Chapitre 1

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Je me sentais nerveuse, pourtant je ne le suis jamais avant une prestation. Chanter est une seconde nature, cela fait partie de moi. Ce soir-là, sans savoir pourquoi, je ne pouvais repousser le mauvais pressentiment qui m'envahissait. Peut-être était-ce dû au fait que j'allais me produire au château, et surtout devant lui, le prince des Ténèbres. Jamais je ne l'avais aperçu, mais sa réputation, je la connaissais malheureusement, pas dans un sens positif. Il était réputé pour être cruel, impitoyable, dur et sans émotions. Moi qui avais l'habitude de chanter dans les tavernes...

Lens, le tavernier chez qui je chantais le plus souvent, m'avait chaudement recommandée aux organisateurs du Palais Royal. Lens était de ceux qui avaient le bras long et qui avaient un réseau. Je le considérais comme une sorte d'ami, bien que je sois toujours seule et sans attaches. Je change souvent de village. Pour une raison inconnue, je m'étais attardée un peu plus longtemps que d'habitude au village de Tormentill. J'appréciais toujours la bienveillance de Lens, mais plus j'avançais vers le Palais, plus je me demandais s'il avait eu une brillante idée. Son excitation était à son comble quand il m'avait annoncé qu'il m'avait trouvé ce travail pour une soirée. Je ne voulais pas freiner son entrain, et surtout, c'était l'occasion de me faire cinq fois plus d'argent que je gagnais en une soirée dans sa taverne. Ainsi, je décidais que le lendemain du bal, avec l'argent gagné, je partirais dans un autre village.
La vue du château grandissant me tira de mes pensées. Il se situait à côté de Tormentill, mais jamais je ne l'avais vu. Pour y accéder, il fallait traverser une grande forêt. Cela ne m'effrayait pas, même si sur terre rôdaient les humains, certains malveillants, d'autres non, les vampires, les Fae, des créatures aux pouvoirs magiques. Mais l'espèce la plus crainte était celle des Faehirs. Des hybrides mi-vampire, mi-Fae. Les plus puissantes créatures magiques qui ont les pouvoirs des deux races et qui contrôlent le monde.
Apparemment, d'après ce qu'un humain m'avait conté peu de temps après mon arrivée sur Terre, il y a fort longtemps, vampires et Fae s'étaient unis et mélangés, ce qui a donné naissance aux Faehir, à leur grand regret aujourd'hui. Si les deux genres avaient su qu'ils allaient enfanter des êtres plus forts qu'eux, ils se seraient bien évidemment abstenus. On pouvait différencier les deux races uniquement grâce à deux choses : l'onde des pouvoirs des Faehirs était plus forte que celle des Faes, et les oreilles des Faes étaient pointues tandis que celles des Faehirs ne l'étaient pas.

Je me retrouvais devant le château. Je ne pus m'empêcher de marquer un temps d'arrêt tant il était impressionnant, gigantesque mais sombre. L'entièreté des parois de la bâtisse, jusqu'au bout des tours, ressemblait à du verre brillant laqué de noir, comme si notre image pouvait se refléter sur les murs. Il n'y a pas l'ombre d'une fenêtre. À mon avis, elles devaient y être mais semblaient paraître de la même matière que les cloisons noires. Ce type de vitre où l'on y voit de l'intérieur mais pas de l'extérieur. Les tours qui surmontent l'édifice se terminent par de longues piques.

"Miss Laverly ?" me tira une voix de ma rêverie. Une femme, plutôt une Fae à l'allure stricte et tirée à quatre épingles, se trouvait sur les escaliers face à moi. Trop occupée à observer le château, je ne l'avais pas entendue arriver.

"Oui," bégayais-je bêtement. La domestique se mit sur le côté et d'un mouvement de bras, m'invita à entrer en s'inclinant légèrement. Je la trouvais bien polie car toutes les autres espèces n'ont pas la moindre considération pour les êtres humains, ce que je me faisais passer depuis quelques années depuis mon arrivée sur Terre. Je la rejoignis sur les escaliers, et nous entrâmes dans le château. Derrière les grandes portes, la beauté du Palais était subjuguante. Nous nous trouvions dans le grand hall. Les meubles et la décoration étaient dans les tons noirs et blancs. Les hauts plafonds étaient décorés de magnifiques chandeliers noirs qui contrastaient avec les murs blancs. Une fontaine en marbre noir trônait au milieu de la pièce. Derrière elle, se trouvaient deux grands escaliers qui se rejoignaient en haut, d'où continuait un épais couloir. De petites commodes et diverses décorations exubérantes, telles que des statues de Faehir noires, mettaient en beauté l'endroit. Je ne pus m'empêcher d'être impressionnée. Je fus forcée d'arrêter ma contemplation, car la Fae m'attendait l'air impatient. Je la rejoignis vers la petite porte située vers le grand escalier.
"Le bal a déjà commencé, Miss Laverly. Votre entrée en scène sera dans 30 minutes. Si vous voulez bien me suivre, afin que je puisse vous montrer où vous pourrez vous changer et vous préparer."
"Oui, merci," acquiesçais-je en lui désignant mon sac accroché à mon épaule, "ma robe et mes préparatifs sont là-dedans."
La Fae eut l'air mal à l'aise et bafouilla : "En ce qui concerne votre robe, le Prince a de hautes exigences concernant les tenues. Nous nous sommes permis de vous en procurer une. Suivez-moi, je vous prie," rajouta-t-elle devant mon air surpris.
Je lui emboîtai le pas malgré mon malaise grandissant. J'allais devoir être très prudente pour ne pas être démasquée et concentrée au maximum pour éviter qu'une onde de mes pouvoirs ne se fasse sentir. Car toutes les créatures magiques ont la capacité de discerner la puissance ou non de la magie des uns et des autres. Elles pouvaient aussi reconnaître à quelle espèce l'on appartenait grâce à leur odorat. Les pouvoirs de chaque race avaient une odeur différente. Plus les secondes passaient, plus je regrettai d'avoir accepté de chanter devant des Faehirs puissants, mais surtout devant le plus puissant d'entre tous. Je n'imaginais pas à quel point j'allais m'en mordre les doigts.

Le Prince des Ténèbres : quand la douceur rencontre la noirceur Où les histoires vivent. Découvrez maintenant