'était un hôtel trois étoiles. Lorsque j'entrai à l'intérieur de ce dernier, je sentis l'odeur de plantes humides, il y en avait partout. J'eus l'impression de me retrouver dans la jungle tout en étant dans un palais, avec tous ces murs de couleur doré, blanc ainsi que tous ces cristaux qui rendaient cet endroit si majestueux.

Lorsque nous arrivâmes dans la chambre, il se pencha sur moi afin de m'embrasser. Ce fut alors, que je compris. Simon ne voulait pas m'aider en me proposant de venir. Il comptait simplement avec des rapports sexuels et je fus une proie plus que facile. Je me coupai instinctivement avec mon corps et me laissai faire. Pourquoi ? Car je me retrouvai enfermée entre quatre murs, avec un homme mesurant au moins un mètre nonante et que je n'avais personne qui pouvait venir à mon secours.

Après une heure, je sus que tout était enfin terminé. Tout cela me parut durer une nuit entière. Je dus descendre par la suite afin d'aller chercher les pizzas, à la réception.

À ce moment-là, je priais pour qu'une âme charitable veuille bien me demander comment j'allais, que quelqu'un me retire de cette situation involontaire dans laquelle je m'étais mise. Mais en vain. Je dus remonter seule, retourner dans cette chambre qui était pour moi un véritable enfer enfermé dans une pièce.

Que va-t-il encore arriver ? Je suppliai que Dieu me vienne en aide.

Nous ne fîmes que manger et je fus bien heureuse que Simon s'endormit en quelques minutes, car j'avais la paix pour un bon moment.

Le lendemain matin, je me levai tôt, afin de ne pas le croiser. Je partis dès que je le pus. Je ne le revis pas et n'entendis plus jamais parler de lui.

Ce fut après plusieurs mois que j'eus l'occasion d'avoir une chambre à l'auberge de jeunesse, une à deux fois par semaine, lorsque j'avais de la chance.

Au fur et à mesure du temps, je devins trop gentille avec mes collègues, car je désirais être prise en considération au milieu de tous ces hommes, dans cet environnement très masculin. Je devais faire mes preuves pour être acceptée parmi eux.

Cela commença par porter leur sac à dos puis, par prendre le stand de l'association lorsque ce n'était pas mon tour de le porter et enfin, je préparais leurs affaires avant de partir travailler. Le problème, fut qu'ils me prirent vite pour acquise, comme si tout cela était quelque chose que je leur devais.

Plus le temps avançait, plus cela devint pesant. Jusqu'au jour où je craquai devant mon supérieur. Ce dernier leur passa un savon et tout fut oublié. Au bout de plusieurs mois, je donnai ma démission. Par mon épuisement, par ma fatigue mais surtout pour d'autres raisons que vous comprendrez plus tard.

Ce fut une belle expérience malgré tout. Je fus honorée d'avoir fait de si belles rencontres et d'avoir pu donner de moi-même pour soutenir à mon niveau une association contre la torture des animaux. Mais ma naïveté et mon don de moi m'ont été néfastes. Beaucoup de choses sont bonnes. Mais mises à l'extrême, ces mêmes choses peuvent devenir malsaines.

Le souffle d'une vieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant