Chapitre 24

242 29 53
                                    

Ivanie.

Je laissai échapper un cri d'étonnement.

Ou de déception.

Les deux.

Pourquoi tout le monde revenait ? Enfin... Était-ce le bon mot ? Revenir. Ils n'étaient pas vraiment partis. C'était moi. Je les avais sortis de ma vie. Plus d'une demi année auprès d'Ezra et c'était comme si le reste du monde ne comptait plus. J'avais l'impression que ma vie était sectionnée en deux. Ezra l'huile, les autres l'eau. Un mélange impossible.

Etais-je de ces gens méprisables, qui, dès lors qu'ils sont en couple, plus personne n'existe à leurs yeux, pas même leurs amis ? Je m'étais éloignés d'eux. C'était vrai. Peut-être parce que, de cette façon, s'ils venaient à découvrir ma sexualité et à me jeter comme un déchet, je serais un peu moins blessé. Mais surtout, avec Ezra j'avais goûté le plaisir d'être moi-même. Léa avait raison : pourquoi n'arrivais-je pas à l'être auprès de Victor ? Pourquoi n'avait-il pas su me prouver jusqu'à maintenant qu'il était digne de confiance ?

Au point de préférer l'avouer à mon ex petite amie qui avait toutes les bonnes raisons de me haïr. D'ailleurs, que désirait-elle ?

« Salut. Ça va ? Je rentre bientôt en France et j'aimerais bien qu'on se voit. J'ai des choses à te dire. »

« Bien sûr. Tiens moi au courant. »

Ma déception était partie. Elle ne la méritait pas. En outre, j'avais hâte. Plus de deux mois que nous nous étions ni vus ni parlé. Comme image de nos adieux, son dernier regard à Ezra. Un regard sans haine. Sans jalousie. Sans animosité. Après avoir douté, je sus à cet instant que mon secret serait gardé sous clé.

***

La réjouissance d'avoir survécu à un week-end sans nouvelles d'Ezra s'évapora très rapidement. J'eus pourtant bon espoir que le supplice cesse définitivement lundi, et puis, après, ce mardi-là.

Je regardais, le cœur plein d'espoir, les élèves rentrer dans la classe. Tous ces visages que je méprisais dorénavant, car ils n'étaient pas celui que j'attendais. Ils étaient là, eux, tous les jours, alors que je ne les voulais pas. Je maudissais plus particulièrement l'élève qui arrivait en retard : entendre quelqu'un toquer à la porte alors que le cours avait commencé depuis un moment avait don de me faire sauter de la chaise. À force, j'avais pris l'habitude de repérer quel élève était absent et donc potentiellement en retard pour me préparer à l'idée que c'était lui qui allait apparaître. Cela ne manquait jamais.

Comme pour agrémenter un peu plus mon supplice, chaque élément de mon environnement constituait une raison de plus pour perdre toute volonté d'exister : mes tympans vibraient sous la voix de M. Sancier, mes yeux ensommeillés piquaient sous la lumière blafarde, sans oublier le radiateur à côté de moi qui me brûlait les cuisses, malgré la sensation de froid présente le long de mon dos.

Mon corps n'était d'ailleurs plus qu'une boule de douleur.

Mon corps, mais aussi mon esprit.

Où es-tu, Ezra ?

À l'évidence, c'était l'absence de trop ; toutes mes ressources péniblement exploitées pour tenir bon s'épuisaient chaque nouveau matin sans sa présence. Aussi je me jurai l'après-midi même, durant le cours d'histoire, que je me rendrai chez lui ce soir. Mon impatience avait dépassé toutes les craintes que je refusais de confronte. L'ignorance n'était plus supportable. Léa avait raison : pour se reconstruire, fallait-il savoir de quoi. Comment commencer un deuil sans connaître sa nature ?

— GABRIEL !

Je sursautai.

— Ça fait trois fois que je vous interpelle. Je vous demande de sortir votre manuel et d'effectuer les exercices mentionnés au tableau, s'il vous plaît.

Ezra et Gabriel - TOME 2 (BxB)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant