De ce monde

Chapitre 1 : 9

   Face à moi, l'inconnu se révèle peu à peu. Il a enlevé sa capuche. Ses traits sont ceux d'un homme, je crois, bien qu'ils soient assez fins. Ses cheveux sombres sont tressés dans son dos. J'ai l'impression qu'il vient d'ailleurs, peut-être d'outremer. Je ne parviens pas à distinguer clairement la couleur de son teint à la lueur des flammes. Curieux, j'amorce la conversation.
   — D'où venez-vous ?
   Le voyageur sourit.
   — Tu n'as pas à me vouvoyer, je ne suis pas beaucoup plus âgé que que toi. Je viens de loin, de l'est. Tu as dû entendre parler du royaume de Khanan.
   Je reste sans voix. Il doit falloir traverser la moitié du continent pour se rendre à Khanan. De plus, il existe une vaste chaîne de montagnes reliant la mer au nord du royaume. Celle-ci l'isole facilement de l'ouest. J'ai honte de mieux connaître les contours de cette région que ceux de mon environnement proche.
   — Comment êtes-vous venu jusqu'ici ?
   L'étranger sourit. Il remue les braises à l'aide d'un bâton. Des étincelles incandescentes s'échappent du foyer.
   — J'ai visité de nombreux pays, dont plusieurs proches du mien. L'un d'eux donne sur la mer. J'ai pris un bateau pour passer de l'autre côté. Depuis, je marche. J'ai été plus au nord, j'essaie aujourd'hui de regagner la côte.
   Je hoche la tête pensivement. Je me demande si une vie sur les routes ne me plairait pas, finalement. Rester vagabond quelque temps me permettrait de découvrir le monde, de m'instruire à ma façon.
   — Et comment gagnez-vous... Pardon, comment gagnes-tu ta vie ?
   — Je suis poète et conteur. Je vais dans des auberges, sur des places publiques, et j'y raconte ce que j'ai pu voir en voyageant. Parfois, on m'achète des informations. Cela sert à des notables, qu'ils soient marchands ou politiciens. Ils s'éloignent des rumeurs et apprennent ce qui se passe véritablement là où je me suis rendu.