Juliette avait le regard rivé sur ses doigts qu'elle tirait un à un. Elle se faisait mal, mais ce n'était pas grave. Elle continuait incessamment, commençant par le pouce et terminant par le petit doigt avant de recommencer, mais dans l'autre sens. Sa respiration se calait sur l'action de ses mains alors que ses yeux restaient fixés dessus, la brûlant de plus en plus suite au manque d'humidité que le battement de ses paupières pouvait si simplement lui procurer.
Mais non. La jeune fille n'y prêtait aucune attention. Elle continuait ce mouvement répétitif, encore et encore et encore. Les secondes passaient. Puis les minutes. Elle ne s'arrêtait pas.
Soudainement, une nouvelle main entra dans son champs de vision, une qui ne lui appartenait pas, et se posa sur les siennes, interrompant son geste au milieu d'une série. La chaleur qui s'en dégageait calmait ses jointures endolories et l'irritation qui couvrait sa peau.
Elle releva doucement la tête vers l'auteur de cet acte et elle fut accueillie par une vue qui lui brisait le cœur.
Louis avait le regard ancré sur la patinoire qui leur faisait face. Ses yeux noisettes ne retranscrivaient rien et ne suivaient pas non plus les déplacements de ceux qui faisaient le spectacle. Son expression était plate et absente, signe que ses pensées se trouvaient bien loin d'ici.
Il était assis à côté d'elle, mais il n'était pas avec elle.
Une boule se forma dans la gorge de Juliette alors que ses yeux la brûlait à nouveau, mais pour une toute autre raison. Elle sentait les larmes monter alors que sa respiration se faisait courte et que son esprit se remplissait d'images qu'elle voulait désespérément oublier.
Depuis la veille, depuis qu'elle avait été forcée de faire ce maudit porté avec Adam et depuis qu'il avait assisté à toute la scène, Louis lui avait à peine adressé la parole. Elle n'arrivait pas à savoir si c'était volontaire de sa part, mais excepté pour lui dire les mondanités qu'il réservait d'habitude aux personnes qu'il connaissait tout juste, la distance qu'il avait installé entre eux était abyssale.
Elle avait essayé à plusieurs reprises de franchir ce gouffre et de le combler à l'aide de mots ou de simples regards, mais il la repoussait sans cesse. Il n'avait pas besoin de le faire physiquement, son absence de réaction était largement suffisante.
Juliette le connaissait tellement qu'elle ne pensait même pas qu'il le faisait consciemment, jamais il n'aurait voulu la faire souffrir volontairement. Mais les faits étaient présents et son cœur se déchirait à mesure que les secondes passaient, secondes durant lesquelles il était si près, mais également si loin d'elle.
Elle n'arrivait pas à l'atteindre.
Elle aurait voulu lui hurler dans les oreilles, lui crier qu'elle n'avait jamais voulu faire ce porté et qu'Adam la terrifiait plus que de raison. Qu'elle avait besoin de sa présence à ses côtés parce qu'elle allait devenir folle et que la panique la consumait petit à petit. Elle voulait qu'il dise quelque chose, n'importe quoi.
Mais les mots restaient bloqués en elle. Une boîte venait les enfermer dans sa gorge et grandissait dès qu'une nouvelle phrase se formait dans son esprit. Son énergie se déversait dans l'angoisse qui sommeillait depuis toujours en elle et qui détruisait tout sur son passage depuis la veille. Son corps et ses pensées étaient devenus un véritable champs de bataille sur lequel la désolation annihilait tout espoir.
Elle était perdue et effrayée et n'avait aucun moyen de s'exprimer. Sa bouée de sauvetage prenait le large, la laissant seule avec son désespoir sur le bord de la banquise.
Elle ne pouvait pas, elle n'était pas assez forte pour survivre seule à son anxiété. Elle avait besoin de lui, elle avait besoin de ses paroles rassurantes et de son touché familier et relaxant. Sa présence dans sa vie était une constante qu'elle n'avait pas envie de perdre, surtout à la suite d'un événement aussi insignifiant que dévastateur.

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On thin Ice
Teen Fiction[TERMINÉE] Seulement, pour elle, rien ne lui prodiguait autant de joie que de patiner avec lui. Elle savait désormais pourquoi elle avait voulu se lancer dans la danse sur glace. Le patinage était ce pourquoi elle se levait le matin et il n'y avait...