Chapitre 5

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     Lorsque nous rentrâmes dans notre dortoir, à en constater les autres lits toujours vides et l'absence de bagages autre que les nôtres, je conclus que nous étions seuls. Ezra ne tarda pas d'en profiter et ce dernier s'installa à mes côtés après s'être douché. Bien sûr, le lit était étroit, la promiscuité au rendez-vous, mais, cela ne me dérangeait nullement. Pour ne pas dire que cela ne me dérangeait pas du tout. Lui non plus, je crois. Sa peau fraiche à l'effluve vanillée collée à la mienne témoignait de son assentiment total à se retrouver dans une pareille étroitesse. 

— Encore cinq jours, marmonna-t-il en approchant son visage du mien.

— Oui. Autrement dit, une seconde à l'échelle d'une vie...

     Ses ongles grattèrent délicatement mon cou.

— Je regrette de ne pas t'avoir connu plus tôt, ajoutai-je. Seize ans pour se rencontrer ! Toutes ces années perdues...

— Certes, mais le destin aurait pu décider qu'on ne se rencontre jamais. C'est pour ça qu'il faut profiter, Gabriel ! Parlons-nous, apprenons-nous à nous connaître, encore et encore, profitons du temps qui nous est accordé.

— Tu as raison. Alors, je vais dire autre chose : j'ai une chance inouïe d'avoir croisé le chemin, à mes seize ans, de la personne qu'est Ezra, une incroyable personne, une très bonne personne.

— C'est vrai, tu penses que je suis une bonne personne ?

— Et qui ne le penserait pas ?

— Toi aussi, tu es une très bonne personne.

— Non, pas vraiment, m'entendis-je répondre.

     Il décolla la tête de l'oreiller pour me regarder dans les yeux, les sourcils froncés.

— Arrête de dire des bêtises, marmonna-t-il.

— C'est vrai. Tu ne m'as pas connu au collège, c'est pour ça.

— Eh beh, c'était l'âge, qu'est-ce que tu veux.

— Ça ne justifie pas.

— Ah bon, alors, qu'est-ce que tu as fait de si immoral ?

— Je trainais avec les populaires pour me faire bien voir... Et même si j'étais pas le mec qui allait dire des trucs, je restais passif face à leurs méchancetés. Parfois je rigolais par peur que ça se retourne contre moi si je gonflais pas leur égo.

— Et ils disaient quoi ?

— Ben, je me rappelle plus trop. Mais en gros, ils les rabaissaient les autres élèves sur leur physique, leurs vêtements etc.

— Ah oui, c'est méchant.

     Englouti par la honte, les mots me manquèrent. Un silence presque entier s'installa, amorti par l'écho des éclats de rire des autres voyageurs. De crainte qu'il ne s'endorme, j'enfonçai mes doigts dans sa chevelure et agrippai une mèche pour la lui tirer.

— Tu n'es pas déçu de moi ? demandai-je, finalement.

— Non. Je me concentre sur le Gabriel de maintenant. Le seul que je connais. Celui qui me plaît.

     Je demeurai silencieux.

— Tu sais ce que j'aime chez toi ? ajouta-t-il. Non seulement tu ne juges pas mes croyances, mais en plus, tu es toujours curieux. Tu t'intéresses à ma culture. Je me sens tellement... Aimé.

     Un sourire spontané se dessina sur mes lèvres.

— Ça... ça me semble normal. Enfin, je fais pas exprès... J'aime tout ce qui te définit.

Ezra et Gabriel - TOME 2 (BxB)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant