Chapitre 11

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     À la sensation de ses doigts froids sur mon bras, mes yeux quittèrent l'horizon pour se poser sur lui. Ses sourcils froncés témoignaient de sa contrariété.

— En quoi ce serait mieux que tout s'arrête ici ?

— Je sais pas... C'est l'idée de... De ne jamais subir à nouveau le quotidien... J'ai peur de ce qu'il nous attend, à notre retour. La routine, le réveil, le lycée, les contrôles, le bac qui approche, les embrouilles avec ma mère... Être un fardeau pour elle, lui gâcher la vie... Et surtout... l'avenir incertain de notre relation. Les obstacles qui nous attendent. La société. Les gens. Est-ce que je vais être assez fort pour supporter tout ça ?

— Oui. Tu as tenu bon jusqu'ici, non ?

— Y avait le voyage qui me faisait tenir.

— Non, arrête. Tu as toujours su tenir bon. Avant même qu'on prévoit ce voyage, avant même que tu me connaisses. Tu t'es débrouillé seul. Alors, tu continueras à tenir bon, je crois en toi.

— Mouais... Si tu le dis.

     En guise de réponse, il s'installa sur une barrière en bois et m'invita à faire de même. Lorsque je m'assis à ses côtés, il me massa la nuque.

— Je te fatigue, non ? ajoutai-je.

— Non.

— Je le prendrais pas mal si c'était le cas, pouffai-je. Je me fatigue aussi. Enfin, mon cerveau me fatigue. Faut toujours qu'il voie le verre à moitié vide, ce trou du cul. Dès que quelque chose de positif m'arrive, j'ai l'impression qu'il va forcément avoir un problème. Alors, au lieu de profiter, ben je redoute le jour où là chose qui me rend heureux me sera arraché. En l'occurrence, dans le cas présent, notre relation.

Il plissa les yeux.

— Je ne suis pas sûr que quoi que ce soit te rende heureux à l'heure actuelle. Pas même notre relation. Quelqu'un d'heureux ne pense pas que ce serait mieux que tout s'arrête.

Je restai silencieux.

— Parce que le mot « tout », beh, il inclut tout, quoi, ajouta-t-il.

— Oui... hésitai-je.

— Donc « nous ».

— Non ! Pas « nous ».

— C'est quoi « tout » alors ?

— Ben, le contexte dans lequel nous sommes. La société, les gens, Paris. Ce n'est pas que je veux pas la vie. Je veux pas la vie telle qu'elle est là. Je veux « nous » mais pas là-bas, pas comme ça, pas avec eux.

— Ah. J'ai compris.

— Tu as compris.

— Tu nous veux où ?

— Euh... Je réfléchis...

— Pas aux Etats-Unis ?

— Non. Maintenant je m'en fiche des Etats-Unis. Tant que je suis avec toi.

— Sacrément fleur bleue quand tu t'y mets.

— Oui. D'ailleurs, est-ce que t'es prêt à entendre la phrase la plus romantique que t'as jamais entendue de toute ta vie ?

— Je suis tout ouïe.

— Tes bras valent plus que toutes les villas de luxe d'Orlando.

Il explosa de rire.

— Vas-y, je dis plus rien, lâchai-je, faussement vexé.

— Nan, en vrai, c'est grave mignon.

— C'est ça ouais, avec tes dents crispées là.

Ezra et Gabriel - TOME 2 (BxB)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant