Chapitre 1

553 31 13
                                    

En ce début de mois d'août, la chaleur du soleil était à son paroxysme. Pas un seul souffle de vent ne remuait les arbres, tout semblait être immobile. Le parfum délicat et pénétrant des lavandes se répandait dans l'air chaud de l'été venant chatouiller les narines de la jeune femme. Elle ferma les yeux quelques secondes inspirant longuement les effluves légers des lavandes. Cela lui rappelait les vacances d'été qu'elle passait chez sa grand-mère lorsqu'elle était enfant. Pourquoi n'avait-elle jamais pris la peine d'observer la nature plus attentivement ? Ces effluves ravivèrent des souvenirs enfouis dans les tréfonds de sa mémoire. Elle se souvint de la balancelle en bois d'acacia sur laquelle elle avait l'habitude de s'asseoir avec sa grand-mère. Elle se souvenait qu'elle attendait avec impatience l'heure du goûter pour manger les biscuits préparés avec soin par sa grand-mère. Une autre sensation l'envahit au souvenir de ces moments, la jeune femme se rappela à quel point elle aimait l'été autrefois. Elle jouait avec le fils des voisins dans le jardin de sa grand-mère en début d'après-midi, peu après midi, évitant ainsi l'exposition au soleil qui atteignait son apogée à cette heure-ci. Elle se souvenait à quel point ils s'étaient amusés lorsque son grand-père leur avait construit une cabane en bois au fond du jardin. Ils y avaient joué pratiquement tout l'été, inventant des aventures issues de leur imagination d'enfants, passant ainsi de pirates pilleurs de navires à aventuriers à la recherche d'un trésor fictif. Elle pouvait revoir sa mère, non loin, qui enduisait ses cheveux d'huile de monoï, elle se rappelait qu'elle aimait les effluves légers de cette fleur polynésienne.

Inspirant longuement l'émanation qui lui rappelait son enfance, Hermione ouvrit les yeux. Exposée à la lumière du jour, sa peau blanche, malmenée depuis de nombreuses années, absorbait les rayons de soleil avec ferveur. Elle sentait la sensation agréable de la chaleur entrer en contact avec son épiderme pâle. Elle ferma les yeux durant un instant, profitant de cette tranquillité passagère, puis elle les ouvrit.

L'entrée qui permettait d'accéder à la grande bâtisse, située au bout d'un chemin étroit, était pourvue de petits arbustes de lavandes impeccablement taillées. Ces petits arbustes méditerranéens longeaient l'allée de chaque côté. Le chemin pavé et rectiligne menait directement à la porte d'entrée. Hermione appuya sur le bouton de la sonnette pour manifester sa présence et entra.

Elle se retrouva immédiatement dans une salle d'attente lumineuse. Des chaises noires étaient disposées en U, seule une petite table carrée était disposée au centre de la pièce. Divers magasine étaient méticuleusement rangés sur celle-ci. La salle d'attente était vide, Hermione s'installa sur l'une des chaises et observa le décor. La décoration était à la fois sobre et élégante. Sur le mur face à elle, était accroché un tableau représentant une création abstraite digne d'un musée d'art contemporain. Il s'agissait d'une explosion spectaculaire de couleurs vives qui trouvait parfaitement sa place sur ce mur blanc. Étrangement, plus elle fixait le centre de la peinture, plus elle avait l'impression d'entrer dans cette explosion de couleurs éclatantes. Sur le mur de droite, se trouvait une grande horloge lui rappelant que le temps semblait ne pas s'écouler aussi vite qu'il n'y paraissait. Son regard resta ancré sur la grande aiguille attendant qu'elle se déplace, son cœur battait de plus en plus vite alors que sa respiration s'accélérait petit à petit. La jeune femme avait l'impression que cette pièce était devenue inexplicablement plus petite et plus oppressante que lors de son entrée. Elle sentit sa gorge se resserrer. Pourquoi avait-elle l'impression de suffoquer entre ces quatre murs ? Bien qu'elle tentait de masquer son trouble par son habituel masque d'impassibilité, elle ne put s'empêcher de porter une main légèrement tremblante vers le col de sa chemise qu'elle écarta. Son pouls était rapide.

Elle savait qu'une nouvelle crise était sur le point d'émerger. Depuis la fin de la guerre, ces crises étaient devenues régulières. Elles débutaient en période de stress, tout se passait alors très vite. Elle revoyait les images de la guerre en boucle comme si elle était condamnée à les revivre encore et encore. Ensuite, les battements de son coeur prenaient un rythme effréné alors que sa respiration s'accélérait. Ses mains tremblaient sans qu'elle ne puisse les contrôler. Plus sa respiration s'accélérait et plus elle avait du mal à respirer correctement. La jeune femme ressentait alors un sentiment d'oppression comme si les murs qui l'entouraient se rapprochaient dangereusement d'elle, la pièce semblait se resserrer. Sa difficulté à respirer entraînait des vertiges et une désagréable sensation de froid envahissait l'entièreté de son corps. Elle finissait la plupart du temps assise sur le sol, la respiration saccadée. Hermione devait se concentrer sur sa respiration ensuite tout redevenait normal.

—  Mademoiselle Granger ?

Une voix douce et rassurante l'interrompit et la sortit de ses pensées. Hermione tourna la tête vers la gauche et aperçut une femme d'une cinquantaine d'années. Elle était grande et élancée, ses cheveux blancs étaient coupés en un carré droit. Elle portait un pantalon fluide beige, une chemise bleu pâle qui mettait en valeur ses yeux bleus profonds. Madame Morel lui sourit. C'était un beau sourire. Un sourire rassurant et chaleureux. Un sourire qu'elle n'avait pas vu depuis longtemps. Hermione se leva et elle s'approcha de la psychiatre. Madame Morel lui tendit une main qu'elle serra doucement.

— Suivez-moi, dit-elle simplement.

Ils traversèrent un long couloir et s'arrêtèrent devant la porte du fond. Madame Morel ouvrit la porte et entra, Hermione la suivit. Il s'agissait de son bureau. La pièce était spacieuse, éclairée et décorée dans le même style que la salle d'attente. À sa gauche, se trouvait une grande bibliothèque qui recouvrait toute la surface du mur. La bibliothèque était divisée en petit carré, tous contenaient des livres et divers ouvrages. Face à elle, se dressait une grande et large fenêtre. Devant celle-ci, il y avait un canapé et deux fauteuils disposés face à face, qui étaient réunis sur un tapis vert foncé. À droite de la pièce, se trouvaient un large bureau noir et deux chaises devant celui-ci.

— Installez-vous, je vous en prie.

Sortant de sa contemplation, elle constata qu'elle était restée devant la porte alors elle s'avança et prit place sur l'une des chaises face à Madame Morel.

— C'est la première fois que vous venez ? demanda Madame Morel.

Le regard bleu céruléen de la psychiatre la déstabilisa durant quelques secondes. Hermione eut l'impression que, par un simple regard, elle pouvait sonder toutes ses pensées. Cela la mit mal à l'aise, elle détourna le regard.

— Oui.

Madame Morel saisit un carnet et son stylo.

— Avant tout diagnostic, j'ai pour habitude d'apprendre à connaître mes patients, expliqua Madame Morel.

— Que voulez-vous savoir ? demanda Hermione.

Le ton de sa voix trahissait la légère anxiété qui l'envahissait petit à petit. Elle n'avait pas l'habitude de raconter sa vie à une inconnue. En réalité, elle n'avait pas parlé de son ressenti depuis bien longtemps.

— Ce qui vous a amené ici, sourit la psychiatre.

Hermione baissa les yeux vers ses doigts dont elle triturait la peau. Madame Morel suivit son regard.

— Je ne sais pas par où commencer, dit-elle.

— Et si vous commenciez par le début ?

Hermione releva les yeux croisant les yeux bleus de la psychiatre. De son regard émanait un sentiment à la fois rassurant et chaleureux qui, étrangement, la convainc à se confier. Après tout, son rôle était d'écouter son récit et de trouver la réponse au problème. Raconter cela à une inconnue devrait être facile. Elle ne serait pas jugée et elle aurait un avis objectif.

Hermione inspira longuement et acquiesça d'un mouvement de la tête. Il fallait qu'elle en parle. Il fallait qu'elle en parle avant que la folie ne la gagne.

— Et bien, tout a commencé le 5 septembre...

***

NDA : Le chapitre suivant est publié !

Illusion [SNAMIONE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant