Deuxième plainte

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Je n'étais pas prête à en parler, mais je me devais de le faire, afin d'être cru au moins une fois par quelqu'un.

Je me dirigeai en ce matin de février 2021, vers une association qui aidait les personnes en situation de violence familiale. Je fus bien accueillie et écoutée, ils me donnèrent le nom de plusieurs avocats, que j'appelai rapidement.

Mon premier rendez-vous, avec mon avocate, se passe super bien. Nous prîmes rendez-vous au commissariat de police pour porter plainte, au plus vite. Je ne prenais pas forcément conscience de ce qui allait m'attendre, car je dissociais énormément (je me retrouvais trop souvent loin de la réalité, je n'arrivais plus à me connecter avec qui j'étais).

Le jour J arriva rapidement. Je ne parlai à presque personne de ce que j'allais faire, par honte mais aussi par peur. Peur que ça se passerait mal et que je dusse tout expliquer. Que l'on mette encore une fois ma parole en doute.

Ce jour-là, sur le chemin du commissariat de police, je me retrouvai seule dans la voiture. J'eus l'impression de me retrouver seule face au monde entier, avec personne d'autre pour me soutenir que Dieu, à mes côtés. J'étais si sûre que la vérité allait triompher. Que je pris tout mon courage en sortant de la voiture. Je savais que j'allais devoir tout expliquer en détail et j'étais prête à tout pour que la vérité soit dite. Je faillis casser la portière en la fermant, par ma détermination.

Arrivée, j'attendais mon avocate avec beaucoup d'appréhension. "Allais-je réussir à m'exprimer ? Serais-je vraiment considérée, cette fois-là ? Où devrai-je encore me justifier sur tout ce qu'il a pu se passer ?" m'interrogeais-je. Lorsque cette dernière finit par arriver, la tension descendit doucement. Je n'étais plus seule à présent, j'avais une personne qui était là afin de me soutenir. Elle me proposa un verre d'eau afin de décompresser, ce que j'acceptai volontiers.

On nous installa dans un bureau en face de deux policiers en civils. Une femme et un homme. Et je dus commencer à tout raconter dans les moindres détails de ce qui s'était passé, lors de ces événements violents. Ce fut extrêmement difficile de me montrer vulnérable, de devoir mimer les mouvements aux policiers, car je ne les connaissais pas et ils avaient une allure trop professionnelle pour réussir à me mettre à l'aise. Mais lorsqu'on arriva au bout de la déposition, je dis un détail qui mena, cette plainte, à une toute autre histoire.

Parce que je travaillais chez COV, un collègue prénommé Adil me prit à part pour me dire "Tu es une personne formidable tu sais. Belle et souriante en plus de ça. Je voudrai te proposer que toi et moi, passions du temps ensemble. Afin de mieux se connaître, si tu vois ce que je veux dire." s'exprima-t-il, en insistant sur ce sous-entendu. En n'étant pas du moins impressionnée par cette discussion, je me positionnai. "Je ne suis pas celle que tu crois, tu devrais aller faire cette proposition à une autre personne." Il insista à plusieurs reprises, mais finit par laisser tomber au bout de quelques semaines. Jusqu'à ce que Amir lui exprimât sa joie d'avoir réussi où ce dernier avait échoué.

Le lundi 16 novembre 2020, alors que je me retrouvai seule avec Adil, nous devions travailler dans une gare peu fréquentée. Ce dernier insista pour que l'on fasse une pause ensemble vers dix heures, ce que nous n'avions pas le droit de faire, car il fallait que le stand soit toujours surveillé par au moins une personne. C'est ce que je lui rappelai, mais il insista à plusieurs reprises et je cédai au bout de la troisième fois.

Il se promena et m'entraîna avec lui. Je ne savais pas où il n'allait ni même où il m'amenait. Il se dirigea vers des toilettes publiques et me demanda de le suivre. Mal à l'aise, je lui exprimai que je n'avais pas besoin d'aller aux toilettes mais il insista. Alors je cédai de nouveau, étant seule et ne sachant pas comment il pouvait réagir à mon refus.

Adil était une personne au sang chaud, cela ne le dérangeait pas d'être en conflit avec son prochain. Il montait très souvent au quart de tour, lorsque les choses n'allaient pas dans son sens.

Entrés dans ces fameuses toilettes, il ferma la porte à clé. Je me retrouvai là, à nouveau seule dans une situation cauchemardesque. Je ne pouvais pas partir. Où allais-je pouvoir bien aller ? Nous étions seuls dans ce village sans personne et de plus, nous ne devions pas quitter le stand, ni le laisser seul.

Je lui dis "Il est tard, nous devrions aller travailler, laisse-moi sortir." Il me répondit "Ne t'inquiète pas, ça va bien de passé. Juste un peu et personne ne le saura. Tu as bien fait ça avec Amir. Et moi, tu ne veux rien ? Ne me fais pas croire ça quand-même." Après lui avoir dit plus de quatre fois non, il insista encore tout en me poussant à m'agenouiller et me força la main pour que je fasse ce qu'il voulait de moi.

C'est à ce moment-là que la policière releva la tête et me demanda "Si vous ne le vouliez vraiment pas, pour quelles raisons avez-vous ouvert la bouche ? Vous aviez le choix, madame." c'est alors que je restai bouche bée face à sa question. J'aurais pu tout éviter. J'aurais pu partir de ces toilettes. Lui donner un coup de pied ou un coup de boule. J'aurai pu fuir, appeler mon supérieur et lui expliquer la situation. J'aurai dû fuir à toutes jambes, dès que je l'avais senti.

Je le savais à présent, tout était ma faute.

La culpabilité, la haine envers moi-même me firent monter les larmes. Je ne pus me retenir de fondre en sanglots, malgré ma tentative de cacher mes émotions. J'étais simplement une mauvaise personne à mes yeux, et d'après mon analyse, aussi à ceux de cette charmante policière.

En sortant du commissariat, je sus que tout était perdu, que même les policiers voulaient ma peau. Seule dans ma voiture, je ne pus que crier et pleurer. Plus rien n'avait d'importance, même la police ne me considérait pas comme une victime. "La justice est juste" m'avait-t-on dit, j'ai subi une injustice et rien ne pouvait changer cela. J'étais là, mes traumatismes aussi et avec un énorme fardeau traîné derrière moi.

Ce fut quelques mois plus tard que je reçus une lettre du procureur. Elle m'annonça que ma plainte était classée sans suite. Ce jour-là fut un véritable désastre, car je réalisai que je n'avais rien pour prouver à Lee que je n'étais pas consentante de ces rapports subis.

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