Chapitre 9

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Pendant ce temps, à quelques centaines de kilomètres de là, plus au nord, lady Mary courait. Elle avait réussi, par un multiple concours de circonstances, à fausser compagnie à ses ravisseurs.

Elle n'avait rien tenté pendant le voyage en bateau. Elle s'était résolue à suivre sagement les ordres d'Adranon. De jour en jour elle avait ainsi appris à parler et à comprendre leur langue. Elle avait accepté, sans broncher les différents ligotages que le magicien lui imposait, parfois pendant des heures. Elle avait attendu d'être sur la terre ferme. Elle avait attendu, une fois arrivée aux Indes que sa surveillance faiblisse. Elle avait attendu de traverser la moitié du pays pour tenter sa chance.

Sa seule et unique chance.

Car connaissant Adranon, elle n'en aurait pas de deuxième...

Elle courait donc, le plus vite possible dans le dédales de ruelles de cette petite ville de frontière dont elle ignorait le nom. Tout ce qu'elle savait c'était qu'au delà s'étendaient les montagnes du Kreplashistan, avant les vastes plaines du Bondagistan. Aucun Britannique de l'autre côté, pas la moindre personne civilisée, uniquement des barbares avides de ligotage.

Elle les avait semés. Elle en était désormais certaine. Adranon courait vite, mais elle avait eu la bonne idée de renverser une cagette de fruits dans ses pieds et il était tombé. L'instant suivant elle avait tourné dans une petite rue en attrapant, au vol, une large pièce d'étoffe noire pour couvrir ses longs cheveux roux, avant de se mêler à la foule. Son travail avait payé. Toutes ces heures passées à s'entraîner, à se muscler, venaient de lui offrir ce qu'elle désirait le plus au monde : sa liberté.

La jeune lady poursuivit alors sa route, tout en restant prudente, vers le centre de la ville, et elle y trouva rapidement ce qu'elle cherchait. L'Union Jack, le drapeau de son pays, planté fièrement au dessus d'un poste de l'armée Britannique. Elle s'avança donc vers les deux soldats en uniforme rouge.

- Je vous prie de m'aider, demanda-t-elle en dévoilant sa chevelure. Je suis poursuivie par un groupe de malfaiteurs.

Les deux hommes échangèrent un regard. La jeune femme crut un instant qu'elle allait être congédiée comme une vulgaire mendiante, mais ils finirent par lui faire signe d'entrer dans le local.

Ouf ! Elle était sauvée.

Elle pénétra dans un large et sombre couloir, suivant de près un soldat qui la fit s'asseoir dans un petit bureau à l'arrière du bâtiment.

- Je vous apporte à boire dans un instant mademoiselle.

- Merci.

Lady Mary resta quelques minutes seule. Elle pouvait souffler. Bientôt elle pourrait retourner en Angleterre et retrouver lord William, avant d'oublier toute cette histoire. Bientôt il la serrerait dans ses bras... Bientôt elle pourrait dormir en toute quiétude...Bientôt...

- Mademoiselle.

La voix du soldat la fit sursauter.

- Mademoiselle.

- Oui... Pardonnez-moi, je m'étais assoupie.

- Le contre coup sans doute, dit-il en posant une tasse de thé sous son nez. Buvez, ça va vous remettre d'aplomb.

- Merci. Cela fait une éternité... répondit-elle en portant le liquide à ses lèvres.

- De rien mademoiselle. Je vais maintenant vous laisser, le lieutenant Spaulding souhaite s'entretenir avec vous.

- Merci, merci pour tout.

Le jeune soldat s'esquiva. L'instant suivant un grand roux à la fine moustache entra dans le petit bureau.

- Bonjour mademoiselle. Je suis le lieutenant Spaulding. Vous êtes ?

- Je m'appelle lady Finneley. Lady Mary Finneley.

- Une jeune lady ? Dans cette tenue ?

- Laissez-moi vous expliquer...

- Soit, mais tâchez d'être convaincante ma chère, car je déteste perdre mon temps.

La jeune femme se redressa sur sa chaise. Elle était épuisée, mais elle trouva tout de même la force de raconter son enlèvement et son périple.

- Des Bondagistanais ? demanda l'officier.

- Oui, c'est bien cela.

- Je vois... Figurez-vous mademoiselle que je discutais avec l'un d'eux il y a de cela quelques minutes.

Lady Mary se raidit brusquement.

- Vous voulez dire que...

- Oui, il est ici. Un certain Adranon...

La jeune femme se crispa de terreur.

- Je vois à votre visage que vous voyez de qui je veux parler.

- Aidez-moi. Je vous en conjure sauvez-moi.

- Je crains malheureusement que cela me soit impossible ma chère...

Le lieutenant Spaulding brandit soudainement son revolver vers lady Mary.

- Mais...

- Ce monsieur me paie très bien, déclara-t-il.

- Je vous en prie... sanglota-t-elle tandis que la porte s'ouvrait sur le visage du magicien.

- Ma tendre et douce Mary... commença le Bondagistanais en sortant de sa poche une paire de bracelets métalliques.

- Non ! hurla-t-elle.

- Inutile de crier. Tous ces soldats sont sous mes ordres, affirma le lieutenant.

- Allons, soyez sage Mary... Vous avez tenté votre chance avec élégance, mais vous avez échoué. Ne nous obligez pas à nous montrer désagréables, continua Adranon en faisant sauter les verrous de ses menottes.

- Pitié...

Les deux hommes s'approchaient lentement. La jeune femme pouvait désormais sentir leurs souffles chaud sur sa peau nue. Ses poils se hérissaient. Elle tremblait de tout son corps.

Si près du but.

Quelques secondes plus tard les deux bracelets se refermèrent sur ses poignets dans un cliquetis épouvantable. Et elle savait. Elle savait qu'elle n'aurait pas d'autre opportunité.

Si près du but.

Les Aventuriers du BondagistanOù les histoires vivent. Découvrez maintenant