Nos coeurs accordés

Chapitre 14

Carl

Les révélations de Mia m'ont bouleversé. Jamais je n'aurai cru que nos similitudes résideraient dans un passé obscur et marqué par la violence. Son traumatisme m'a pris au dépourvu et m'a poussé à me confier à mon tour. Cette fille a ce don de me mettre en confiance et de m'ouvrir le cœur. J'étais à deux doigts de lui révéler mes plus lourds secrets mais je ne pouvais cependant pas m'y résoudre. À la minute où je lui exposerai ma vérité, elle me quittera. Mon portable vibre et me coupe dans mon tourment : Dan vient de m'envoyer un message.

[Tu viens ce soir à l'Authentic ? Sam est rentrée de ses vacances !]

Oui, je viens. Bob Sinclar, mon acolyte français avec qui j'avais travaillé deux ans plus tôt sur mon premier album doit y mixer pour sa tournée mondiale. Mia joue au Golden Age, je ne la verrai donc pas avant demain. Je réponds à Dan avant de le rejoindre quelques heures plus tard directement au club. Lorsque j'arrive au carré VIP, lui et Sam sont déjà là, entourés de plusieurs personnes que je ne connais que de vue. Je leur fais une accolade avant de repérer Bob, assis à une autre table un peu plus loin. Lorsqu'il me voit avancer vers lui, le quarantenaire, les cheveux longs encadrant son visage fin et recouvert d'une barbe, m'esquisse un sourire radieux puis se lève de son fauteuil pour m'étreindre.

-Salut mon frère, me dit-il, de son plus bel accent français.

-C'est bon de te revoir ! lui dis-je.

-Je suis content que tu aies pu venir ce soir ! Comment s'est passé ta dernière tournée ?

-Incroyable ! On a enchaîné New-York, Berlin, Zürich, Taipei... Je suis rentré à Sydney il y a quatre mois maintenant, épuisé mais ravi !

-J'imagine... Et maintenant, tu travailles sur ton nouvel album ?

-Oui, durement !

-Tu sens la pression monter ? s'enquiert mon ami.

-Un peu, admets-je.

-Prends ton temps, d'accord ? N'hésite pas à repousser la deadline auprès de ta boîte de prod. Tu as une marge de manœuvre, maintenant, profites-en. Mieux vaut revenir prêt et en forme, plutôt que forcer l'inspiration, crois-moi !

Je hoche la tête. Je me souviens de la conversation que j'avais eu avec mon acolyte français deux ans plus tôt. Il m'avait alors averti des côtés obscurs de la vie de DJ : la pression de rester en tête des ventes, la tentation des drogues, la disparition de la vie privée... à l'époque, je ne m'en étais pas vraiment préoccupé. Mais maintenant que je le vis, je ne peux que l'approuver. Quant à suivre ses conseils, c'est une autre histoire.

-Je reviens te voir tout à l'heure, avant mon set ! m'assure-t-il, en me tapotant l'épaule avant de se rasseoir à sa table.

Je rejoins alors Sam, qui entame son troisième verre et Dan, qui discute avec un groupe de filles.

-On y a passé des soirées endiablées ! On a même rencontré Pharrell Williams qui est venu assister à notre concert à Los Angeles, l'entends-je se vanter.

Je m'assois lourdement à côté de Sam.

-Tiens, je t'ai pris un mojito, me dit-elle en déposant le verre devant moi.

-Merci, lui dis-je en y trempant mes lèvres.

Je grimace lorsque je sens l'alcool brûler ma gorge. Son cocktail a davantage le goût de rhum pur que de menthe.

-Comment était l'Amérique du Sud ? l'interrogé-je.

-Génial !

Elle me raconte son périple en van en compagnie de sa copine. Elles ont parcouru toute l'Amérique du Sud pendant plusieurs mois et traverser la Colombie, l'Équateur ou encore le Brésil. Après notre tournée aux soirées agitées, aux hôtels et yachts de luxe, elle m'avait en effet confié qu'elle avait eu besoin de revenir à un style de vie un peu plus rudimentaire. Dan finit par nous rejoindre dans notre conversation.