Alexandre Hutain choisit d'arriver largement en avance dans ce petit café jouxtant le bassin des chalutiers. Dehors, la nuit n'était pas encore tout à fait tombée, ce premier samedi de février. Le ciel s'était drapé d'un voile mêlant le doré au rosé. Plus tôt dans la journée, Caroline lui avait annoncé qu'elle ne pourrait pas venir à l'horaire qu'ils avaient convenu par message l'avant-veille. Elle devait passer du temps avec sa meilleure amie Zoé qui sollicitait son aide pour l'après-midi. Il lui avait proposé de remettre leur rendez-vous amical à un autre jour, mais elle avait refusé. Cela ne la dérangeait qu'ils puissent se voir plus tard le jour même, à condition que lui n'y voit aucun inconvénient.
Il en avait profité pour travailler un peu plus longtemps sur sa prochaine publication historique. Mais parallèlement, des idées lui étaient venues pour le roman sur lequel il travaillait depuis début janvier en remplissant des pages de notes. Ses journées étaient pour le moins chargées avec le surplus de travail qu'entraînait la correction des examens de ses étudiants. Mais il aimait ces moments de bouillonnement où les idées et les projets se multipliaient.
Depuis qu'il avait divorcé, il ne vivait que pour son travail, avec une préférence pour son travail d'écriture. Enseigner était certes agréable, surtout en fac, mais le plaisir était dans l'écriture. Plonger dans une histoire, réelle ou fictive, et la coucher sur le papier.
Il regarda sa montre. Son invitée serait bientôt là. Cette fille qu'il avait prise sous son aile quand elle était en train de sombrer le touchait sans qu'il puisse s'expliquer pourquoi et lui faisait du bien à l'âme. Il était heureux de voir qu'elle avait survécu à ce naufrage intime qui avait bouleversé son existence. Caroline n'était certes pas entièrement guérie, il faudrait du temps encore, mais elle était sur la bonne voie.
Et puis c'était la première élève, en presque vingt ans de carrière, avec qui il était resté en contact même après dix-huit mois de silence. Une année et demi qui avait métamorphosé cette post-ado torturée en jeune femme souriante.
Après l'avoir invitée au débotté, au détour d'un rayon dans une librairie, il s'était trouvé un peu bête. Bien sur, ils avaient déjà bu un café ensemble lors de leurs retrouvailles pendant les fêtes et Caroline en avait profité pour lui adresser les remerciements qu'elle avait sur le cœur depuis longtemps, puis ils avaient échangé quelques messages de temps à autre au cours des dernières semaines. Mais avait-elle vraiment envie de revoir ce professeur une nouvelle fois ? Lui avait agi instinctivement sans s'imaginer qu'il l'avait possiblement mise dans l'embarras. Heureusement, l'insistance qu'elle avait mise pour maintenir leur rendez-vous l'avait rassuré sur ce point.
Relevant les yeux du carnet sur lequel il notait ses idées d'écriture, il vit entrer dans l'établissement deux femmes élégantes au maquillage soigné. Sous cette apparence, Caroline et Zoé n'avaient plus rien des lycéennes qu'il avait connues.
- Bonsoir, fit-il en se levant pour les saluer.
- Bonsoir, répondit Caroline, un sourire lumineux sur le visage.
- Bonsoir Monsieur Hutain, compléta Zoé en tendant chaleureusement la main.
Alexandre les invita à s'asseoir, mais Zoé expliqua qu'elle n'était passée que pour avoir le plaisir de le saluer et qu'elle n'avait pas le temps de rester plus de quelques instants. Ravi de revoir une ancienne élève, encore une fois, il lui demanda ce qu'elle devenait et comment se passait ses études. L'échange ne dura guère plus de trois minutes puis la meilleure amie de Caroline les laissa seuls.
- Ça ne vous a pas embêté qu'elle vienne ? Elle a vraiment insisté pour passer. C'est elle qui m'a conduit ici, je me voyais mal lui dire non.
- Non non, pas du tout. C'est toujours agréable de voir que l'on est pas oublié par ses anciens élèves.
VOUS LISEZ
A la verticale du coeur
RomanceCaroline, 20 ans, étudiante en lettres découvre malgré elle que l'amour et le désir se cachent parfois au près des personnes les plus inattendues. Romance avec un soupçon d'érotisme Cette histoire n'est pas un roman au sens classique du terme. Il n...