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La réalisation avait pris du temps. Un peu de temps. Juste l'intervalle entre le moment où il s'était rendormi et cette fin d'après-midi où Manas était venu chez lui.

Sidjil était du genre à réfléchir méthodiquement, à ne rien laisser de côté et tirer les conclusions qui lui semblaient les plus évidentes. Il n'était pas complètement bête.

Cette fois peut-être un petit peu. Il avait parfois du mal à appréhender ses propres émotions, quand elles n'étaient pas aussi superficielles que le sourire de plénitude qu'il avait offert à des milliers de personnes sur la pitlane du GP Explorer.

Alors au départ il avait eu un peu de mal à répondre, quand Manas l'avait regardé droit dans les yeux avec un sourire en coin qui flottait entre la stupeur et l'excitation. Il pensait simplement qu'il aurait à déballer ce qu'il s'était passé sans donner trop de détails, parce qu'il avait le cœur qui débordait et que Manas lui-même s'en était rendu compte. Et Manas n'était pas dans sa tête, il voyait les choses beaucoup plus nettes que lui.

"Sid... T'es amoureux de Maxime."

Poser des mots aussi puissants, et pourtant si simplistes, en étendard de tout ce qu'il ressentait vis-à-vis de Maxime l'avait presque énervé. Pour plusieurs raisons.

La première étant automatique. C'était toute sa vie qu'il remettait en question, qu'il se mettait décortiquer dans l'espoir de trouver le moindre indice qui aurait pu lui faire anticiper ce qui lui arrivait actuellement. Les amitiés qu'il avait eues, de très près ou de loin, ses relations amoureuses, ses expériences sexuelles... au moment où Nicolas lui avait largué cette bombe, plus rien n'avait eu le sens que Sidjil avait donné à tout ça. Plusieurs longues et denses années de sa vie, qui l'avaient forgé, qui l'avaient conduit ici, qui étaient sensées être le socle de son affect, étaient devenus des événements incertains. Il n'avait jamais remis en question sa sexualité.

La deuxième était juste immature. Ces derniers jours Sidjil avait bien compris que Maxime n'était plus qu'un simple ami pour lui. L'afflux astronomique de pensées obsédantes et désespérées qui l'avaient torturées au moment où Maxime s'était éloigné avait réussi à remuer de sérieuses insécurités. C'était suffisant pour admettre que Maxime était spécial pour lui. Néanmoins il n'avait pas voulu mettre des mots sur tout ce qu'il lui faisait ressentir. Il gardait seulement qu'il aimait particulièrement quand Maxime glissait son bras sous le sien et sa langue dans sa bouche.

Bien sûr que Sidjil l'aimait. Il était peut-être un peu amoureux de lui, également.

De toute manière il n'avait rien à rétorquer à Manas qui devait savoir mieux que lui. Est-ce qu'il parlait tant que ça de lui ?

La nuit suivante, Sidjil avait eu du mal à s'endormir. Il était seul dans son lit alors que la veille, il était à demi-allongé sur son canapé avec Maxime dans son sommeil le plus profond et serein.

Il n'avait pas cherché à avoir de ses nouvelles depuis qu'il était parti. Aucun message, comme il aimait bien lui en envoyer. Cette fois, c'était peut-être lui qui avait besoin de réfléchir. À tout. Ses exs, ses crushs, ses centres d'intérêt jusqu'à maintenant, sa vision du monde, son entourage, à Maxime.

Et la semaine passa sans que Sidjil ne voie les jours s'écouler. Il ne vivait pas vraiment comme un fantôme mais chaque sortie était devenue insignifiante face au poids vertigineux de ses réflexions. Il était souvent fatigué alors il s'abandonnait souvent à quelques micro-siestes quand il restait près de Manas et de ses heures studieuses de montage vidéo. Sidjil se trouvait assez fort de se limiter à vingt minutes de repos quand il se retrouvait au cœur d'une introspection à laquelle il n'avait jamais pensé avoir recours dans sa vie.

point d'interrogation [maxime&djilsi]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant