Chapitre 9

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- Cette fois te plante pas, une fois pas deux. Lui souffla Jane à l'oreille.

- Surtout remue le couteau dans la plaie, ça m'aide énormément, répondit sèchement Gabrielle, piquée par sa remarque.

Gabrielle s'agenouilla, et retira doucement ses bandages et ceux de Fried. Elle répéta l'opération de nettoyage et ferma les yeux. Mais cette fois, elle ne pensa pas à son énergie ni à ce qu'elle devait faire, elle pensa à Cornélia, et retrouva peu à peu son état d'esprit d'hier. Elle imagina le goût de ses lèvres, se rappela la texture de sa peau. Et a nouveau, cette chaleur, partant de sa poitrine, et se répandit dans tout son corps, de son crâne jusqu'à ses orteils, lui apportant cette sensation de paix. En un battement de cœur, elle fut transportée dans une cuisine, où flottait dans l'air une odeur de crêpes. D'une chaine-hifi s'échappait du jazz. Elle regarda autour d'elle, et vit à sa gauche, Cornélia, rajoutant quelque chose dans la pâte à crêpes. Elle s'approcha pour embrasser cette sublime femme brune, seulement vêtue d'une chemise beaucoup trop grande, mais ...

- Eh Gabrielle, tu peux rouvrir les yeux maintenant. Lui chuchota doucement Cyrius en lui prenant les mains, intactes.

Gabrielle fut tirée de son rêve, et quand elle rouvrit les yeux, elle était de nouveau dans cette cabane, entourée de gens qu'elle ne connaissait pas, dans un monde qu'elle ne connaissait pas. Mais elle avait réussi pas vrai ? Elle avait réussi à guérir deux plaies, par la seule force de son sang et de son esprit. Et alors que tout le monde la félicitait et lui prenait l'épaule, alors qu'elle était entourée des personnes les plus importantes de sa vie à l'instant T, elle se sentit incroyablement seule. La Terre s'arrêta de tourner, les voix devinrent de simples bruits sourds, tout son corps s'engourdit. Elle voulait hurler, s'écrouler, pleurer chaque goutte d'eau se trouvant dans son corps. Elle voulait rentrer chez elle, retrouver son monde, sa maison, son foyer. Mais elle repensa aux paroles de Jane, elle devait agir comme une reine à présent, parce que si elle ne réussissait pas cette mission qui lui avait été confiée, alors elle aura vécue en vain. Elle serra les dents de toutes ses forces, comme pour les enfoncer encore plus profond dans sa gencive, elle ravala ses larmes, et rassembla ses dernières forces pour esquisser un sourire forcé et douloureux. C'est alors qu'elle le senti, ce sentiment si connu des brisés et des écorchés, ce vide. Ça y est, il s'était installé. Et elle avait lu suffisamment de poésie dans sa vie pour savoir qu'une fois installé, c'était trop tard, il ne partirait plus jamais, contaminant chacun des organes un a un, en commençant par le cœur. Bien-sûr on pouvait essayer de le ralentir, en souriant plus haut, en dansant plus rapidement, en riant plus fort, mais il finirait par y arriver quand même. Il fallait juste s'estimer heureux de ne pas être né avec, de s'être un jour, senti comblé.

À l'autre bout de la pièce, Cornélia la fixait, assise le dos contre le mur, un genou replié contre sa poitrine, son éternel sourire espiègle au coin de la lèvre. Alors que la pièce était remplie de monde, Gabrielle ne voyait qu'elle. Alors qu'une odeur âcre de sueur humaine emplissait toute la cabane, elle ne sentait que cette odeur de rhum, d'épices et de miel qui suivait Cornélia partout où elle allait. Alors que le village entier la serrait dans leurs bras, elle ne pensait qu'à être dans les siens.

« Non pas maintenant, ne tombe pas amoureuse d'elle maintenant, pas si vite, pas si violemment. Tu vas encore te faire mal, tu vas te faire mal Gabrielle. Tu as tellement de choses plus importantes à faire et à ressentir, s'il te plaît ne tombe pas amoureuse d'elle. Arrête de penser si fort à son regard plongé dans le tient. Je t'en supplie arrête de penser à ses mains sur ton visage et aux tiennes sur ses hanches. Oui je sais, elle est le rêve de chaque écrivain, elle est si douce et si pétillante à la fois. Oui je sais, tu voudrais te transformer en ce goulot de bouteille qu'elle porte sans arrêt à ses lèvres. Oui je sais, ton cœur s'emballe à chaque fois qu'elle t'effleure ou que tu sens son haleine. » lui cria une petite voix à l'arrière de sa tête. Elle avait totalement raison, sur chacun des points. Mais la rationalité n'avait jamais été vraiment son truc quand on parlait de sentiments. Elle était une écrivaine, une poète, elle vivait chaque seconde comme si c'était la dernière et savait apprécier la moindre goutte d'eau. Et maintenant, qu'elle avait trouvé la fille sur qui déverser tout ce romantisme et tout cet amour, pourquoi se priver ?

Gloire et BrasierOù les histoires vivent. Découvrez maintenant