Chapitre 1

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J'essayais de me souvenir, ne serait-ce qu'un minuscule élément de celle que j'étais avant.

Mais impossible, cette époque semble bien loin derrière, et trop idéale.

A quoi est-ce que j'occupais mes soirées avant ? Avant de les passer enfermée dans ma chambre, pleurant à chaudes larmes avec l'impression que tout s'écroule, me file entre les doigts et vient se briser à mes pieds.

A quoi est-ce que j'occupais mes journées avant ? Avant de ne plus avoir goût à rien, de me sentir si vide et si désemparée, et de simplement laisser le temps glisser sur moi.

Rien. Aucun souvenir.

Comment en étais je arrivée à ce point ? Comment avais je pu tout gâcher de la sorte... ?

Ma vie était si parfaite, déjà tracée, mais un rien peut venir tout détruire et vous briser.

Au début je luttais, je m'efforçais de garder espoir, l'espoir qu'un jour tout redeviendrait comme avant. Sottises, j'avais été tellement naïve... Cela avait pris tellement d'ampleur, je me demandais comment j'avais réussi à tenir bon jusque là.

Les gens sous estiment grandement la douleur des autres. Comme si ce quine les atteignaient pas ne pouvait pas atteindre les autres. En vérité, chacun possédait sa propre sensibilité, sa propre réceptivité, un détail insignifiant pour un pouvait détruire l'autre.

Toujours cette voix et ces pensées dans ma tête, qui montaient crescendo au fil du temps, c'était interminable.

L'histoire se répétait encore et encore à l'infini, tellement de fois que j'avais failli en devenir folle.

Mais j'avais atteint le seuil de non-retour.

Ce moment à partir du quel je ne pourrais jamais revenir en arrière, quoi qu'il arrive. Je ne pourrais jamais oublier toute cette souffrance.

Je n'existais plus, j'étais vide de toutes pensées, à part cette voix dans ma tête. Mais il était trop tard.

J'étais tombée dans son sombre piège...


J'ignorais où j'allais, je voulais juste fuir. J'alternais entre marche rapide et course. A travers les flocons et la ville, je fuyais. Qu'est-ce que je fuyais ? Le monde ...

Mes pas résonnaient sur le bitume de la rue , je bousculais des gens au hasard, ma vision se brouillait de rouge et les flocons se perdaient dans mes poumons. Mes larmes étaient gelées depuis bien longtemps, et mon esprit lassé. Il faisait froid, trop froid, la nuit tombait. Je n'avais même pas de manteau, j'étais simplement vêtue d'un sous-pull et d'un jean, je grelottais. Le froid s'immisçait en moi comme le mal s'immisçait dans ma tête. Je continuais ma course folle à travers la ville, puis à travers des champs. Les herbes hautes me ralentissaient et s'accrochaient à mes vêtements comme pour essayer de me retenir. Mais tout autour de moi était flou, sans importance, terne. Le paysage se succédait au rythme de mes pas, les personnes sur la route se faisaient de plus en plus rares.

Bientôt j'arrivai devant ce qui ressemblait à l'entrée d'une forêt. Je n'hésitai pas et je m'y engageai. Les branches me griffaient le visage et les ronces lacéraient mes vêtements. A plusieurs reprises je trébuchai dans des racines, mais cela ne me décourageais pas. Ma course était rythmée par des bruits d'animaux qui se mettaient en chasse, les premiers hululements des chouettes et hiboux, les battements d'ailes des chauves-souris, les pas légers des cerfs et biches qui se retiraient pour la nuit, et tout ces autres petits bruits de la forêt. J'avoue que cela ne me rassurait guère, mais je me sentais déjà plus en sécurité au milieu de cette forêt que je ne l'avais jamais été au milieu des humains. Mais après tout je m'en moquais, quelle importance ? Tout serait bientôt fini, je serais bientôt en paix loin de tout.

Je m'enfonçais encore dans le bois. Les arbres qui m'étaient réconfortants et familiers le jour, prenaient une toute autre apparence la nuit. On aurait dit des ombres, des monstres boursouflés, des mutations prêtent à vous sauter à la gorge. Mais pourtant ils restaient immobiles. Ce n'était que des arbres après tout.

Quand tout sera fini, je ne pourrais plus faire de mal aux autres, je ne les décevraient plus. Je cesserais d'être un poids pour les autres et pour moi-même. Mes peurs tomberont avec moi, et cette petite voix cessera d'exister à tout jamais. Je serais enfin en paix.

Plus j'avançais dans la forêt, plus j'avais l'impression que le sol devenait marécageux. Les arbres laissaient passer de moins en moins de lumière et une odeur âcre régnait. Je fini par déboucher dans une clairière perdue au milieu de cette forêt. Étrange, la forêt paraissait si dense. Je m'avançai dans cette clairière. Je distinguais comme une énorme masse.

En m'approchant je m'aperçus qu'il s'agissait d'un manoir. Un imposant manoir construit avec des pierres noires, entièrement noir, chaque élément qui le constituait était noir. Un grand escalier de marbre noir, une grande porte noire, de grandes fenêtres et volets noirs, des statues sculptées dans une pierre noire ... On aurait dit un vieux manoir gothique, une vieille maison hantée, je n'arrivais pas à distinguer si il était abandonné ou habité, il faisait trop noir. Je cru distinguer sur la façade des reliefs et des gravures de têtes de mort. Que faisait cette habitation perdue au milieu de cette forêt ?

Je m'avançai encore un petit peu, intriguée. A côté du manoir, je repérai une sorte de remise ouverte où à l'intérieur s'entassaient des bûches de bois.

Je marchais péniblement, ma peau bleu et mes membres engourdis par le froid. Je me dirigeai vers cette remise. Elle était construite avec un bois noir et d'autres matériaux que je ne reconnus pas. A l'intérieur il y avait les bûches de bois, et quelques bricoles également. Deux trois outils par là, des pots de peinture, des vieilles bouteilles et un miroir brisé, le tout saupoudré d'une bonne couche de poussière. Je me saisis d'un des éclats du miroir, il faisait la taille de mon avant bras. Je regardai mon reflet une dernière fois dans le miroir, posant ma main sur la surface brisée.

Je remontai la manche de mon sous pull et j'approchai le fragment de miroir de ma peau. Je pris une longue inspiration, et je me mis à déchirer la peau qui enveloppait mon bras. Tout était fini, je voulais partir loin et ne plus jamais revenir. Je continuai encore et encore jusqu'à me sentir un peu mieux. Les gens ne comprennent jamais ceux qui se font du mal, ils croient à un acte purement égoïste, mais ce n'était absolument pas le cas. Se faire du mal permettait, au moins quelques secondes, de se concentrer sur autre chose que sur cette douleur qui émanait de notre âme. Mais n'essayez pas d'expliquer cela, je pense qu'il faut l'avoir vécu pour le comprendre...

Je contemplais mon bras zébré, cette fois je devais aller jusqu'au bout. Le sang dégoulinait et tombait sur la neige immaculée.

Je me relevai, mais je fût soudain prise d'un vertige, sûrement à cause du sang que j'avais perdu, du froid et de mon épuisement, je tombai. Je restais là, enfouie dans la neige et le froid, au bord de l'entrée de la remise. Je n'avais pas l'intention de bouger d'ici, je voulais juste rester là et attendre que le froid fasse effet. Je ne ressentais plus le froid d'ailleurs, ni la douleur, ni rien. Lavie me quittait lentement, enfin le peu de vie qu'il me restait. L'autre partie de moi était morte il y a bien longtemps. Mon autre partie s'apprêtait enfin à la rejoindre.

Tout devint flou, tout se mélangea, mon esprit n'arrivait plus à réfléchir. Puis j'eus une dernière pensée :

« Charmant endroit pour mourir ... » Et puis tout devint noir ...


Je me souviens juste avoir erré dans l'ombre, je ne voyais rien, mes sens ne fonctionnaient plus. Je marchais juste, mais sans sentir le poids de mes pas. Et soudain, je tombai ...

Toutes les plus belles nuances du noirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant