Chapitre 5

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Carl

Je me rends le lendemain à mon studio, situé en plein cœur de Sydney. J'y ai donné rendez-vous à Jack pour lui faire écouter le son que j'ai composé la veille.

-Juste magnifique, murmure mon agent, après que la musique se soit estompée.

-Tu aimes ?

-Absolument, le rythme, la mélodie, le choix de l'instrument... Où as-tu trouvé l'inspiration ?

Je hausse les épaules.

-Une rencontre récente...

-Et bien, tu devrais voir cette personne plus souvent !

-J'en ai bien l'intention, assuré-je, à mi-voix.

Oui, je veux absolument la revoir. Seulement, elle ne m'a pas recontacté depuis notre rencontre le week-end dernier. Je vérifie mon smartphone chaque jour à la recherche de messages ou d'appels manqués mais rien. A-t-elle perdu ma carte de visite ? Peu importe, dans tous les cas, elle peut toujours me contacter sur Facebook ou via mon site internet. Peut-être ne souhaite-t-elle tout simplement pas me voir ? Cette idée me semble saugrenue. J'ai l'habitude du sexe facile. Dès que je donne mon numéro à une fille qui me plaît, elle me rappelle aussitôt. Visiblement, Mia est bien différente. A-t-elle un copain ? Même sans cela, je lui ai juste proposé de collaborer. Elle pourrait y voir un intérêt pour sa carrière de musicienne... Ou peut-être n'est-ce tout simplement pas son ambition.

Après être rentré de ma rencontre avec Jack, je m'affale sur mon lit et ouvre mon PC. Je vérifie mes emails, dans l'espoir qu'elle m'ait contacté. Je parcours les objets de ceux non lus et tombe sur un, intitulé « Nouvelles » et en lis l'aperçu « Salut fiston, au cas où tu n'aies pas vu mes derniers emails, je me permets de te relancer... ». Je sens une vague de colère m'envahir et le supprime aussitôt. Cela fait un mois maintenant que mon père tente de reprendre contact avec moi. On ne s'est plus parlé depuis presque cinq ans et, du jour au lendemain, il m'écrit pour organiser une rencontre, et ce pour la troisième fois ce mois-ci. J'ignore ou supprime systématiquement ses emails. J'ai fait une croix sur notre relation père-fils depuis bien longtemps maintenant. Je me lève et me regarde dans le miroir qui recouvre la moitié de mon dressing. La balafre orne toujours autant la pointe de mon menton et me rappelle chaque jour le poids de ma culpabilité et la rage que je ressens envers lui. Je renfrogne mon amertume et me détourne de mon reflet pour replonger sur l'écran de mon PC. Je saisis les mots « Mia pianiste Sydney » dans la barre de recherche et tombe sur un lien vers une page Facebook. Je vérifie sa photo de profil et reconnais sa petite silhouette en train de pianoter sur son clavier. Je défile les photos de son mur et aperçois une photo d'elle de face, souriant radieusement devant son piano. Je me prends à regarder une par une les vidéos qu'elle a postées d'elle, jouant sur un piano à queue, dans le hall d'un centre commercial, au milieu de passants. J'admire ses doigts fins parcourant les touches du clavier et enchainant les accords d'une facilité déconcertante, sans quitter ses yeux de sa partition placée devant elle. Je jette ensuite un œil sur les événements qu'elle a planifiés. L'un est programmé ce mercredi soir au QVB de Sydney. Je sens l'adrénaline monter. Et si je passais la voir ? Oui, je dois la voir, ne serait-ce que pour la remercier. C'est après tout elle qui m'a inspiré mon nouveau son, sans même le savoir. Puis je lui redemanderai son aide, contre gratification. Et peut-être allais-je lui proposer de boire un verre ensuite. Je ne sais pas trop... Ce dont j'étais sûr, c'est que j'avais hâte d'être à mercredi. 

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