Chapitre 8

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Un mois plus tard, lord Hartworth et ses deux compagnons descendaient du navire qui les avait amené à Karachi via le canal de Suez et le golfe d'Aden.

- Nous prendrons le train vers le nord dès que possible, annonça le jeune gentleman.

- Il va falloir nous montrer patients, rétorqua Simon. Ici les lignes ne sont pas aussi régulières qu'en Grande Bretagne.

- Soit, concéda lord William en chargeant son sac sur son dos. Allons nous enquérir des horaires et profitons en pour acheter de nouveaux vêtements et des armes pour le voyage.

- Excellente idée. Je meurs littéralement de chaud sous cette robe, déclara Saska. Mais, une dernière chose... Où logerons-nous cette nuit ?

- Je crois que notre brave Simon a gardé de bons contacts dans cette ville. Nulle doute qu'il nous déniche un bel hôtel.


En quelques heures ils avaient eu le temps de prendre leurs billets de train pour le lendemain et de faire les achats nécessaires. Saska était ravie car bientôt elle pourrait de nouveau s'habiller selon les coutumes de son pays. Et c'était donc, non sans une certaine jubilation qu'elle suivait depuis lors Simon, dans un labyrinthe de ruelles.

- Un hôtel, ça ? demanda-t-elle d'un ton sarcastique.

Ils venaient de déboucher sur une petite place assez calme, dans les hauteurs de la ville.

- Je ne peux que partager vos doutes, ajouta le jeune lord. Dites-moi mon brave Simon. N'est ce pas là une vulgaire maison close ?

- Quel vilain mot, rétorqua le valet. Il s'agit là de l'hôtel particulier d'une vieille amie à moi, Constance Templeton... Disons simplement qu'elle y exerce certaines activités peu recommandables aux yeux des bonnes mœurs...

- Voilà qui n'est guère engageant... soupira la Bondagistanaise.

- Oh, n'ayez crainte, coupa-t-il en poussant la porte de la grande bâtisse.

Ils pénétrèrent alors dans un hall immense, décoré avec soin et élégance. Visiblement cet « hôtel » n'était destiné qu'à une clientèle assez huppée.

- Que puis-je faire pour vous ? demanda, dans un Anglais impeccable, une Indienne aux traits fins et gracieux.

- Bonjour. Je voudrais voir mademoiselle Constance Templeton, répondit le valet.

- Madame ! cria la jeune fille.

Quelques instants plus tard une grande blonde, vêtue d'une longue et magnifique robe rouge dévala les marches d'un large escalier, tout en contemplant les trois arrivants.

- Simon... balbutia-t-elle. Simon Parker.

- C'est bien moi.

- Quel plaisir de te revoir après tout ce temps ! Mais viens, approche.

Il s'avança vers elle et posa ses lèvres sur les siennes.

- Une vieille amie ? chuchota Saska.

- Simon a beaucoup de secrets, répondit lord William. Il a un passé quelque peu... mouvementé.

- Je vois ça...

Les deux tourtereaux finirent par relâcher leur étreinte.

- Ce sont tes amis ? demanda Constance.

- Oui, je te présente Saska, commença-t-il en désignant la Bondagistanaise. Et voici lord William Hartworth, au service duquel je suis employé.

- Enchantée.

- Tout le plaisir est pour nous, répondit le jeune gentleman.

- Que venez-vous faire à Karachi ?

- Nous aimerions passer la nuit ici. Nous partons demain pour le nord du pays, expliqua brièvement Simon.

- Bien, je n'y vois aucun inconvénient, répliqua la tenancière avant de s'adresser à la fille de l'accueil. Mindy ! Fais préparer notre plus belle suite pour ces jeunes gens.

- Oui madame.

- Voilà... En attendant suivez-moi dans le petit salon.

La jolie blonde les conduisit dans une autre pièce, dont le terme« petit » n'était guère approprié.

- J'imagine que vous prendrez du thé... dit-elle en leur montrant de magnifiques petites tasses en porcelaine.

- Volontiers.

- Et je suppose aussi que vous désirez un peu de compagnie pour la nuit, déclara-t-elle en désignant une dizaine de filles qui se tenaient nonchalamment à l'autre bout du salon.

Le jeune lord manqua de s'étouffer.

- Non, pas du tout... bégaya-t-il.

- Je vois... murmura Constance. Pardonnez-moi, j'aurais du le deviner... Mais rassurez-vous, j'ai également quelques charmants jeunes hommes à mon service.

Simon et Saska éclatèrent de rire devant la mine déconfite de William.

- Mais... Grands dieux non !

- Laisse-moi t'expliquer, intervint le valet. Lord Hartworth est ici pour retrouver sa bien aimée, enlevée par des Bondagistanais.

- D'accord, cela explique votre voyage vers le nord, répondit la grande blonde. Je m'excuse pour ma maladresse et je vous souhaite bonne chance dans votre entreprise.

- Je vous en remercie, répliqua le jeune homme.

- Mais de rien mon cher.

Elle se tourna ensuite vers Saska.

- Sachez que mon offre tient pour vous aussi mademoiselle. Ma maison sait également prendre soin de sa clientèle féminine.

La jolie brune ne put s'empêcher de rougir avant de se reprendre et de déclarer avec tout l'aplomb dont elle savait faire preuve :

- Eh bien pourquoi pas madame Constance... Pourquoi pas...


C'est ainsi qu'après un copieux repas, lord William se retrouva seul dans sa chambre à méditer sur la suite de leur périple. Ses deux compagnons s'étaient esquivés un peu plus tôt pour passer la nuit dans les bras de deux beaux éphèbes pour l'une, et dans ceux de madame Constance pour l'autre, tandis que lui n'avait de cesse de penser à la pauvre lady Mary.

Où était-elle à cette heure ? Était-elle seulement encore envie ?

Il ruminait de ne rien pouvoir faire de plus pour l'instant. Mais il n'avait pas le choix. Tout juste espérait-il arriver jusqu'au Bondagistan, et après...

Grands dieux.

Il n'avait aucune idée de comment il allait faire pour la retrouver et la tirer des griffes de ses ravisseurs.


Le lendemain matin, ils firent leurs adieux à madame Constance. Celle-ci embrassa une dernière fois Simon sur le perron dans un mélange de tendresse et de tristesse, avant de rentrer dans sa demeure, sans se retourner. Ils ne se reverraient sans doute jamais. Elle le savait, il le savait, telle était leur vie à tous les deux. Sur le chemin le valet n'esquissa pas un mot, se contentant de suivre le jeune lord et la Bondagistanaise jusqu'au train. Et de là, ils partirent vers le nord, vers la frontière, vers lady Mary.

Les Aventuriers du BondagistanOù les histoires vivent. Découvrez maintenant