Chapitre 17

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     Noa arriva dans la matinée. Nous concernant, cela faisait bien deux heures que nous avions été sortis de la salle – devrais-je la qualifier de cachot – afin d'être de nouveau amenés dans un bureau. De là, le policier nous avait donné des photocopies de nos cartes d'identité. Était-ce un indice supplémentaire de la nuit blanche de nos parents qui s'étaient démenés pour envoyer tous les papiers nécessaires à notre retour ?

    Lorsqu'elle sortit du taxi, ce que je remarquai avant tout fut ses grandes cernes et sa tignasse ébouriffée qui lui tombait jusqu'en bas du dos.

— Oh mon Dieu, Ezra ! Ton visage ! Ton œil ! Qui t'a fait ça ?

— On s'est fait taper, répondit-il simplement.

— Mais pourquoi ? Et pourquoi vous êtes là ? Je... Je... Je n'ai pas les mots, lança-t-elle à son cousin en s'avançant vers nous d'un pas précipité. Ta mère va faire une syncope. Je dois la prévenir de ton état.

— Oui, peut-être.

— Peut-être ? Certainement, oui ! Je le ferai quand je vous aurai déposé à l'aéroport. D'ailleurs, sachez qu'un agent va vous accompagner jusqu'à votre vol, envoyé par l'ambassade de France.

— L'ambassade de France ?

— Tu connais pas tes parents ou quoi ? Tu es en fugue, idiot.

     Elle me lança un regard furtif mais ne m'adressa pas un mot. Puis, nous montâmes à l'arrière du véhicule tandis qu'elle s'installa à côté du conducteur.

     Alors que le taxi n'avait fait que quelques mètres, elle se retourna et nous balaya de ses yeux.

— Qu'est-ce qu'il t'as pris ?

— J'sais pas.

— Il faudra bien que tu saches quand tu te retrouveras devant tes parents.

— Je sais.

— C'est lui, l'instigateur ?

     Elle me pointa d'un geste de la tête tout en m'adressant un regard mauvais.

— Non, nous avons eu l'idée tous les deux.

     Témoin malgré lui, le conducteur lança des regards hâtifs dans le rétroviseur. Sans en comprendre mots, il était aisé de déceler la tension qui se manifestait à l'intérieur de son véhicule.

— Une sacrée idée de merde ! Franchement, je n'aurais jamais pensé ça de t...

— C'est nécessaire d'en rajouter ? souffla Ezra.

     Elle écarquilla les yeux. J'aurais juré à ce moment-là qu'elle s'apprêtait à lui assener la raclée de sa vie.

— À ta place, je fermerais ma bouche ! Ton père ne va pas te louper, tu vas voir !

— Justement. Ça me suffit.

— Et ta mère, franchement. Pauvre Suzy. Tu l'aurais entendue au téléphone...

— Je l'ai entendue.

— Ouais, ben, raison de plus pour te faire petit.

    Là-dessus, il enfouit son visage dans ses mains. Je ne pouvais rien faire, parce que nous n'étions plus seuls.

     Quant à Noa, elle porta finalement son attention sur la route, impassible à la détresse de son cousin.

     L'enfer est pavé de bonnes intentions disait-on et Paola et les autres en étaient la preuve. Sans doute, voulait-ils bien faire, sans doute, nous sentaient-ils en danger – et sans doute, avaient-ils raison. Mais ils avaient pulvérisé notre ultime chance de nous en sortir. Et ce fut ainsi que nos derniers jours à deux nous avaient échappé cruellement et pour toujours.

Ezra et Gabriel - TOME 2 (BxB)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant