Chapitre 10 : Retrouver mon Valentin

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Je me suis scarifiée.
Mais, cette fois-ci, je ne l'ai pas fait en me blessant ou en me brûlant, je l'ai fait comme je le fais d'habitude : en jeûnant. Je me suis privée de nourriture durant trois jours, avant d'aller à mon deuxième rendez-vous avec Valentin. (Bien évidemment : ne faites pas comme moi.)
Mes sœurs pensent que j'ai jeûné ainsi parce que Valentin aime les filles minces. Moi, j'ai pensé que c'était parce que j'étais anxieuse à l'idée de dormir avec lui. Car le jour où j'ai décidé de ne rien avaler, je me suis dit, face au miroir, touchant mon ventre et mes cuisses, que je ne pouvais pas passer ma première nuit avec un homme en étant aussi grosse.
Plus tard, j'ai pensé que j'ai seulement fait ça parce que j'étais toujours malade.
Puis, je me suis demandé si je n'avais pas fait cela exprès pour me retrancher mon désir...
Mais, ce qui est sûr, c'est que j'ai cessé de m'alimenter à cause de Valentin. Il va sans dire qu'il ne m'avait pas demandé de faire une chose pareille : seulement, je ne voyais pas comment faire autrement.
C'est la première fois que je maigris pour un homme. (Même si, en licence, je me faisais croire que je jeûnais pour le fils de la Vierge Marie, jusqu'à que je perde la foi en deuxième année.) D'habitude, quand je me prive de nourriture, je le fais toujours parce que je n'arrive pas à manger. Je le fais toujours parce que mettre un aliment dans ma bouche, le mâcher, l'avaler et le sentir glisser dans ma gorge, ça devient impossible...

Pourtant la veille où j'allais à Bordeaux, tout était rose.
Tout était rose : le ciel, la vie, la ville. J'étais très triste de quitter Maryse, mais je ne me sentais pas malheureuse d'aller à Bordeaux retrouver mon Valentin. Je promenais ma valise tout à côté de moi, ravie de penser que je le reverrais très prochainement.
J'avais dû avancer mon départ d'une journée, puisque le président de la République avait annoncé un reconfinement imminent ce samedi. Je faisais donc partie de ces Français qui avaient acheté un billet de train pour voyager ce vendredi soir.
Il y avait beaucoup de monde à la Gare Montparnasse, ce soir-là. C'est ce que je dis à Valentin qui m'accompagnait sur ce trajet par message. J'étais très avance, d'autant plus que c'était la première fois que je voyageais seule. Je me suis mise en tête de lire un peu en attendant, mais, n'ayant rien mangé, je ne tardais pas à remarquer que je n'arrivais ni à lire ni à réfléchir comme je fais d'habitude...

Il était minuit, quand je suis descendue en gare de Bordeaux-Saint-Jean.
Valentin faisait semblant d'être inquiet, et je faisais semblant de le rassurer. Il était prévu que nous nous rejoignons demain vers midi, devant l'hôtel des 4 sœurs. Cette nuit, je dormais dans un autre hôtel. Près de la gare.
J'envoie des messages à Maryse et à Valentin, somnolant sur l'oreiller. Ma soeur et moi avions surtout parlé du nouvel album de Justin Bieber qui venait tout juste de sortir, avant de se souhaiter bonne nuit. Quant à Valentin, il disait qu'il avait hâte de passer la nuit avec moi... En réalité, Valentin m'a dit qu'il avait hâte qu'on enflamme les draps demain soir. Et moi je lui dis que je n'étais pas sûre de... Il m'a alors dit qu'il s'était un peu emballé : et que nous passerions tout simplement une belle nuit tous les deux.
Je me suis endormie peu après, trouvant, au petit matin, les messages que Valentin m'avait envoyés la nuit. J'ai dû dormir quatre heure, cette nuit-là. Le lit était confortable, mais, pour une raison qui m'échappe, je n'arrivais pas à me rendormir. La première chose que j'ai faite au réveil, c'est regarder mon ventre dans le miroir. Je le trouvais presque inchangé, regrettant alors d'avoir bu de l'eau ou de ne pas avoir fait suffisamment de sport... Je me suis ensuite contorsionnée dans la douche pour m'épiler, levant une jambe après l'autre. Puis, habillée d'une serviette, j'hésitais entre deux culottes : l'une était en coton avec un peu de dentelle, l'autre était en satin et un peu plus sexy. Et j'ai enfilé la première, revêtant ensuite ma robe.

Il était six heures, quand je pris le tram en direction du centre-ville.
Je me suis mise en tête de visiter la ville, avant de rejoindre Valentin. J'ai tout d'abord marché vers  le Miroir d'eau, après avoir déposé ma valise à l'hôtel. Puis, je suis partie en direction de la rue Sainte-Cat' – comme disent les locaux – pour faire un peu de shopping. (J'ai acheté un cadeau pour ma soeur, et, me sentant défaillir, j'ai bu un smoothie aux fruits.) Et après avoir visité la Cathédrale Saint-André, je suis allée m'asseoir un moment à l'endroit où Montaigne résidait quelques siècles auparavant.
En visitant Bordeaux, je me disais combien les grandes villes de France se ressemblent. On trouve dans chacune d'elles un fleuve ou un cours d'eau, un Opéra où les gens viennent s'asseoir, et un boulevard, une avenue ou une place Gambetta.
Je me souviens aussi que, marchant Place de la comédie, j'avais entendu un sans abri dire à un passant qu'il avait l'impression que les gens jouaient tous la comédie... Je ne sais pas pourquoi, mais, sur le moment, j'avais trouvé cela poétique.

Pourquoi je déteste WattpadOù les histoires vivent. Découvrez maintenant