Un nouveau départ

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Gabrielle s'était réveillée ce matin là, avec un besoin urgent d'aller courir. Depuis le décès d'Anna et son départ de Seattle, elle n'avait plus foulé le bitume. Ses chaussures de courses étaient restées enfermés dans un des cartons entassés dans la chambre d'amis qui lui servait de débarras. Courir lui rappelait bien trop Anna. Cependant, ce matin, entendre les oiseaux, sentir la chaleur du soleil sur son corps nu à travers la vitre de sa chambre, avait réveillé en elle le besoin urgent de reprendre le cours de sa vie. Oui, Anna était morte des suites de l'attentat qui avait touché le bâtiment du quartier général de la police de Seattle. Oui, Gabrielle l'avait accompagné et aimé jusqu'à son dernier souffle, lui promettant de continuer à sourire et à aimer la vie et ne pas se laisser emporter par la tristesse ou un quelconque désir de vengeance. Mais Gabrielle avait été incapable de tenir cette promesse tant perdre Anna lui avait déchiré le cœur. Ce qui avait suivi le décès d'Anna et son arrivée précipitée à New-York, elle n'en avait parlé à personne. Seuls deux hommes partageaient son secret, l'un ronger par la tristesse d'avoir perdue sa fille cadette, l'autre ronger par la culpabilité de ne pas avoir pu empêcher le drame qui avait frappé Gabrielle et Anna. Officiellement, elle était venue à New York pour se rapprocher de ses enfants, ce qui finalement n'était pas si loin de la vérité. Elle se leva et étira ce grand corps qu'elle avait délaissé depuis deux ans. Après s'être étirée, elle regarda le mur sur lequel elle avait reproduit le visage d'Anna à l'aide de photo, chaque photo composant un pixel. Gabrielle n'était pourtant pas une artiste, mais elle s'était sentie inspiré et un jour elle avait utilisé tous les polaroïds qui témoignaient de leur vie passée et avait reproduit le beau visage de son épouse sur le mur de sa chambre. Le portrait était du plus bel effet mais lui rappelait chaque jour tout ce que Gabrielle avait perdu et la solitude qui était la sienne maintenant. Une larme s'échappa et coula le long de sa joue qu'elle s'empressa d'essuyer. Anna l'avait rendu si fragile, si sensible que Gabrielle s'était petit à petit murée dans une solitude et préférait se noyer dans son travail. Sans doute était-ce sa façon à elle d'oublier la douleur d'avoir perdu son âme-sœur. Gabrielle n'avait plus de vie sociale en dehors de ses enfants. Amélia et Sophia, ses belles-sœurs et amies, l'appelaient chaque semaine, ainsi qu'Hiro le père de son fils et meilleur ami, s'inquiétant de cette solitude dans laquelle Gabrielle s'était plongée, elle qui était d'un naturel si sociable avant la perte de son épouse. Elle se rendit à sa cuisine et se prépara son traditionnel thé matcha. Au moins certaine chose ne changeait pas dans son quotidien. Après avoir bu son thé, elle alla se doucher et s'habiller pour se rendre à son bureau situé à deux pâtés de maison de son appartement. Avant de partir, elle rentra dans la chambre d'amis et ouvrit un carton sur lequel était inscrit en gros SPORT au marqueur noir pour en sortir ses chaussures de courses, quelques shorts ainsi que son brassard et ses écouteurs. Ce soir, c'était décidé, elle s'octroierai un peu de temps pour aller courir. Cela faisait longtemps qu'elle ne s'était pas fixée d'objectif et peut être était il temps pour elle de reprendre sa vie en main. Elle était encore jeune, à peine quarante deux ans, et se sentait revivre comme une fleur qui éclot au printemps. Elle posa ses trouvailles sur la table de son salon et partit travailler.

★★★★★★


Cela faisait maintenant deux ans qu'Hélène et Amber s'étaient séparées. Si au début, tout n'avait pas été simple, finalement avec le temps et l'aide d'Anton et surtout d'Emma, les deux femmes arrivaient à se côtoyer à nouveau. Amber avait vendu à Hélène un prix raisonnable les parts qu'elle détenait de Bernstein, l'empire fondé par le père d'Hélène et lui avait abandonné toute prétention sur HOPE, l'entreprise de sa défunte épouse et HOME, sa maison du Maine, considérant que c'était avant tout les propriétés que Sacha avait construites pour son épouse et sa famille. Sa seule exigence avait été d'être tenue informée concernant l'avenir du HOPE. Hélène y avait répondu de manière favorable. Après tout, à la mort de Sacha, elle avait failli tout perdre et sans le concours d'Amber, elle aurait dû dire adieu à la fois, à l'empire de son père, mais aussi à tout ce qu'avait construit Sacha. Forte de cette expérience, elle s'était nommée Directrice générale de HOPE et ne laissait à personne le soin de décider quoi que ce soit concernant HOPE. Une fois avait suffi, elle ne reproduirait pas les mêmes erreurs. Ainsi, Anton et sa jeune fille Sarah géraient l'empire Bernstein dont elle était toutefois la présidente et elle s'occupait en direct de HOPE avec le soutien d'Emma, la compagne d'Anton et de Maya sa fille aînée. Avec l'appui de la fondation Bernstein, elles avaient redonné à HOPE l'esprit militant et créatif souhaité par Sacha. Elles faisaient tout pour promouvoir les jeunes artistes New-yorkais et aussi pour mettre en avant les minorités sexuelles ou ethniques. C'est ainsi que HOPE avait la joie d'accueillir une rétrospective de l'artiste New-yorkaise Faith Ringgold. L'artiste avec l'âge se faisait de plus en plus rare et cerise sur la gâteau, Hélène avait même obtenu de Faith qu'elle vienne présenter son œuvre un dimanche après-midi chaque mois que durerait la rétrospective à une poignée de chanceux. Les places s'étaient envolées comme des petits pains et Hélène était ravie de savoir que grâce au HOPE, l'art continuait à se démocratiser et à ouvrir l'esprit des gens. En cette période de Black Lives Matter, Hélène avait trouvé qu'exposer Faith, qui s'était battue pour la cause des noirs en générale et des femmes en particulier, était un bon moyen de rappeler aux jeunes générations que malheureusement leur combat ne datait pas d'aujourd'hui.

Le marathon de New-YorkOù les histoires vivent. Découvrez maintenant