Chapitre 5 : Mon histoire (avec les TCA)...

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J'ai brûlé mon visage.
C'est ce que je dis quand on m'interroge sur l'état de mon visage. En souvenir de cette sensation de brûlure. C'est que les gens viennent vous recommander de ces crèmes miraculeuses : sans comprendre...
D'habitude, quand je dis que je me suis scarifiée, on me demande : comment est-ce que tu as fait ?
Mais mon psy, lui, n'a pas demandé comment :
ça fait du bien quand quelqu'un pose enfin les bonnes questions...

Cette histoire de visage brûlé date d'un peu avant que la France ne se confine.
Elle date d'avant Valentin.
Je ne pense pas qu'il y a eu, dans l'histoire de ma vie, un avant Valentin ou un après Valentin.
Un après : ça commence quand deux personnes qui s'aiment se séparent...
Pas d'après, donc.
Ce n'est non plus pas le « pendant Valentin » que je vous raconte-là. Ce n'est pas que je raconte pendant que je voyais Valentin.
Valentin, ce n'est pas mon calendrier.
C'est ma sœur qui est mon pendant :
c'est pendant qu'elle rit,
c'est pendant qu'elle danse,
c'est pendant qu'elle pleure,
c'est ma sœur, ma plus belle histoire...

Valentin, ce n'est qu'une histoire parmi tant d'autres. C'est une histoire qui a un début et une fin. C'est une histoire qui a un calendrier.
Voici le calendrier :
Le 24 décembre 2020, je fais sa rencontre sur Wattpad.
Le 14 février 2021, je le vois pour la première fois à Paris.
Le 21 mars 2021, il me quitte.
C'est une histoire qui fait date : Réveillon de Noël, Saint-Valentin, premier jour du printemps.
C'est une histoire qui se termine sans avoir commencée.

Si je commence ce roman en racontant mon histoire avec Valentin, il ne faut pas croire que c'est parce que celui-ci a joué un rôle significatif dans l'histoire de ma vie.
Valentin, ce n'est pas quelqu'un de spécial pour moi. Il n'est pas différent des autres, pour moi.
Il n'est pas différent de : Beverly, Clara-Vénus, Julianna, Andréa, Nora, Kilian, Yseult, Capucine, etc. (J'ai changé les prénoms : histoire de respecter leurs droits.)
Valentin n'est pas tellement différent des autres relations que j'aie eues de ma vie.
Cette histoire, j'aurais pu la raconter autrement,
j'aurais pu dire :
La première fois que je vois Nora, je me suis dit très franchement que je n'avais pas envie d'être amie avec elle.

Et je vous aurais raconté :
quand on révisait notre latin, s'asseyant un peu partout dans le centre universitaire Malesherbes, récitant, chacune à notre tour, nos tableaux de déclinaison,
quand on marchait côte à côte, tenant un parapluie, en sortant de la Sorbonne, traversant le passage piéton pour aller prendre le RER B près du Jardin du Luxembourg,
et que, un de ces jours, en rentrant, j'avais écrit en y songeant :
L'amitié, c'est deux personnes qui tiennent sous un même parapluie.

Je vous aurais raconté la fois où elle m'avait confié quelque chose, qu'elle disait n'avoir jamais dit à personne, un secret qui m'avait profondément touché.
Je vous aurais raconté, la fois où nous étions allées mangées une pizza (que je n'ai pas terminé) et que celle-ci avait dit, à la fin de cette belle journée, que son père était fier qu'elle soit amie avec des noires, et que cela m'avait profondément blessée,
qu'elle prenne notre amitié pour une sorte de commerce de charité...
Je vous aurais raconté la fois, où, après avoir constaté les croûtes que j'avais aux pommettes, elle m'avait fait des remarques désobligeantes sur mon visage, lesquelles m'avaient tellement tourmentées que j'en avais longuement pleuré en rentrant : c'est ce jour-là que j'ai compris que Nora ne saurait jamais voir au-delà de ma peau...
Puis j'aurais ajouté toutes les choses blessantes qu'elle a faites, qu'elle m'a dites, ou qu'elle a seulement suggérées, quand nous étions devenues inséparables en licence.

Je vous aurais un peu parlé de Kilian également, celui qui avait partiellement intégré notre duo en deuxième année, celui qui m'a parlé de Wattpad et celui qui abusait en me réclamant des cours et des câlins...
Je vous aurais dit la fois, où, avec Kilian, nous avions étouffé un fou rire, en cours culture latine, à cause du rire de notre professeur qui était (disons) ultra communicatif. (À savoir que n'ai jamais eu ou étouffé de fou rire avec Nora).
Je vous aurais dit la fois où Kilian et Nora riaient d'un rire complice, alors que je parlais de mon inclination particulière pour la poésie de Joachim Du Bellay,
et je vous aurais dit comment je m'étais alors sentie très seule,
songeant, néanmoins, qu'ils s'étaient bien trouvés tous les deux...
Puis je vous raconté ces fois, où, lorsque nous étions en cours magistral, Kilian a dit, suffisamment fort pour que tout le monde entende, que j'étais anorexique
et je vous aurais dit comment Nora m'a embrouillé, devant tout le monde, même pas une semaine après que l'on s'est rencontrée, parce qu'elle disait que j'avais eu tort de vouvoyer une étudiante (d'un certain âge) qui m'avait demandé un renseignement,
et je vous aurais dit à quel point je m'étais sentie humiliée ces jours-là...

Pourquoi je déteste WattpadOù les histoires vivent. Découvrez maintenant