Chapitre 17

348 3 0
                                    

- Il faut que tu ressentes l'essence de la corde... déclara Magon avec un accent bondagistanais très prononcé. Que tu en perçoives chaque morsure, aussi subtile soit-elle...

Lady Mary n'osait répondre. Depuis de longues minutes son bondageur s'affairait autour d'elle. Lien après lien, nœud après nœud, il entravait progressivement son corps à mesure que l'odeur du chanvre imprégnait la pièce. La jeune femme ne bougeait pas, elle savait que toute résistance était inutile. Son ligotage était inéluctable. Elle l'avait lu dans les yeux du Bondagistanais. Ces yeux d'un noir si intense qu'ils lui arrachaient un léger frémissement à chaque fois qu'ils plongeaient dans les siens.

Il l'avait cueillie à la sortie du bain, un peu plus tôt, un peu plus loin. Il ne lui avait guère laissé le loisir de remettre son pantalon. Tout juste avait-elle eu le temps de se sécher précipitamment avant de le suivre dans l'immensité du dédale de pièces et de couloirs du palais. Et puis elle avait compris en voyant les cordes. Ces longues cordes de chanvre posées à même le sol... Impossible de s'y soustraire, impossible d'y échapper... Alors elle avait abdiqué, elle avait renoncé à toute espérance, à toute idée de liberté...Elle allait être attachée, et cela autant de temps qu'il le désirerait...

Le ligotage se poursuivait. Lentement, patiemment, Magon enserrait ses bras, ses poignets et ses doigts dans un enchevêtrement de liens si complexe qu'elle en avait rapidement perdu le fil. Des dizaines et des dizaines de brins qui se croisaient pour mieux s'éloigner les uns des autres. Contrairement à la première fois, le Maître bondageur laissait, ici, s'exprimer toute la quintessence de son art. Un art aussi étrange que sensuel.

La peau de la jolie rousse frissonnait au moindre contact, au moindre frôlement. Ses muscles se tendaient, sa respiration s'accélérait. Aussi imperceptibles étaient ces signes, ils trahissaient son angoisse, son appréhension. Cette horrible frayeur qu'une nouvelle fois son bondageur la précipite dans un tourment brutal et implacable.

- Détends-toi... murmura-t-il doucement au creux de son oreille. Aujourd'hui tu n'as aucune raison de t'inquiéter. Laisse-toi simplement aller... Abandonne toutes tes peurs et goûte l'instant présent...

- Je... Je...

L'homme posa un doigt sur ses lèvres.

- Les cordes sont là pour te libérer de toutes les tensions qui assaillent ton corps et ton esprit. Tu dois te reposer sur elles. Tu dois leur faire confiance. Elles ne tremblent pas, elles ne faiblissent pas. Elles sont là pour te soutenir, pour t'isoler de ce monde si cruel et de la vanité de ton existence...

- Je...

- Il n'y a que toi et moi ici. Rien et personne d'autre... poursuivit-il tout en lui intimant, d'un geste, l'ordre de s'assoir sur le sol. Tes mains sont déjà solidement liées dans ton dos. Chacun de tes doigts ne peut désormais plus bouger...

Il marqua une pause pour reprendre son souffle, pour mieux la faire languir en attendant la suite.

- Bientôt tes jambes subiront le même sort... Et malgré tout l'orgueil dont tu fais preuve, il te sera strictement impossible de t'échapper... Ta captivité est inéluctable...

Comme pour faire écho à ses paroles, il enroula une nouvelle corde autour des chevilles, croisées l'une contre l'autre, de la jeune femme assise en tailleur. Une corde dont il fit ensuite passer l'extrémité à travers la boucle de métal qui surmontait son collier.

- Aïe... se plaignit timidement lady Mary.

Centimètre après centimètre, le Maître bondageur tendait cet ultime lien, forçant sa prisonnière à cambrer progressivement sa tête en direction de ses chevilles.

- Ne sous-estime pas ta souplesse, souffla calmement l'homme en se penchant à hauteur de sa nuque. Je sais que tu es capable de supporter cette position...

- Mais je ne peux plus bouger le moindre petit doigt...

- C'est là tout le charme d'un ligotage réussi... Aucun espoir, aucune échappatoire... Je suis dorénavant la seule personne en mesure de te libérer...

- Mais, je ne comprends pas... Le but ? Quel est le but ?

- La soumission... La soumission aux cordes et à leur contrainte. Elles font partie de ton monde désormais. Elles sont ton univers, ta seconde peau. Il faut que tu apprennes, sinon à les aimer, du moins à tolérer leur présence, à accepter leur force... Car elles sont infiniment plus fortes que toi, bien plus résistantes...

- Mais elles me font mal, elles s'enfoncent dans ma peau...

- Bientôt tu apprécieras leurs marques, leurs morsures... Comme le témoignage de tes longues heures de captivité... Comme le témoignage de ton endurance... expliqua-t-il en posant sa main dans ses cheveux.

- Je... Je...

- Comme le témoignage de ton désir de vaincre. Leur force doit devenir ta force. La peur et l'appréhension qu'elles t'inspirent doivent devenir ta grâce, ta volupté... Tu dois te sentir fière, belle, puissante et désirable...

- Désirable ?

- Les cordes sont là pour souligner chacune des lignes de ton corps, pour sublimer tes nombreux atouts...

- Mais...

- Car tu es incroyablement belle Mary... Mais peut-être n'en as-tu pas conscience...

La jeune femme frissonnait. La moindre parcelle de sa peau nue frémissait à l'évocation de ces mots si doux, si soignés, qui formaient une mélodie dont elle était la muse.

- Je... Je ne sais plus... soupira-t-elle en se sentant défaillir.

- Chut... dit-il en posant de nouveau un doigt sur ses lèvres.

La jolie rousse se tût. Elle n'avait plus la force de parler, plus l'envie de se battre. Elle n'était plus qu'un corps brûlant et transit de désir. Elle était perdue dans les limbes de cette ivresse si douce et pourtant si intense. Elle était là, à moitié nue et prise au piège de cette fabuleuse et inextricable toile de chanvre. Elle n'éprouvait plus la moindre gêne, plus la moindre honte. Elle n'avait plus peur. Elle était dans sa bulle, en dehors du temps, en dehors de tout. Il n'y avait plus qu'elle, son bondageur et le long foulard vert qu'il approchait lentement vers sa bouche, délicatement vers ses lèvres...

Alors elle les ouvrit. Elle était prête, elle était armée. Elle pouvait y faire face, elle en était certaine... Mais au lieu de ça le foulard se posa sur ses yeux.

- Un bandeau ?

- Chut... murmura de nouveau Magon en nouant la large pièce d'étoffe derrière sa tête.

Mais elle ne l'entendit qu'à peine. Les pans du foulard étaient également plaqués contre ses oreilles, la coupant définitivement du monde extérieur.

- Je...

Le Maître bondageur ne répondit rien. Il caressa une dernière fois sa longue crinière rousse et il s'éclipsa, abandonnant sa belle captive à ses liens et à son envoutant destin.

Les Aventuriers du BondagistanOù les histoires vivent. Découvrez maintenant