Chapitre 8

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Je devais répondre à sa question, tel était notre marché.

J'inspirai profondément.

« Il y a bien une raison. »

Je marquai une pause.

« J'aimerais simplement comprendre pourquoi tu agis comme tu le fais. Je ne te jugerais en aucun cas. » M'encouragea t-il.

Aller, Nyx. Libère toi.

« J'avais 18 ans, commençai je, j'étais allée à une fête de mon lycée pour essayer de me faire des amis, même si je ne m'attendais pas à grand chose. Je suis arrivée un peu en retard, je m'étais trompée de route. J'avais mis une robe achetée spécialement pour cette occasion, j'espérais vraiment me faire au moins un ami. Ma robe était bleu ciel, plutôt simple. Quand je suis arrivée, j'ai frappé à la porte, et on m'a ouvert. Ils étaient tous en train de boire, de fumer, de danser. La bonne ambiance des fêtes. Je me suis frayé un chemin jusqu'à la cuisine. Je me suis servis un verre de jus de fruit. Je ne voulais pas boire, pas ici, pas comme ça... Je suis allée dans le salon. Je suis restée un petit moment dans un coin avec mon verre. Et puis, un homme est venu me voir. Il devait avoir à peu près mon âge. Nous avons parlé de... je ne me rappelle plus trop de quoi à vrai dire... A un moment, mon verre était vide, il est allé m'en resservir un dans la cuisine, je ne l'ai pas suivi. Quand il est revenu, il m'a tendu le verre. Je l'ai bu, et nous avons continué à discuter. Je ne sais pas combien de temps exactement il s'est écoulé. J'entendais les sons atténués, ma tête tournait, j'avais chaud, trop chaud. Je n'arrivais plus à tenir de propos cohérents. Il m'a emmené à l'étage...

-Nyx, arrête... Me coupa Ezra, tu n'est pas obligée de continuer... »

Trop de choses tourbillonnaient dans ma tête. Des choses horribles. Des choses qu'Ezra avait sûrement deviné. Je ne pouvais plus rester avec ça sur le cœur... J'avais besoin d'en parler.

« J'aimerais continuer...

-C'est comme tu le désires. »

Ezra me tendit sa main, et je la pris dans la mienne. Je me sentais plus forte.

« Il m'a emmené à l'étage, dans une chambre. C'est flou dans ma tête...Je me souviens avoir essayé de me débattre, de crier, j'étais comme paralysée. Je ne pouvais rien faire. Il avait dû verser quelque chose dans mon verre, je n'avais pas fais attention... »

Je m'accrochai à la main d'Ezra.

« ... Il m'a violée. »

J'avais terminé. J'avais réussie à tout lui raconter.

Le lendemain de ce drame, je suis rentrée chez moi et j'avais pris douche sur douche, il m'avait salie, je me frottais encore et encore. L'eau ruisselait sur mon corps, mes larmes s'y mêlaient. Je n'arrivais pas à effacer ce souvenir de ma mémoire, j'avais l'impression de sentir encore ses mains sur mon corps, de le sentir me toucher encore et encore... Même aujourd'hui je garde encore cette impression.

Pendant les jours qui ont suivis, je m'en suis voulue, je n'avais pas été responsable de moi-même, j'avais été sotte. Je méritais ce qui m'était arrivé, c'était entièrement de ma faute... Aujourd'hui, je pense que c'était notre faute à nous deux...

Mon pyjama était trempé de larmes, de nos deux larmes, Ezra aussi pleurait. Sa chaleur qui me parvenait depuis sa main empêchait mon corps de ressentir mes fameux frissons.

« Je m'excuse, Nyx... Je n'aurais pas dû lancer ce jeu stupide.

-Ne t'excuse pas, au moins tu le sauras, et cela m'aura permis de me libérer. »

Il hocha la tête.

Nous restâmes sans rien dire. Difficile en même temps de savoir quoi dire après cela. Mais on n'y pouvait rien, c'était le passé, c'était arrivé. Le mal était déjà fait.

Je décidai de continuer le jeu.

« A mon tour de te poser une question. As-tu déjà eu des animaux de compagnie ? »

Il fut très surprit de ma question, mais je me devais de rendre l'atmosphère moins lourde.

« Oui, il y a très longtemps, j'ai eu un cochon d'Inde, elle s'appelait Amandine.

-Oh, c'est mignon, comment était elle ?

-Je ne me souviens plus trop... Je crois qu'elle était marron, avec quelques soupçons de noir.

-Oh, je vois.

-Qu'aimes tu faire, quelles sont tes passions ? » Demanda-t-il sur un ton curieux

Oh, si je m'attendais à cela.

Mes passions ? Je ne me souvenais plus trop...

« Je crois... Je crois que j'aimais bien dessiner.

-Que préférais tu dessiner ?

-Des visages fantastiques et je ne sais plus trop.

-Tu aimes lire aussi j'ai cru comprendre ?

-Oui.

-Que lis-tu ?

-Les romances, les histoires d'horreur, je lis un peu de tout. Et toi,aimes-tu lire ?

-Oui, j'aime bien Le portrait de Dorian Grey, il y a un concept pas mal derrière je trouve.

-Oui, cet homme qui fait peindre un portrait de lui, puis souhaite que le portrait vieillisse à sa place.

-Il reste d'une grande beauté malgré tout ses pêchés.

-Mais le portrait le montre tel qu'il est vraiment, un monstre...

-Exacte, trop de gens se soucient de l'apparence alors que ce qui compte c'est la personne qu'on est au fond.

-Oui, l'apparence n'est rien, elle est trompeuse. »

Combien de fois j'avais vus, entendus des gens se faire juger sur leur apparence, des jugements sortis de nulle part, gratuit, méchants. Ces personnes ne cherchaient pas à voir plus loin que le bout de leur nez.

« J'aime beaucoup Le monde de Narnia également.

-Oh, oui ! C'est si beau comme histoire !

-Oui, c'est incroyable. »

Je laissai échapper un bâillement.

J'étais si fatiguée, mais je savais que si je dormais, mes démons allaient me rattraper. Je devais résister.

« Tu es fatiguée, tu devrais dormir. »

Non, je ne dois absolument pas Ezra.

« Sûrement...

-Je te raccompagne à ta chambre si tu veux ?

-D'accord... »

J'avais le cœur serré. Nous nous levâmes et prîmes la direction de ma chambre. Il ouvrit la porte et nous entrâmes. Il se dirigea vers la fenêtre.

« Viens, je vais te montrer comment marche le loquet de la fenêtre. »

Je me dirigeai à côté de lui. Il m'expliqua, en fait c'était assez simple, je me sentais stupide. Mais j'avais du mal à me gérer sous le coup de la panique. Ceci expliquait cela.

« Voilà, si tu as besoin d'ouvrir la fenêtre, n'hésite pas.

-Merci.

-Pas de soucis. »

Il me prit la main en me souhaitant bonne nuit.

Non, Ezra, ne part pas. C'est ce que j'aimerais pouvoir lui dire. Ne part pas et reste avec moi, ne me laisse pas avec mes démons... Mais parfois, les mots restaient coincés dans ma gorge, dans mon cœur, me laissant dépitée avec un sentiment amère de regret... J'étais comme ça, ne rien dire et tout regretter plus tard. Tout mes non-dits me rongeaient de l'intérieur, ma vie me rongeait de l'intérieur. La souffrance s'intensifiait, jour après jour.

« Bonne nuit Ezra.

-Bonne nuit Nyx. »

Il lâcha ma main, et partit laissant derrière lui un doux parfum de feu de cheminée.

Toutes les plus belles nuances du noirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant