Chapitre 4 : Et après quoi ?

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— Non ! ai-je dit fermement, lorsqu'il défaisait le lacet de ma jupe.
— D'accord, dit-il. On va se promener avant le couvre-feu ?

Nous sommes allés nous promener. Vers la Gare de St-Lazare. Je lui parle de mes neveux adorés, lui montrant le magasin où j'ai acheté un cadeau pour ma nièce qui naîtra au printemps. Je ne suis pas triste en marchant avec Valentin : certes j'ai faim (parce que je n'ai rien mangé de la journée),
mais je me sens normale.
Puis une pensée me trouble :
je pense qu'on est peut-être allé trop vite
tout à l'heure, dans la chambre.

De retour à l'hôtel, Valentin commande une pizza et deux desserts,
et quand nous avons fini de manger (et que j'ai pensé aux kilos que je dois perdre),
celui-ci me demande de me rapprocher...
— Et après ? lui demandé-je, assise sur le lit.
— Et après quoi ? répond-il. J'ai besoin de temps...
Autrement dit, Valentin n'envisage rien pour nous deux. C'est dire que ces caresses, ces baisers – mon premier baiser –, et que ces mots ne signifient rien pour lui. Là encore : déjà-vécu.
Peut-être que les personnes qui n'ont pas été (suffisamment) aimées connaissent cette douloureuse sensation,
l'impression que le monde s'écroule sous vos pieds,
que vous faites une chute de vingt étages,
que c'est la fin du monde,
quand quelqu'un dit qu'il ne vous aime pas.
Je dis à voix haute comme si plus rien ne compte : Je suis trop bête
la phrase semble être achevée mais elle se poursuit dans mon cœur : d'avoir cru que quelqu'un pouvait m'aimer.

Valentin a posé une main sur mon genou que j'ai retirée.
Il revient vers moi et je me lève,
puis je viens vers lui et je l'embrasse (il s'était montré réceptif).
— Voilà, ça ne veut rien dire ! lui dis-je, en me retirant de sa vue.
Une brève description de la chambre s'impose : il faut imaginer deux pièces, séparées par un mur et reliées par un petit couloir,
moi je suis debout dans l'autre « pièce », dans le fond, derrière le bureau, l'esprit embrumé,
et voilà l'angoisse qui arrive : celle qui me dit de me faire du mal...
Moi tout ce que je veux, c'est partir ;
je regrette tellement d'avoir embrassé Valentin dans cette chambre,
d'être venu à ce rendez-vous, d'être restée la deuxième fois où il est parti, de ne pas être parti la première fois et de l'avoir laissé me mentir en me regardant dans les yeux...
Mr. arrive quand j'ai fini de me rhabiller. Je me suis rhabillée lentement, exprès pour qu'il puisse avoir le temps de me retenir. Mais Valentin ne me retient pas alors même que je m'apprête à partir. C'est moi qui finis par dire au revoir.
—Viens, on parle, dit-il à contrecœur, en me faisait signe de m'asseoir près de lui sur le canapé.

Valentin n'a fait que dire, lorsque l'on parlait, qu'il voulait que je l'embrasse à nouveau.
Il a essayé de dire ça aussi : Parfois le couple, ça arrive après s'être embrassé. Parfois, avant... (Il ne dit pas que parfois ça n'arrive jamais.) Si c'était pour le sexe, ce n'est pas toi que j'irais voir... (Sauf si tu as envie de te taper une vierge.) Toi, il te faut un gars stable et moi je ne suis pas stable... (Tu aurais pu me dire ça avant de m'embrasser.)
Puis il a ajouté : alors ça fait quoi de ne pas être sage...?
Puis il a répété : tu me fais un bisou ?
Et en voyant que je regrette de l'avoir embrassé, il a lâché : tu l'as fait parce que tu en avais envie.
Certes, mais si j'avais su que ce n'était qu'un jeu pour lui...
En réalité, je ne voulais pas me mettre en couple avec Valentin. Je voulais seulement qu'il ait envie de former un couple avec moi ou qu'il ne puisse pas imaginer vivre sa vie sans moi
ou quelque chose dans le genre :
je crois que je voulais seulement être aimée.

Je ne lui dis pas ce que j'ai sur le cœur.
Mais je demande : est-ce que tu couches avec d'autres femmes ?
Je ne demande pas l'exclusivité. Je veux seulement savoir à quoi m'attendre, la prochaine fois.
En fait, ce que je demande à Valentin, c'est s'il est comme mon père : c'est-à-dire s'il voit plusieurs femmes en même temps...
— Non, dit-il, en croyant que je parle de celle dont il est tombé amoureux.
Il dissipe alors un quiproquo disant qu'il n'a pas couché avec d'autre femme depuis :
c'est comme ça que j'ai appris qu'il l'avait fait avec son « ex », la première fois où il est parti. Et là encore : je n'ai rien dit.

Je ne sais pas si Valentin sait que je ne dis jamais rien.
Mais je sais qu'il sait que je suis très sensible. Il sait que je suis vulnérable (il a lu mes poèmes) : et moi je crois que c'est pour cette raison qu'il m'a choisie.

— Il est tard. Je dois rentrer, lui dis-je, en me levant du canapé.
On se fait un câlin pour se dire au revoir.
Valentin essaye de m'embrasser, mais j'éloigne ma tête. Puis il ferme les yeux, disant que ça avait bien marché tout à l'heure...
— Je suis la belle aux bois dormant, dit-il, debout, les yeux fermés.
Je souris : et je lui donne un baiser pour le réveiller.
Valentin a ouvert la bouche,
et ne voulant ressentir à nouveau cette désagréable sensation,
j'ai ouvert la bouche et j'ai mis ma langue la première : cette fois-ci, c'est moi qui l'embrasse...
C'était différent, cette fois : on le sent :
on se regarde et on se réembrasse,
et on s'embrasse,
on s'embrasse,
on s'embrasse,
je passe la main dans ses cheveux,
il passe ses mains sur mes fesses,
on se pousse,
on se bouscule,
et on s'embrasse,
et ça me dégoûte,
mais d'un autre côté : j'ai tellement envie
qu'on finisse sur la table...
Et on s'embrasse,
on s'embrasse,
(je rentre mon ventre,
il caresse mes fesses),
on s'embrasse,
s'embrasant,
encore et encore...
— Qu'est-ce que tu veux ? me demande finalement Valentin, alors que mon visage brûle de désir.

Pourquoi je déteste WattpadOù les histoires vivent. Découvrez maintenant