Chapitre 11

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- Je vais te faire lire quelque chose... lui annonça-t-elle d'une voix mal assurée. Mais je veux que tu me fasses une promesse avant de lire.

- Bien sur, de quoi s'agit-il ?

- Dans cette enveloppe, il y a un épisode de ma vie que personne ou presque ne connaît. Pour te dire, il n'y a que Lucas qui l'a lu. Et seuls les gens dont je parle dans ce texte savent ce qui s'est passé. Même mes parents ou bien Zoé, pour qui je n'ai aucun secret, ignorent tout ça. Même la psy qui m'a suivie ces dernières années, je ne lui en ai jamais parlé. Mais je veux que toi, tu le lises pour que tu comprennes que tu n'es pas comme tout le monde pour moi. Ensuite, je répondrais à tout ce que tu voudras savoir. Mais promets-moi deux choses : la première, c'est de ne pas me juger, en bien ou en mal. S'il te plaît garde la même opinion que tu as de moi en ce moment même après avoir lu ça... Et la seconde, promets-moi aussi qu'une fois qu'on aura passé la porte de ma chambre tout à l'heure, plus jamais tu ne me parleras de ce que tu auras lu. C'est très important pour moi que tu acceptes ces deux demandes.

Intrigué et légèrement inquiet, Alex accepta les deux conditions puis s'empara de l'étrange enveloppe que Caroline lui tendait. Il l'ouvrit et en extirpa plusieurs feuillets écrits à la main. Il reconnut l'écriture de son ancienne élève, mais avec quelque chose de plus jeune dans la façon de former les lettres. Nul doute, ce texte datait de plusieurs années.

Il adressa un dernier regard vers son amie à la mine grave, puis se lança dans la lecture.

« Cet été là devait être le plus beau de ma vie d'adolescente. J'en étais certaine. C'était le premier été de liberté.

Je venais d'avoir mon brevet avec mention très bien et j'allais entrer au lycée. En récompense de mes efforts, mes parents m'avaient offert le plus beau des cadeaux : leur confiance et la possibilité de profiter librement de mes vacances. Je pouvais sortir, voir mes amis aussi souvent que je le voulais. Ma mère, soutenue par mon père, ne m'avait formulé que peu de limites : ne jamais dépasser l'heure qu'elle me fixerait en fonction des sorties et de toujours me comporter comme il faut pour ne pas les décevoir. C'était certes assez vague, mais cela voulait dire : on te fait confiance alors ne nous trahis pas.

Tout au long de ces mois inoubliables, je me suis amusée comme jamais. Je voyais sans cesse Zoé, ma meilleure amie depuis toujours et aussi ce garçon qui avait grandi à côté de chez moi et que j'avais toujours considéré comme un grand frère. Je ne dirai pas son nom. Je ne le prononcerai plus jamais car je ne veux plus m'en souvenir.

Pourquoi ? Parce qu'il est la plus grande déception de ma courte vie. Il a, il avait, un an et demi de plus que moi. À nos âges, je n'avais pas encore seize ans, dix-huit mois c'était déjà tout un monde. Je l'admirais car il était tout ce que je n'étais pas. Plus grand, plus drôle, plus sportif, plus sur de lui que je ne le serai jamais. Malgré toutes ces qualités qui le rendait exceptionnel à mes yeux, je ne suis jamais tombée amoureuse de lui. Du moins pas dans le sens classique du terme. Le seul amour que je pouvais ressentir pour lui tenait vraiment à un sentiment fraternel.

Cet été là, je le voyais collectionner les conquêtes avec un regard amusé. Nous formions une petite bande où venaient se greffer des vacanciers de nos âges. C'est parmi les filles de passage qu'il choisissait ses copines. Elles se ressemblaient toutes : grande, brune, la peau mate, l'assurance de leur charme en bandoulière. La plupart me calculaient à peine. Mais je m'en moquais car je savais qu'une fois qu'elles auraient franchi les portes de la ville, il aurait oublié jusqu'à leur prénom et que moi je serai toujours son « petit moustique ».

Ce surnom, il me l'avait donné enfant quand je n'arrêtais pas de tourner autour de lui pour l'embêter quand il jouait à la console chez lui et que sa mère nous gardait, mon vrai frère et moi.

A la verticale du coeurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant