Chapitre 20

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     Le lendemain, Ezra ne vint pas non plus. À la récréation du matin, tandis que nous étions tous à la cafétéria, Thalia me demanda la raison de son absence, ce à quoi je répondis que je ne savais rien. J'étais cependant rassuré qu'il y ait au moins une personne qui se préoccupait de ne pas le voir au lycée.

     Et puis, mercredi succéda à mardi, jeudi succéda à mercredi et il n'y avait toujours pas de trace de lui. Quatre jours empreints de solitude, et ce, même lorsque j'étais entouré de tout un monde. Quatre jours où je me rendis chaque soir à la salle de sport avant de rebrousser chemin, faute de l'avoir vu. Quatre jours d'appréhension qui rendait absolument tout plus pénible. Et bien sûr, le visage d'Ezra envahissait chacun de mes neurones lorsque je me retrouvai face à une feuille à noircir ou des exercices à résoudre. Je réalisai à quel point je n'avais aucune capacité à faire abstraction de mes émotions négatives et que l'inquiétude avait pris le contrôle de mon esprit.

— T'as une gomme, s'te'plait ? murmura Victor à mes côtés.

— Tiens.

     Où es-tu Ezra ? J'ai peur. Ton absence est lourde à porter, mais ce qui est d'autant plus lourd, c'est ne pas connaître la raison de celle-ci. J'ai peur. Est-ce que tes parents fous de rage t'ont envoyé loin, très loin d'ici ? Ont-ils déménagé en vitesse pour t'éloigner de moi ? Etes-vous revenus à votre ville d'avant, Aix-en-Provence ? T'ont-ils envoyé dans un internat, changé de lycée ? Ont-ils décidé de t'enfermer dans ta chambre jusqu'à nouvel ordre en guise de punition ? Ou peut-être, n'as-tu pas encaissé le choc. Comment vas-tu, toi ? Comment vis-tu ce qu'il nous est arrivé ? L'agression ? Te remets-tu physiquement et mentalement ? Regrettes-tu ? Si oui, jusqu'à quel point ? Allons-nous jamais nous revoir ? Si non, quand ? Et surtout, de quelle façon ? J'ai peur de plonger dans la folie si cette situation perdure plus longtemps. Des plans commencent à se construire dans ma tête, comme venir sonner à ta porte. Et ce qui me retient, ce n'est pas la folie de toutes ces choses ; ce qui me retient, c'est la crainte d'apprendre une terrible nouvelle. Il me reste quelques poussières d'espoir car je me connais bien. Moi, et ma faculté à m'imaginer le pire, à bifurquer à la vitesse de la lumière vers les scénarios les plus catastrophiques, et d'ailleurs, ça a le don de te faire bien rire.

— Tu sais où est Ezra ? demandai-je machinalement.

     J'espérais qu'une personne sache quelque chose et en parle, au détour d'une discussion. Mais Ezra était visiblement absent dans les esprits et je les haïssais tous pour cela. N'était-ce pourtant pas leur ami qui était aux abonnés absents depuis la rentrée ? Comment était-ce possible qu'aucun d'eux ne semble s'en préoccuper outre-mesure ?

     Et à cette indifférence, s'ajoutait l'absence de réaction des professeurs durant l'appel, se contentant de le noter absent dans une méprisante impassibilité. Tout ceci me suppliciait. À cet instant, la sensation qu'il n'avait jamais existé me frappa, comme si ce fameux jour de septembre où ma vie avait pris une incroyable tournure n'était que le fruit de mon imagination.

— Oh ! fit la voix de Victor à mes côtés.

— Quoi ?

— Je te disais que j'en savais rien. Comment ça se fait que tu sais pas ? T'es plus proche de lui que moi.

— Oui mais il ne répond pas à mes messages, mentis-je, en espérant lui susciter de l'inquiétude de sorte qu'il ait la brillante idée de se rendre chez lui ; je n'étais pas stupide, y aller moi-même constituerait un suicide.

— Des messages ? T'as de nouveau un téléphone, toi ?

— Non, mais j'envoie avec celui de ma mère, du coup.

Ezra et Gabriel - TOME 2 (BxB)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant