Chapitre 17

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Mia

Ses mots résonnent en moi comme si je venais de recevoir un uppercut en pleine poitrine. Je suis effarée, incrédule. L'homme pour qui je vibre, un ancien condamné, je ne peux pas le croire.

-De la prison ? répété-je, la voix brisée.

Carl lève les yeux vers moi, les yeux trahis par la tristesse et l'appréhension.

-Et oui, trésor, ton petit copain est un ancien taulard ! renchérit son père, l'air satisfait, tu tombes des nues, n'est-ce pas ?

Mon amoureux lui jette un regard noir.

-Qui l'aurait cru, le DJ multimillionnaire et le plus connu du pays déambulait autrefois les rues de Sydney pour vendre de la drogue. Si ça se savait, il n'aurait pas autant de succès, pas vrai ?

-Carl, pourquoi tu ne m'as rien dit ? m'enquiers-je en ignorant les provocations de son géniteur.

-J'avais peur de ta réaction, répond Carl, peur que tu me vois différemment. Tu es tellement droite, et tu travailles du côté de la justice !

Je fronce les sourcils. À ce moment-là, je ne sais pas ce qui me blesse le plus : le fait qu'il m'ait caché ce qu'il avait été réellement ou qu'il manque de confiance en mon jugement.

-Mais Mia, ça ne change rien à ce que je suis devenu aujourd'hui, et ça ne change absolument pas mes sentiments pour toi !

Il s'apprête à saisir mes mains dans les siennes mais j'ai un geste de recul, malgré moi.

-Carl, tu as dit toi-même que notre relation devait se fonder sur l'honnêteté, n'as-tu donc pas confiance en moi ? Crois-tu vraiment que je suis aussi... rigide ? lui reproché-je.

-Non, je... j'avais juste trop peur de te perdre... Qu'aurais-tu fait si tu avais su plus tôt ?

-Je ne t'aurai pas rejeté, Carl ! m'indigné-je.

Je vois les traits de son visage se détendre un peu et son regard s'illuminer, plein d'espoir. Des questions me reviennent alors soudain, des questions que je ne m'étais pas autorisée à lui demander depuis notre rencontre.

-Est-ce pour ça que tu t'es débarrassé de ton tatouage au bras ?

Son regard se dirige sur son avant-bras où la marque laissée par le laser persiste encore.

-Gold Jerry Clan, murmure-t-il, c'est le nom du réseau de trafiquants auquel j'appartenais. Jerry était mon mentor. J'ai fait enlever ces initiales à ma sortie de prison.

-Est-ce donc bien derrière toi tout ça ? lui demandé-je.

-Oui, je ne suis plus un dealer, Mia, je te le promets !

-Mais tu consommes, n'est-ce pas ?

-Non, je ne consomme plus, m'assure-t-il, en me regardant droit dans les yeux.

-Carl, j'ai découvert un sachet de cocaïne dans ton studio la semaine dernière ! répliqué-je aussitôt, sur un ton réprobateur.

Carl se pince les lèvres avant de répondre.

-Je n'y ai pas touché, je l'ai jeté hier, Mia, je te jure, je suis sobre depuis que je suis revenu de ma tournée ! Crois-moi !

Un ange passe. Mon regard se perd dans le vide. Je ne sais que penser. Je me sens trahie, comme si l'homme qui se trouvait en face de moi et avec qui j'avais partagé mon intimité était un parfait inconnu. Mais au fond de moi, je le comprends et qu'il me dévoile sa peur de me perdre si j'avais su la vérité surpasse ma rancœur et mes doutes.

-Je te crois Carl, finis-je par dire, si toutefois, c'est ton vrai nom.

-Je... Mon vrai nom est Noam... Noam Johnson.

J'entends le père de Carl claquer de la langue.

-Et voilà, les présentations sont faites, il est temps de passer aux choses sérieuses maintenant.

-Quelles choses sérieuses ? argue Carl en se tournant vers lui.

-Des choses comme ce que tu me dois.

-Je ne te dois rien du tout !

-Tu as brisé ma carrière, fils ingrat ! À la minute où on a su que mon propre fils avait été chopé en train de dealer, on m'a renié de mes fonctions et poussé à démissionner ! Tu as gâché ma vie ! s'insurge son père.

-Ce n'était pas mon intention... j'étais jeune, j'étais perdu !

-Tu n'as aucune excuse, tu n'es qu'un escroc ! Tu te caches derrière un pseudonyme mais si les gens savaient, tu ne serais pas là où tu en es aujourd'hui. Sauf que tôt ou tard, la vérité te rattrapera et tu ne pourras plus te cacher, mon fils. Et aujourd'hui, il est temps de payer pour ce que tu m'as fait et pour tous ceux à qui tu as menti !

Je sens mon ventre se tordre de plus belle. Ce sociopathe n'avait donc aucune intention de le laisser en paix et le pourfendrait jusqu'à ce qu'il obtienne gain de cause.

-Je te donnerai ce que tu veux mais à une condition : que tu la laisses partir !

-J'aimerais bien mais je ne peux pas. À la minute où elle va sortir, elle va appeler mes anciens compatriotes avec le portable qu'elle a malicieusement caché dans sa poche.

Je déglutis. Décidément, rien n'a échappé à ce rustre.

-Elle n'appellera pas la police, je t'en donne ma parole.

-Comment puis-je en être sûr ?

-Mia, donne-moi ton portable !

Après une seconde d'hésitation, je retire mon portable de ma poche avant de le poser dans la main que Carl tend vers moi.

-C'est bon comme ça ? dit-il en le donnant à son père.

-Ça passera... Aurevoir ma belle, on se reverra peut-être à votre mariage ! S'il aura lieu... ajoute le vieil homme, en agitant sa main dans ma direction, l'air goguenard.

Carl me prend par la main et m'entraine vers la porte d'entrée, mais je ne peux me résoudre à partir.

-Non, je reste, je ne peux pas te laisser seul avec lui ! gémis-je.

Je sens les larmes me monter à la gorge et je me cramponne désespérément à son tee-shirt.

-Tellement touchant... commente la voix de son père depuis le salon.

-La ferme ! lui lance Carl en lui jetant un regard noir par-dessus son épaule, ça va aller, je sais comment le gérer, rien ne m'arrivera, je ferai ce qu'il veut et il partira. Prends ta voiture, rentre chez toi et je t'y rejoins après.

-Non, je veux rester ! pleuré-je.

-Je ne peux pas prendre ce risque... Mia, regarde-moi, dit-il d'un ton qui se veut calme, ça va aller, je te promets.

Je secoue frénétiquement la tête en signe de non et plaque mon front contre son torse. Il me relève le menton pour me forcer à le regarder.

-Mia, je t'aime, je ne laisserai rien nous arriver, je te le jure.

Ses mots me laissent échapper un sanglot. J'aimerais lui dire que je l'aime en retour, qu'il compte bien plus que ma vie, qu'il fait de moi la femme la plus comblée qui puisse exister mais mon âme abonde de larmes. Il m'embrasse de toutes ses forces et m'encourage à sortir en me poussant doucement de sa main sur le perron de sa maison. Puis il referme la porte sur moi, en me souriant tristement, me laissant seule, déboussolée, impuissante. 

Nos coeurs accordésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant