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Quatre jours plus tard.

Mon quotidien, depuis le départ d'Olivio, avait été des plus banals. J'avais enchainé quatre shootings photos en deux jours, et depuis je ne cessais de bosser sur les dites photos. Je ne me donnais jamais de limite de temps afin de pouvoir travailler dans le meilleur des environnements. Les femmes qui prenaient rendez-vous avec moi pour faire des photos le savaient pertinemment et ne me mettaient donc jamais la pression.

Il était environ dix-huit heures quand je me décidais à sortir le nez dehors. Il faisait plutôt bon, même si la chaleur n'était pas encore au rendez-vous. Ça m'était égal, j'avais besoin de prendre l'air et quoi de mieux pour cela que de faire une petite balade ?

Innocemment, mes pas me guidèrent jusque vers les Quais, et je souriais en pensant à Olivio. Encore une fois. Je pensais sans cesse à lui, à notre baiser échangé, à nos conversations. J'avais envie que cela recommence, j'avais envie qu'il soit là.

Ce n'était pas de l'amour, non. Du moins je ne le croyais pas. Je commençais simplement à m'attacher : à sa pudeur très bien cachée, à ses tournures de phrases quand il me racontait quelque chose, à lui.

Je m'asseyais sur les bords du canal. Inconsciemment, mon cerveau me balanca l'idée que je gardais en tête depuis quatre jours. Écouter ses chansons. Peut-être serait-ce un moyen de compenser son absence, ou au contraire de la renforcer. Mais si je voulais pouvoir paraître intéressante à ses yeux, quoi de mieux que de m'intéresser à son environnement professionnel.

Je sortais mes écouteurs filaires, mon téléphone, et lançais l'écoute de la réédition de "La Cour des Grands". Plusieurs chansons se suivèrent. Je reconnaissais le titre "Comme d'hab", qu'Olivio lui-même m'avait fait écouter. Certains sons étaient plus légers que d'autres ; cela ne m'empêchait pas d'adorer "Gangsta", "Du disque dur au disque d'or" ou encore "Nous aussi". Je m'étonnais même de constater que le flow d'Olivio était impeccable, qu'il me faisait bouger la tête.

La chanson "Le philosphe sans la barbe" se lança alors.

"Je combats la déprime, mais c'est un match trafiqué. Elle m'a eu comme ce moustique que t'écrases mais qui t'as déjà piqué. [...] Je me méfie des hommes, j'ai compris qu'ils partaient en vrille depuis qu'ils ont coincé la Statue de la Liberté sur une île. Fils du Vingt-et-Unième siècle, je crois bien que la bêtise m'a eue, j'suis ce poète seul dans le cercle, regrettant les disparus. [...] Toujours le même j'attends la belle, d'autres attendent la bonne."

Cette dernière ligne me fit sourire. Quand je réalisais le rictus sur mes lèvres, je l'effaçais aussitôt. Il ne fallait surtout pas que je prenne au pied de la lettre ce qu'il écrivait avant de me connaître.

"Aujourd'hui" fila ensuite dans mes oreilles.

"Aujourd'hui j'ai plus peur, au bonheur j'ai bien envie d'y croire. Mais c'est qu'un jour de plus, une date qui changera pas l'histoire. [...] C'est peut-être aujourd'hui que je l'aborde, même si je devais le faire hier ou bien ce soir j'écris le meilleur couplet de toute ma carrière."

Je souriais : ce duel infini entre l'amour et la musique pour Olivio.

"Aujourd'hui je baisse pas la tête, j'efface les cauchemars de la veille, puis je passerai au cimetière, même sa tombe se fait vieille. J'apprendrai la guitare, demain je serai peut-être une star, si l'amour est à chaque coin de rue, je veux être sur le bon trottoir."

La musique continua. Je pensais d'abord à Pierrette. Cette vieille femme dont il m'avait parlé, qui avait été si importante pour lui. Je pensais ensuite à la dernière phrase entendue. Moi aussi je voulais être sur ce fameux trottoir.

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⏰ Dernière mise à jour : Jan 18 ⏰

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Une belle chanson - Ambre X OliOù les histoires vivent. Découvrez maintenant