Chapitre 19 - Nina

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Mes pensées sont embrouillées, emmêlées comme si quelqu'un avait joué à en faire des nœuds. Je ne sais plus ce que je veux ou pas. Je ne sais plus ce que je dois faire.

Mickaël n'est pas venu hier, et il n'est pas là non plus aujourd'hui. Son absence me pèse lourdement, tout parait plus gris. Je ne l'ai pas vu depuis qu'il est parti de chez moi, je sais juste qu'il n'a rien. Il se tient à distance et je crois que c'est encore pire que tout.

Alors que je prépare le stencil pour ma cliente qui fume une cigarette à l'extérieur, mon téléphone sonne. Un profond soupir s'échappe malgré moi.

C'est pas le moment.

Malgré tout, je décroche.

– Ça va, maman ?

Je m'assois et laisse ma mère diriger la conversation. Je suis trop fatiguée pour me rebeller aujourd'hui. Ses paroles sont prévisibles, comme toujours. Elle me fait ses demandes et reproches habituels. Mais cette fois, la colère qui se réveille en temps normal reste enfouie. Je la laisse faire. Sa voix, qui d'habitude me fait grincer des dents, me réconforte. Même si elle ne dit pas ce que j'aimerais entendre, ma mère tient à moi et le manifeste à sa façon.

Je raccroche, laissant son dernier « Je t'aime, ma fille » résonner dans ma tête. Je regarde autour de moi, le salon semble soudain très vide et froid. Mickaël n'est pas là. Sans lui, je ne suis pas sure que rester soit une bonne idée.

– Je devrais peut-être écouter ma mère et rentrer.

Ma cliente rentre dans le salon et interrompt mes réflexions.

Je me laisse emporter dans son tatouage, une rose multicolore pour cacher une cicatrice sur sa main. Elle me pose quelques questions auxquelles je réponds avec bienveillance, mais je reste concentrée. La peau de la main est fine, je veux que son tatouage soit parfait, alors je prends mon temps. Je n'ai pas d'autres tatouages prévus après de toute façon.

Une fois les contours tracés, je sors mes encres de couleur, choisissant avec attention les teintes d'oranges et de roses à appliquer.

Le téléphone du salon s'anime, j'ai à peine le temps de relever la tête que Benjamin répond, plus rapide que moi. J'entends en partie ce qu'il dit, mais je ne m'attarde pas dessus, il doit surement noter un rendez-vous pour lui.

Mais tout à coup, sa voix m'appelle.

– Nina ?

– Oui ?

– T'es dispo à 16 h ? Un client voudrait un lettrage simple style manuscrit sur le poignet. T'es OK ?

– Quel mot ?

– Love.

Je réprime une grimace, ce n'est pas vraiment le bon jour pour l'amour, mais j'accepte.

– Oui, OK.

Benjamin se retourne et répond au client à l'autre bout du fil. Je l'entends noter son nom sur mon agenda : Michel Froussard. Un nouveau client.

À 15 h 30, je termine la rose de ma cliente qui ne s'arrête plus de sourire. Elle a mal, mais elle sourit comme si je lui avais fait le plus beau des cadeaux. Sa rose aux teintes orange et roses entremêlées est superbe. Avec son accord, je prends quelques photos avant de l'accompagner à l'extérieur.

L'air frais me fait du bien, mon sourire revient, mais il est de courte durée. Un passant un peu âgé me regarde de travers, insistant sur mon ventre et mes formes un peu trop moulées à son gout. Un gout aigre se répand dans ma bouche et avec lui les reproches de ma mère refont surface.

Tatoue-moi, Choisis-moiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant