#2 CHAPITRE 1

684 54 13
                                    


Riley

Sept ans plus tôt

J'ai froid.

Mes vêtements sont trempés et mes cheveux dégoulinent sur ma nuque, glaçant ma peau. Je frissonne, m'accrochant à cette sensation plutôt qu'à celle de le voir, planté devant moi avec ce regard aussi paumé. Tout est flou autour de nous, ma vision est brouillée et mes jambes lourdes. Nous sommes chez lui, dans la maison de son père, où ma mère et moi habitons, mais nous ne devrions pas être ici. Je le sais. À tous moments, ils pourraient arriver. Ils pourraient nous surprendre dans cette entrée, entendre cette conversation et comprendre qu'il se passe quelque chose entre nous. Et en même temps, j'ai cette impression que ce n'est pas notre place. Qu'il y a un truc qui cloche. Ce n'est pas comme ça que ça devrait se passer. Que ça s'est réellement passé...

– Je peux tout t'expliquer ! déclare Harper.

Ma rage prend le dessus, annihilant mes craintes, et je le fixe en refermant mes poings jusqu'à marquer mes paumes avec le bout de mes ongles.

– Il n'y a rien à dire, tu t'es bien foutu de ma gueule !

– C'est truqué. Tu m'entends ? Truqué ! Tout est faux. Comment est-ce que tu peux me croire capable de faire une chose pareille ?

Je ne sais plus quoi penser. Il avance et je fais un pas en arrière. Il a l'air en colère, mais moi aussi. Encore plus que lui. Parce que c'est moi qu'il a décidé d'éloigner. C'est moi qu'il a foutu sur la touche sans se soucier de ce que ça me ferait, d'être rejeté. Surtout par lui. Puis, en un claquement de doigts, son visage se referme et son regard devient aussi ombrageux qu'un ciel couvert. L'atmosphère s'électrise.

– On ne peut pas rester ensemble, siffle-t-il.

Il n'a plus l'air peiné ou même soucieux de me retenir. Il est sur la défensive et me dévisage. Ma gorge se serre. Pourquoi est-ce que c'est lui qui m'en veut ? Je n'ai rien fait.
Une clé s'enfonce dans la serrure et je sursaute. Tout se met à tourner. J'ai le vertige.

– Arrête d'en parler, ils sont là. 

Il ne m'écoute pas, continuant de me lorgner avec dédain et, au moment où la porte s'ouvre, il dit :

– C'est du business, Riley. Et toi et moi, on n'est pas compatibles. Tu piges ? Tu n'es pas assez bien pour moi, ce sont eux qui me l'ont dit et je les crois. Pourquoi tout le monde t'abandonne, à ton avis ? Tu n'es rien, pour personne. Jamais suffisant.

J'ouvre les yeux. Ma poitrine est douloureuse, les battements de mon cœur assourdissants. Le car roule et je n'arrive pas à savoir ce qui a pu me réveiller. J'inspire un grand coup, comme si je remontais à la surface après avoir été privé d'air, la gorge sèche. Il fait noir, je peine à m'habituer à l'obscurité puis la réalité me revient : la couchette dans laquelle je me suis endormi, le ronronnement du bus et le silence qui m'entoure. Nous avons quitté Saint-Louis en fin de  soirée et devrions arriver à Detroit avant huit heures du matin.

J'ai le corps raide et transpirant. J'ai du mal à émerger, encore imprégné par mon rêve. La sensation qu'il me laisse est amère. Un mélange de trahison, d'énervement et une profonde tristesse. Ça fait deux ans et pourtant, c'est toujours là, tapi dans l'ombre. Je me frotte les paupières, passant mes mains sur mon visage pour en effacer la tension avant de glisser mon bras sous mon oreiller et de prendre mon téléphone. Cinq heures douze s'affichent sur l'écran.

Je soupire, sachant parfaitement que ma nuit est foutue.

Je donne un coup de pied agacé dans ma couverture pour m'en défaire et ouvre les rideaux. Il n'y a pas de lumière en dehors de ma couchette. J'arrive toutefois à percevoir que les deux lits superposés de l'autre côté de l'allée ainsi que celui en dessous du mien sont toujours fermés. Les gars dorment encore. 

BLACK BLOSSOM (édité aux Editions Addictives)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant