Chapitre 5 : Lettre numéro 1

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Papa, Maman, 

Je peux vraiment vous appeler ainsi ? Géniteur, Génitrice, ça fait un peut étrange, non ? Je n'ai jamais eu de papa ou de maman alors, laissez moi, sur ce papier, utiliser ces appellations. Kristen est un peu comme ma mère. Mais elle n'entendait le mot "maman" que de la bouche de ses deux enfants : Logan et Willow. Il faut dire que ce n'est ni un exemple, ni la meilleure des mères. Mais elle était la seule à me regarder avec un tant soit peu de tendresse, sans pitié. Le vieux Noyer aussi, nous regardait comme les enfants que nous étions, avec moins d'amour qu'elle, mais tout de même avec amour. C'est notre grand père, à Logan et moi. Un vieil arbre ridé qui a pris racine devant le supermarché accompagné de sa sagesse et de ses noix. Logan... C'est mon frère. Grand frère d'âge, petit frère de cœur. Il a toujours été prudent, doux et calme. Il aime lire, être seul et c'est un froussard. Il se faisait harceler à l'école, parce qu'il était différent  alors, moi, je l'ai défendu. C'est parce qu'il est différent, que je l'aime. On s'est tout de suite entendu car on s'est compris : nous n'avons pas de papa, tous les deux. Il est peut être faible physiquement, c'est le mec le plus fort mentalement. Il a un mental d'acier. Logan est mon meilleur ami, on a tout fait ensemble, nos conneries et nos première fois. Je fais beaucoup de conneries, vous savez ? Je ne sais pas pourquoi, je fais tout ça. Je fais tout pour ne pas l'emmener avec moi sauf que sans lui, c'est jamais pareil. Je me voile la face et trouve un moyen pour qu'il m'accompagne, à chaque fois. Vous savez pourquoi il me suit ? Parce qu'on s'est fait une promesse. S'il saute, je plonge ; si je saute, il plonge. Parce qu'on est une équipe.

Je n'ai jamais été adopté. Il y a eu quelques essais mais, j'ai toujours été trop bordélique, casse cou et bruyant. Je fuguais, aussi. Maintenant, du haut de mes 13 ans, je ne suis plus la priorité des couples. Ils préfèrent tous les bébés qui n'ont pas encore d'histoire, qui n'ont jamais aimé ou été déçus. Les parents adoptent les cœurs à prendre, pas les cœurs brisés. Je suis trop vieux, pour qu'on me choisisse. 

Elle est comme ça, ma vie, papa et maman. J'ai un frère et une soeur pour qui je pourrais mourir. Une femme qui m'aime comme une maman et un grand père. J'ai une famille composée de personnes qui ne partagent pas le même sang que moi. Je les aime très fort. Dans ce cas, pourquoi je pense à vous ? Pourquoi je me demande si, maman aurait été douce ou alcoolique comme Karen ? Pourquoi je me demande souvent si je tiens mes yeux bleus de papa ou de maman ? Est-ce que j'ai des frères et sœurs ? Pourquoi vous m'avez laissé, devant cet orphelinat ? Sans prénom. Sans nom. Sans rien. Vous m'avez laissé aux portes d'un bâtiment, un jour de décembre, enroulé dans un vieux t-shirt. Je ne peux pas dire que je rayonne de bonheur, mais je ne suis pas non plus au bord du désespoir. Je ne suis pas seul. 

Pourquoi est-ce que l'envie de vous rencontrer grandit de plus en plus en moi ? Vous, qui êtes partis sans vous retourner. Vous et moi, qui n'avons que du sang, comme histoire commune. Vous souvenez vous que vous avez un fils ? Peut-être, qu'entre vous, mon nom n'est que "Progéniture", "problème" ou "accident" ? Il m'arrive d'imaginer des scénarios, des "et si", des "peut-être" qui me font mal au cœur. J'aime me dire qu'au moins l'un de vous deux voulait de moi. Peut-être que maman m'a abandonné sans que papa ne le sache. Et vous n'aviez pas eu le choix ? Et si vous ne m'aviez pas laissé ? Peut-être que papa a forcé maman à m'oublier ? Ou peut-être que Papy et Mamie vous l'ont ordonné, vous qui n'étiez encore que des lycéens, pas prêts à élever un enfant !

Peut être que vous êtes morts. J'aimerais bien. Ça voudrais dire que mon oubli n'était pas un choix.

Je ne veux pas que vous soyez mort. Je veux  vous rencontrer, vous connaitre, vous demander pourquoi.

Est-ce que je suis égoïste ou ingrat ? Je ne peux pas en parler à mon frère. Il serait blessé, trahi. Il est ma seule famille, mon tout. Le seul qui ait accepté mon cœur déjà brisé. Pourtant, c'est comme ça. Je ne peux pas changer ce que je ressens.

Papa, maman, restez en vie s'il vous plait. J'ai besoin de vous voir. J'ai besoin de savoir si vous avez les cheveux aussi foncés que moi, si vos yeux bleus sont aussi teinté d'acier que les miens.

Caleb Clarkson, 13 ans.

Si tu sautes, je plongeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant