Chapitre 15

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Mia

Je relis les messages que Carl m'a envoyés. Il m'a écrit pour me dire qu'il avait composé cinq nouveaux titres ces deux derniers jours et qu'il se rendait au studio pour les faire écouter à son agent et sa boîte de production. Il me propose ensuite de le retrouver chez lui le soir. Lorsque j'arrive devant sa villa, le portail est déjà grand ouvert.

-Carl ? appelé-je après avoir pénétré dans son salon.

-Vas-y, entre, désolé, je viens de rentrer du studio, il faut juste que j'aille à la douche, ok ? répond-il depuis sa chambre.

-Oui, pas de souci, je t'attends dans le salon.

Je dépose mon sac sur le canapé et mets les sushis que je nous avais achetés dans le frigo. J'entends alors sonner à la porte. Attendait-il quelqu'un ? Lorsque je l'ouvre, je vois un homme âgé d'une cinquantaine d'années, au visage émacié, l'air hagard et un sourire crispé sur son visage. Il m'est familier mais je ne saurai dire pourquoi. Je ne me souviens pas l'avoir rencontré auparavant. Grand et robuste, il porte un pantalon noir délavé et une veste en cuir.

-Bonsoir, est-ce que Carl est ici ? demande-t-il d'une voix qui se veut polie.

-Il est occupé pour le moment, vous pouvez peut-être passer plus tard ?

-C'est plutôt important à vrai dire.

-Je vais voir s'il a fini, c'est de la part de qui ?

-Son père.

Mon cœur manque un battement. Carl m'avait précisé qu'il avait coupé les ponts avec son géniteur, alors que fait-il ici ? Que lui veut-il ?

-Je vois à votre expression qu'il vous a parlé de moi.

-Sait-il que vous êtes ici ?

-Non, mais je n'en aurai pas pour longtemps, dit-il d'un ton impatient.

Mon regard est alors attiré par un objet métallique dépassant de sa ceinture et à moitié dissimulé sous sa veste en cuir. Je me mets à paniquer tandis que je reconnais la crosse d'un revolver. Je m'apprête à refermer la porte sur lui mais il cale son pied à l'embrasure et la rouvre à la volée. Il tient maintenant son arme à la main et avant que je n'aie le temps de courir prévenir Carl, il m'agrippe par le bras et la pointe contre ma tempe.

-Je ne ferais pas ça si j'étais toi, siffle-t-il entre ses dents.

Je veux me dégager et crier à la fois mais le contact froid et métallique du revolver me pétrifie sur place.

-Pas de bruit où c'est la balle dans la tête, me menace-t-il.

Il ferme la porte derrière lui et me force à avancer. L'eau de la douche coule encore depuis la salle de bain. Carl n'a certainement aucune idée de ce qui se passe sous son toit en ce moment-même.

-On va l'attendre gentiment dans le salon, d'accord ? dit son père, d'une voix doucereuse.

Il me fait m'asseoir sur le canapé et se dirige vers la baie vitrée pour tirer les rideaux. Mon cœur tambourine dans ma poitrine et ma gorge se serre, m'empêchant de respirer normalement. Je jette un œil à mon sac juste à côté de moi et, tout en prenant garde qu'il ne me voit pas, dirige ma main à l'intérieur pour y attraper mon portable avant de le ranger dans la poche arrière de mon short. Je sens la silhouette de l'intrus se positionner derrière moi et ses mains viennent se poser sur le dossier du canapé, de chaque côté de mes épaules, l'une toujours cramponnée à son arme.

-C'est quoi ton nom, ma jolie ?

Une gêne me parcourt le dos. Mon cerveau me somme de me lever pour lui faire face mais tout mon corps est comme figé.

-Mia, dis-je, en tentant de contrôler ma voix tremblante.

-Mia... tu connais probablement la chanson de Versnaeyen qui porte ton prénom ? Magnifique chanson...

Il commence alors à fredonner un air.

-I know a wild land where wild thoughts can grow... Don't be scared to be blind... Évidemment, je n'ai pas les talents musicaux de ton petit copain, je me demande bien de qui il les tient d'ailleurs.

-Qu'est-ce que vous lui voulez ? dis-je, tout en essayant de maîtriser ma panique.

-Oh, rien de bien méchant, juste ce qu'il me doit...

-Il ne vous doit rien du tout, riposté-je.

-C'est ce que tu crois, mais tu ne peux pas parler de choses que tu ne connais pas, pas vrai ? Que sais-tu de lui après tout ? Que t'a-t-il dit sur moi ?

-Que vous le maltraitiez.

-Maltraiter ? Quel ingrat ! Je lui ai tout donné, à lui et son idiote de mère, et c'est tout ce qu'il retient de moi ? C'est grâce à moi s'il en est ici aujourd'hui, qu'il a fait carrière, qu'il a pu s'acheter une baraque de luxe et qu'il a toutes les filles à ses pieds. Je suis d'ailleurs surpris par son dernier choix. Je m'attendais à ce qu'il se trouve une belle blonde à la taille de mannequin mais non, il a préféré une petite brune... Au caractère bien trempé, qui plus est. Sa mère était comme toi, petite, mais grande gueule. Ça a fini par éclater... Puis elle m'a dilapidé de mon argent. En as-tu aussi après sa fortune ?

-Notre relation n'a rien à voir avec ce que vous et votre ex-femme aviez, lui me respecte et ne lèverait jamais la main sur moi, répliqué-je, incapable de retenir ma colère.

-Tu mériterais pourtant une bonne torgnole...

Il agrippe alors mes cheveux et me force à courber le cou pour le regarder.

-Ne me touchez pas ! m'exclamé-je en lui saisissant le poignet pour le forcer à lâcher prise.

Il plaque alors sa main contre ma bouche et se penche à mon oreille.

-Chuuut, écoute, je crois que ton homme a fini de se pomponner...

Il maintient toujours mes cheveux fermement. Le silence règne maintenant en effet depuis le bout du couloir. Les larmes commencent à perler sur mes joues et je laisse échapper un sanglot.

-Oh non, ne pleure pas, susurre-t-il.

Il me lâche et se met à caresser mes cheveux. Je me dégage, répugnée, et essuie rageusement mes larmes d'un revers de main.

-Vous êtes un malade ! m'insurgé-je entre deux sanglots.

-Pas de grossièreté, voyons... Venant d'une si jolie bouche, quel gâchis ! Maintenant, silence, et faisons-lui la surprise !

Nos coeurs accordésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant