Riley
– San Antonio, vous êtes encore chauds ?
Mes bras se couvrent de chair de poule en entendant les hurlements de nos fans. Je ne me lasserai jamais de cette ferveur, de la sensation que ça fait d'être sur scène.
– Il nous reste une dernière chanson, il va falloir tout nous donner !
Nouvelle salve de cris.
Je fais un sourire à Niklas en me mettant juste devant sa batterie. Ses cheveux sont trempés de sueur et ont une couleur plus sombre avec l'éclairage. Ils lui tombent sur le front, touchent ses cils, sans qu'il fasse aucun mouvement pour les dégager.
Il tape dans ses baguettes pour donner le top départ, et les gars le suivent dans une synchronisation parfaite. Ma voix s'élève.– Bébé, laisse-moi te montrer comme tu es incroyable. Près de toi, je ne serai jamais raisonnable.
Je fais un signe vers les coulisses pour qu'ils augmentent le son dans mes oreilles, je ne perçois pas bien ma voix puis me tourne vers la salle comble. Tout est sombre, dense, impressionnant. Par-dessus les paroles, il y a comme un écho qui résonne autour de nous et c'est toujours déroutant. À vivre. À entendre.
– La pluie d'étoiles se reflète dans tes yeux. Veux-tu savoir quel est mon vœu ?
Sur ma droite, Harper est concentré sur ses cordes et je ne retiens pas mes pieds, qui me mènent jusqu'à lui. Il porte un polo à manches longues noir, relevées jusqu'à ses coudes, qui souligne la courbe de ses épaules. Il fait très chaud, ses joues ont rougi. Je me retourne et ne peux m'empêcher de remarquer qu'il se tend dès qu'il me sent approcher. Son regard clair se lève et croise le mien. Les lumières dansent dans ses yeux, leur donnent une teinte à couper le souffle. Mon pouls s'accélère.
– Tu es cette lumière dans la nuit. À tes pieds, je suis.
Il rate un accord. C'est minime, mais nous connaissons cette chanson par cœur. Il se détourne aussitôt, les sourcils froncés, et notre échange s'arrête là. Le reste de la chanson se déroule aussi vite que tout le concert. Sans faux pas. Comme chaque fois, je suis le premier à m'échapper et, dès que ma prestation se termine, je salue la foule et sors de scène.
Je me faufile dans les coulisses en retirant mes oreillettes. J'attrape la bouteille d'eau et j'enfile sur mon corps transpirant le sweat que l'on me tend. Ma gorge me chatouille. Elle a besoin de repos et j'ai beau m'hydrater, boire des boissons chaudes ou me couvrir, je la sens faible. Doria serait là, elle dirait que la cigarette est fautive. Un sermon justifié pour une coach vocale.
Les hurlements s'intensifient à l'instant où les instruments cessent de jouer. Je n'ai pas besoin de me tourner pour savoir que le reste des Blossom vient de clore le concert. J'avance d'un pas rapide dans les couloirs, hochant la tête vers les personnes que je croise, jusqu'à atteindre l'arrière du bâtiment, où un van est garé. Je m'y engouffre, m'installant sur l'un des sièges le plus au fond. Nous n'avons pas de place attitrée. S'il y a bien une chose que nous faisons dès que nous pouvons, c'est casser la routine. Tout est tellement programmé, sans espace pour l'imprévu, que c'en est fatigant. Alors, le moindre changement est une bouffée d'air. Même une petite modification d'emplacement dans une voiture.
– Putain ! jure Lance en arrivant après quelques minutes. C'était de la folie !
Il s'affale sur la banquette devant moi, posant son coude sur l'appuie-tête afin de me donner accès à son poing, que je cogne avec un sourire. La scène est toujours un plaisir, mais ce sont les à-côtés qui rendent le tout difficile moralement. Tout est millimétré, tous nos déplacements, tous nos échanges, tous les discours que je prononce. Ça faisait longtemps que nous n'avions pas passé un si bon moment. Niklas le suit de près, se mettant à sa droite, tandis que Harper n'a d'autre choix que de me rejoindre à l'arrière. Il a un infime mouvement de recul en le constatant ; je détourne la tête avant que nos regards ne se croisent. Nous ne sommes pas souvent côte à côte et j'ai un bref soubresaut dans la poitrine quand nos bras se frôlent alors qu'il s'attache. La portière se referme dans la foulée et Tony, notre garde du corps, se glisse du côté passager. Dans un réflexe, je jette un coup d'œil dans le pare-brise arrière pour observer les deux autres vans qui nous suivent avec le reste de notre équipe.
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BLACK BLOSSOM (édité aux Editions Addictives)
RomanceColocs, partenaires de musique... et bien plus encore. Harper Tate est en dernière année à l'institut Evergreen et n'a qu'un seul rêve : que son groupe de musique, les Black Blossom, perce enfin ! C'est avec cet espoir fou que les musiciens s'inscr...