Chapitre 3 : Embrasser Valentin pour la Saint-Valentin

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La première fois que je vois le visage de Valentin, il m'a franchement déplu. Il n'est pas laid, cependant. On lui trouverait facilement du charme,
grand, mince, brun, yeux bleus :
il n'y avait pas à redire.
Seulement, moi, en le regardant, je trouve qu'il n'était pas mon genre. C'est dire qu'il n'est pas mon type d'homme. Ce n'est pas que les hommes grands, minces, bruns, aux-yeux-clairs me déplaisent, c'est seulement que Valentin... Je crois que je m'étais tellement inquiétée de lui plaire que j'oubliais de penser à l'éventualité que celui-ci ne me plaise pas.
En réalité je m'étais dit, au premier regard, que Valentin ressemble à Théo.
Théo : yeux verts : mon meilleur ami au collège pour qui j'avais des sentiments – alors qu'il en aimait une autre – et que, contrairement à Valentin, je trouve franchement laid.
Ce n'est pas la première fois que je les compare tous les deux : car, quand Valentin m'a dit qu'il sortait d'une longue relation,
j'ai eu comme une impression de déjà-vécu...

Bref : voici donc le visage de Valentin.
Un visage auquel je m'accommoderais de toute façon.
Je regarde souvent son visage. Vivre, parler philo et bouger dans l'espace.
(Valentin se brosse les dents.)
Je le regarde : il donne son meilleur profil.
C'est là que je comprends que Valentin veut aussi me plaire.
Il me parle de ses lentilles qui ont rendu son œil rouge ce matin comme de ses cheveux qu'il a coupés il y a quelques temps : et moi je le rassure disant qu'il n'y a aucun mal à cela.
Ce n'est pas ses yeux ou ses cheveux qui me dérangent...
Je me demande si mon visage lui déplaît également : mais je me dis, pour me rassurer, qu'il était du genre à partir en courant...

Le premier compliment que Valentin m'a fait, a été à propos de ma « silhouette »,
mais sa première remarque, sur mon physique, a été de dire qu'il me préfère sans lunette :
il faut dire que je déteste quand les gens disent que je suis mieux sans lunette.
(Mon ancienne meilleure amie me l'avait répété un nombre incalculable de fois, disant que les verres me cachent les yeux.)
D'habitude je n'en fais rien : mais je crois que ça me fait quelque chose
quand c'est Valentin qui me le dit.
On a un peu parlé de lentilles de contact ou de mon visage sans lunette,
avant de changer de sujet.

On parle de tout et de rien. Assis sur le lit, literie blanche, king-side.
On parle de Wattpad. Il dit qu'on y trouve pas mal de fan fiction sur Nekfeu...
Puis il dit qu'il a parfois vu des histoires où l'on insère une photo en lieu et à la place d'une description à savoir pour décrire une tenue vestimentaire : il dit que la littérature se perd ;
moi je pense que parfois Wattpad c'est intéressant,
quand les femmes disent « Salam » avant d'ouvrir leurs chroniques à l'écriture hétérolingue :
on pourrait dire que ce sont des mémorialistes du vingt-et-une siècle.
Mais je crois que je n'ai pas dit grand chose lorsqu'on parlait de Wattpad.
Je me souviens également qu'on a parlé des séries de Shonda Rhimes :
dans Scandal ma préférée c'est Mélie (Valentin n'aime pas le personnage),
et dans Murder je ne supporte pas Mikaela,
Valentin se fait alors l'avocat du diable en prenant sa défense,
(c'est la deuxième fois dans cette chambre qu'il défend une autre femme : réelle comme fictive).
Il a dit qu'elle avait vécu des choses difficiles avec ses parents qui ne l'aimaient pas.
J'ai trouvé assez inopportun qu'il parte du principe que nous avions tous les deux eu une belle vie, mais je ne lui en ai pas tenu rigueur.
J'ai fini par dire que j'aimais bien Analise Keating, et il a dit que tous les personnages de la série avait de toute manière été créés pour être détestés.
Je n'ai plus rien dit ensuite.
J'ai fait bonne figure,
et on a parlé d'autre chose.

— Tu penses à une musique ? me demande-t-il.
(Je ne comprends pas que Valentin me pose cette question car je me balance d'avant en arrière.)
Je suis partagée entre lui dire la vérité et ne pas le lui dire,
je dis la vérité : je pense aux LMFAO...
Si j'étais avec ma sœur, je serais en train de danser le Shuffle avec elle,
mais comme je suis avec Valentin, je ne fais rien.
Il finit par me dire que c'est parce que je me balance,
et je lui dis que je fais toujours ça :
me balancer
d'avant en arrière....

Et je fais ça aussi : je répète : maman. maman,
et parfois je le crie ; maman ! maman ! maman !
Et je fais ça aussi : marcher lentement en tournant en rond,
le regard vide, les mains derrière dans le dos ou le long du corps,
marchant, errant l'air absent, dans la maison,
encore et encore...
Ma mère fait ça aussi : et elle parle toute seule,
pourtant elle n'aime quand je parle seule.
Elle dit que ce sont les adultes qui ont des problèmes qui parlent – ou se disputent – tout seul et que moi je suis qu'une enfant (en réalité, j'étais une ados-qui-a-des-problèmes) : et à présent que j'ai vingt-et-un ans, vingt-quatre aujourd'hui,
je fais toujours ça,
parler toute seule,
tourner en rond, en parlant toute seule,
tourner en rond
et me balancer
d'avant et arrière...

Je ne sais plus si j'ai arrêté de me balancer quand Valentin a dit ça, mais je crois qu'il n'en a pas reparlé ensuite.
J'imagine qu'on a dû parler d'autres choses. Mais je ne me souviens pas de quoi.
Je me souviens seulement que je ne savais pas où mettre mon corps, quand on parlait.
Je me trouvais alors assise loin de lui, de l'autre côté du lit, l'imitant lorsqu'il s'est mis sous la couette...
— Tu peux te rapprocher, disait-il.
Je m'allonge près de lui, sous la couette. Valentin lit une de mes nouvelles que j'ai publiées sur Wattpad : La Nuit Étoilée. Je le regarde sourire, je l'écoute commenter.
Puis on parle de sa publication. De son chapitre qui parle de Gérard Depardieu : et je lui dis (après qu'il me l'ait fait remarqué) que j'ai oublié d'aimer ce chapitre...
Je vais sur Wattpad et je clique sur j'aime,
puis je lui laisse un commentaire.
Tu peux te rapprocher...
(Je suis maintenant assise de l'autre côté du lit.)
J'ai froid...
Je comprends où il veut en venir, mais je n'en fais rien.
Tu peux te rapprocher un peu plus près...
Je ne sais pas : c'est ce que je lui dis.
Et je n'ai fait que dire cela ensuite : je ne sais pas...
En effet : je ne sais pas
...
Bon allez ! dis-je sur le ton des grandes décisions.
Je décide de mettre un terme à toutes ces années où personne ne me touche,
(la dernière fois qu'un homme m'a approché, c'était Théo,
et depuis, tous les hommes qui m'ont touchées l'ont fait sans mon consentement).
Je ne crois pas que ce sont ces agressions qui m'ont font dire que je n'aime pas qu'on me touche :
je crois que c'est parce que je n'aime pas être dans mon corps.

Quand je m'allonge un peu plus près de Valentin, je comprends que c'est une mauvaise idée,
car dans ses bras j'ai l'impression d'étouffer,
je sursaute quand il tire sur mon haut : j'ai peur qu'il mette sa main dans ma jupe,
mais, passant par mon col,
il dépose ses doigts sur mon dos.
Je tremble,
j'ouvre la bouche pour respirer,
et je halète.
Valentin me fait des caresses dans le dos. Tout document.
D'un mouvement léger, il caresse mon dos.
Je sais que Valentin ne peut pas ignorer que je me trouve haletante
tout près de lui,
mais j'espère qu'il ne s'est pas aperçu de mes tremblements,
Tu trembles, me dit-il, en imitant le frémissement de mon corps avec sa main posée sur mon dos : comme ça,
ajoute-t-il, tout document.

Valentin me caresse le dos.
Je me souviens avoir attrapé son poignet d'une main tremblante,
et qu'il avait alors cessé un moment les caresses,
avant de recommencer, caressant mon dos,
de divers façons,
jusqu'à ce que j'arrête de trembler,
et que je respire normalement.
« Regarde-moi », me chuchote-t-il, en attirant mon visage vers lui.
J'évite son regard et je ferme les yeux.
Je ne regarde jamais les gens dans les yeux.
Jusqu'ici, alors que j'étais allongée, je ne voyais de Valentin que son torse, ses bras et ses mains.
Mais quand je rouvre lentement les yeux, je tombe nez à nez avec son regard.
J'ouvre grands les yeux : et on se regarde un moment
sans parler.
À cet instant, je trouve Valentin très beau.
Je le regarde dans les yeux : je vois son regard se remplir d'émotion...
Mais mon regard change brusquement :
Tu n'es pas en train de jouer avec moi ? lui demandais-je,
la voix vacillante.
Valentin secoue la tête.
Puis il ferme les yeux. Et je contemple un moment les traits de son visage,
avant de retourner dans ses bras.

Quand j'arrête de trembler, je vois la bouche de Valentin s'approcher de mes lèvres.
Je me redresse, le regard interloqué,
et il me dit que je peux l'embrasser quand je veux :
il ferme les yeux, le jeu est de l'éveiller d'un baiser.
Je souris : je le regarde (il a de très belles lèvres que j'ai envie d'embrasser),
puis j'applique mes lèvres sur les siennes...
Il ouvre les yeux, et me mord doucement la lèvre inférieure,
avant de m'embrasser à plusieurs reprises.
— C'est agréable ? me demande t-il.
— C'est désagréable mais c'est agréable.
— C'est désagréable ?
— Bah, dis-je, c'est deux langues qui rentrent dans la bouche de l'un l'autre.
— Tu réfléchis trop...
— C'est pas bien de réfléchir ?
— Si, mais pas dans ces moments-là, dit-il,
avant de m'embrasser à nouveau.

Et les choses sont allées très vite ensuite,
très très vite

Pourquoi je déteste WattpadOù les histoires vivent. Découvrez maintenant