Chapitre 12

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Une goutte tomba sur le nez de Merkhar alors qu'il suivait les traces d'un tourne-lion, un magnifique lion à la crinière semblable à un tournesol, qui semblait se diriger vers la rivière. Vêtu de sa cape verte, il était presque invisible dans cette forêt dense et au parfum enivrant. Les arbres montaient haut vers le ciel, et au sol, sur le tapis de mousse, étaient tombés des fruits de toutes les tailles et de toutes les couleurs. Il aurait été criminel de les laisser pourrir là, mais il n'avait pas faim et préféra les laisser aux animaux qui en avaient vraiment besoin. Quelques mètres plus loin, perché sur la cime d'un myrtillier géant, le fameux tourne-lion se dorait la pilule, sa couronne de pétales fragiles tournée vers le soleil, frémissant au contact de la brise. Merkhar grimpa quelques branches et se posa à califourchon, un carnet sur son genou droit et un fusain dans la main gauche, prêt à capturer cette magnifique créature.

Il avait prit cette habitude, au moins une fois par semaine, il dessinait ce tourne-lion, sous tous les angles possibles, et quand son carnet sera plein, il choisira un autre animal, peut être encore plus étrange. Mais il fut interrompu par le son strident de la corne du village, qui indiquait un rassemblement général. Il se dépêcha de descendre, rangea ses affaires dans sa sacoche en cuir et salua le lion qui était toujours plongé dans sa sieste, malgré le son de corne.

- C'est la prêtresse, elle sent depuis plusieurs jours une nouvelle présence, une nouvelle sorte d'énergie, lui informa Elryn alors qu'il s'immisçait dans la foule qui se formait peu à peu autour de l'arbre sacré.
Là, assise en tailleur dans le creux de l'arbre, était logée une petite femme aux cheveux incrustés dans l'écorce et au visage couvert de mousse et de lierre. Elle ouvrit les yeux, révélant des pupilles et iris aussi blanches que de l'albâtre.
- Approchez, jeune homme et donnez-moi votre main cornée par la dure vie qu'est d'être à jamais loin de chez soi.
Sa voix tremblait, quelque chose la perturbait, derrière son regard vide d'émotion.
Merkhar s'approcha, s'assit sur la mousse et toucha de ses mains deux branches, qui paraissaient être des mains, elles aussi, reliées à la prêtresse. Seule depuis des centaines d'années dans cet arbre, personne n'avait le droit de ne tremper ne serait-ce qu'un orteil dans l'eau qui bordait cette petite île.
- L'âme de votre sœur est ici, sur Asklarius. Dans un corps semblable au précédent, elle est en ce moment même sur le pont d'un bateau qui l'emmènera à Liomynsk. Elle est aidée par ses anciens compagnons et possède le soutient inébranlable des astariens. Elle passera certainement sur cette île, afin de gagner le droit de devenir reine de Turéis. Estréide est de retour, vous devez vous y préparer.
Merkhar, stupéfait, ne pu sortir aucun son de sa bouche. Cela faisait plus de vingt ans qu'il n'avait pas entendu parler de sa sœur, depuis le soir où il était parti, en même temps que Cyrius, Jane et Cornélia. Mais en tant que fils du roi, il fallait qu'il parte encore plus loin, sur une île que Goltraigue détestait et où jamais il n'irait s'aventurer. Alors à dix-sept ans, il s'était échappé, avec sa sacoche en cuir renfermant quelques provisions pour seul bagage. Il avait volé un petit voilier à Charnadieu, et avait navigué pendant des jours entiers jusqu'à se heurter aux côtes de Pixidys. Par une chance inespérée, il avait rencontré Elryn, qui ramassait quelques huîtres, le pantalon remonté jusqu'aux cuisses et le visage rougit à force de se pencher. Elle l'avait emmené voir Harim Kaligon, qui avait accepté à contre cœur de le laisser vivre en exil, avec Elryn. Jamais il ne lui avait parlé de sa sœur ou de sa famille, il avait renié son ancienne vie, n'en gardant que quelques habits et la sacoche comme souvenirs. Les premières années avaient été compliquées, puis il s'était habitué, il avait presque oublié sa sœur et sa famille.
- Ça ne peut pas être ma sœur, c'est tout simplement impossible.
- Et pourtant ... Elle possède son don et ses amis l'ont retrouvé grâce à Mera, elle a réussi à tracer son âme.
- Mera, la prêtresse de la reine, celle qui vit sur la montagne de Turéis ?
- Exact, vous l'appréciez fortement n'est-ce pas ?
- Oui, elle m'a apprit beaucoup de choses, avec les Magellan.
- En attendant qu'elle vienne à vous cher jeune homme, je vous conseille de vous replonger dans votre ancienne vie. Aussi douloureux soit le processus, vous devez y faire face si vous voulez aider votre sœur.
Merkhar poussa un soupir, jamais il n'avait imaginé avoir à faire ça.
- Une dernière question, quel est son prénom ?
- Gabrielle, très joli n'est-ce pas ?
- Oui en effet, c'est un très joli prénom.

Gloire et BrasierOù les histoires vivent. Découvrez maintenant