L'aurore des blessés

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Je n’étais qu'un prisonnier.

Il ne semblait pas intéressé par ma personne. Il reprit sa conversation avec les brunes comme si de rien n’était. A ses yeux, je n’existais pas. Etrangement cette révélation me fit comme  un pincement au cœur sans que je ne puisse réellement comprendre. J'étais blessé qu’il ne prête aucune importance à ma présence.
Tsuyu reprit la parole et le ton de sa voix me ramena à la réalité. Dans son timbre je pouvais entendre flotter tout un nuage de tristesse, une nuée de douleur et un soupçon de culpabilité. Elle devait sûrement parler du décès survenu le matin même.

Sa réaction me conforta dans l’idée bien sombre que cet homme avait été son amant. Un voile d’effroi vient assombrir ses jolies yeux verts lorsque la convalescente prit la parole, elle était certainement en train de raconter ce qu’il leur était arrivé. Je ne pus rien faire lorsque je vis Tsuyu vaciller et finir par s'effondrer au sol en pleurant. Des larmes coulaient également sur les joues de la blessée, le récit devait être dur et traumatisant. Mon impuissance me déchira le cœur, je ne savais pas ce qu'il s’était passé et je n’avais aucunement le droit de me mêler de leurs affaires mais voir les deux jeunes femmes en larmes était dévastateur. La compagne de la blessée se précipita pour la prendre dans ses bras et la consoler avec ce que je supposais être des mots d'amour.

La finesse des traits de Tsuyu était masquée par l'expression de douleur qui trônait sur son visage. Après un moment, le cendré se baissa pour se mettre à la hauteur de la jeune femme et il la prit dans ses bras. Elle se referma sur lui et ses frêles mains attrapèrent le haut blanc du blond comme si elle tentait de rester ancré dans la réalité, comme si elle voulait se convaincre que tout ceci n’était jamais arrivé. Et dans une tendresse que je ne pensais pas possible, il se mit à lui caresser les cheveux. Ces deux-là avaient l'air d'entretenir une relation particulière, mais très belle et sincère.

Après plusieurs longues minutes où seuls les pleurs et les reniflements venaient  percer le silence, il se détacha et se releva. Il prit la main de la jeune femme et y déposa un baiser doux avant de se redresser complètement et d’annoncer quelque chose d’un ton grave. Tsuyu hocha la tête avant de se relever à son tour et de sourire aux deux jeunes femmes. Un sourire fatigué, vide et d’une infinie tristesse. C’était comme s’il lui manquait la moitié d'elle-même.

Le cendré jeta un dernier regard sur elle avant de quitter la tente et moi, de mon côté, je ne pus qu’admirer sa démarche pleine d'assurance, même si je lisais dans ses pas une profonde remise en question et une grande peine. Il se battait pour afficher cette confiance en lui, il devait être haut placé dans le village.

Tsuyu s’approcha ensuite de moi avec un sourire triste, posa une main sur ma cuisse et prit la parole. Je pouvais entendre dans sa voix qu’elle se retenait de pleurer de nouveau, elle aussi était très forte.

“ Devoir t’expliquer.. Mon compagnon est mort, ce matin. Patrouille attaquée par manticore, bête très dangereuse. Clan faire une patrouille pour voir où est manticore et toi et moi faire récoltes de plantes ”

“ Oh hum…d’accord, je suis désolé pour toi.. ”

Je ne savais pas vraiment quoi lui dire. Dans mon village, lorsqu’il y a un mort, on se contente de répéter simplement qu’on est désolé sans que je n’ai jamais compris pourquoi. Mais dans l’instant je n’avais pas mieux à dire pour lui témoigner mon soutien.

J’avais donc la confirmation que l’homme qui avait péri ce matin était son compagnon et mon cœur se serra davantage lorsque les images de son décès me revinrent en mémoire. Un étrange frisson me parcourut, comme si cette histoire était bien plus complexe et que je ne savais pas tout.

Au-delà des montagnes {Bakudeku}Où les histoires vivent. Découvrez maintenant